Chapitre XI

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Axel Grenat

  Un notification que je n'avais pas reçu depuis un bail refait surface sur mon téléphone. J'étais prêt à gueuler sur la terre entière à cause de cette notification qui a coupé ma musique le temps de quelques secondes. Seulement, lorsque je vois le pseudo affiché, je me calme aussitôt.

Athéna_Feng

  La dernière fois que j'avais vu ce pseudo, c'était au collège. C'était un pseudo twitter assez connu. Elle écrivait des textes anonymes poignants qui ont aidé beaucoup de gens, qui ont apaisé le cœur de beaucoup de monde. Dont moi. Alors elle a de nouveau repris son compte ? Depuis le temps, j'ai cru qu'elle était morte depuis le temps. Sur son profil, il n'y a pas grand-chose sur elle. On connaît son genre, son âge mais pas son identité. On n'a jamais su si Athéna était réellement son prénom, encore aujourd'hui je l'ignore. Je ne sais même pas à quoi elle ressemble.
  On a le même âge alors, si elle n'a pas redoublé ou sauté de classe, elle a arrêté d'écrire début lycée. Tous ses abonnés étaient en alerte à cette période là. C'était assez drôle à voir. Cependant, je dois bien avouer que sa disparition soudaine m'a affecté d'une certaine manière.
  “Aujourd'hui, j'écris ces mots par un simple hasard. J'ai simplement envie de vider ma tête. Le retour du passé me submerge, je ne sens plus mes jambes. Mon corps est si lourd, qu'il coule dans les abysses de mes souvenirs passés. Je vous ai revu et cette partie de ma mémoire s'est recollé. Je l'avais pourtant brisé avec tant de haine, après tant de larmes versées par la douleur de mon cœur. Vous avez recollé ce qui aurait dû disparaître,…
— Tu lis quoi ? S'exclame Lexi qui m'arrache mon téléphone.
— Hé ! Rends le moi !
Ce passé qui aurait dû se laisser consumer par la distance, par le sablier du temps, pas ces grains de sable qui représentent les secondes de mon existence. Un nouveau décor n'est pas synonyme de paix. Eh beh, soupire-t-elle. C'est stylé, j'aime son style. C'est de qui ? Athéna Feng ? Ça me dit un truc.
  Elle sursaute quand je reprends mon bien. Je lâche un soupir.
— Calme-toi, j'allais te le rendre.
  Je m’affale sur le siège. Je n'ai pas envie qu'elle me le vole encore alors cette fois, je le range dans ma poche pour jouer avec le ballon de basket.
— Pourquoi t'es dans cet état ? C'est pas la première fois que je te le prends…
— J'en sais rien, soufflé-je.
  Soudain, elle pouffe derrière sa main.
— C'est ta nouvelle copine ?
  Elle n'a pas le temps de lâcher un autre rire, qu'elle se prend la balle dans la tête. Cependant, elle le rattrape aussitôt.
— Ça rigole plus maintenant ? Retorqué-je amusé, avec sa mine colérique.
  Elle lance un rictus, cette fois-ci.
— T'es de mauvais poil aujourd'hui, c'est agaçant.
— Tu viens de le comprendre ?
— T'es sacrément con, souffle-t-elle en même temps de me renvoyer la balle avant qu'elle ne me tourne le dos.
  Je me caresse la joue aussitôt à cause de ses dizaines de tresses tranchantes.
  Alors qu'elle part hors de la salle, elle percute presque Matthias. Celui-ci est paumé lorsqu'il tombe nez à nez face à la colère de la Lexi au cœur de feu. Quand elle quitte la salle pour de bond, il me regarde puis me demande :
— Elle a ses…
— Non, l'arrêté-je aussitôt avant de continuer de jouer avec le ballon.
  C'est le silence complet dans la salle de jeu, notre repaire. Presque aucun étudiant ne vient ici. C'est une salle abandonnée qu'on a rénovée à notre sauce avec la bande.
  Mes mouvements sont de plus en plus rapides, le ballon ne cesse de faire des va et vient entre mes mains et le plafond. Cependant, mes mouvements s'accélèrent au rythme de la respiration de Matthias. Je n'entends que ça et c'est très perturbant. Ce dernier cri d'un seul coup tandis que son corps se retrouve debout instantanément. Je sursaute presque. Le ballon tombe sur le sol pour rouler jusqu'à ses pieds, celui-ci le prend et me regarde. Un regard que je n'aime pas tellement. C'est celui d'un Matthias qui vient d'avoir une idée. Je devine déjà ses pensées.
— Ça te dit d'organiser une soirée ?
  J'en étais sûr.
— Pourquoi pas chez toi ? Continue-t-il, excité.
— Hors de question, l'arrêté-je.
  D'un seul coup, son excitation se transforme en déprime. Il sait très bien que je ne peux pas résister, il me connait bien. Et moi, comme un con, je tombe dans le panneau.
— Pourquoi, mec ? Ça va être fun ! Puis, on est jamais venu chez toi !
— Et alors ? J'ai pas envie.
  Soudain, il glisse à genoux, prosterné face à moi avec les gros yeux de supplications. Je serre la mâchoire, les poings. Je dois penser à autre chose, je dois résister.
— S'il te plaît…
— Bon, d'accord ! Crié-je exténué tandis que mon corps tout entier s'affale, comme aspiré dans le siège.
— Yes ! Hurle-t-il, excité.
  Je regrette déjà ma décision. Soudain, mon cœur cesse de battre. Ma colocataire, je l'avais oublié. Je ne veux surtout pas qu'ils le sachent. Il va falloir que je lui en parle, qu'elle retourne à l'hôtel le temps d'une soirée ou alors qu'elle se planque dans sa chambre. Non, dans le placard c'est mieux. Avec les gars, on risque de finir bourré alors ils vont dormir dans cette chambre. Putain, c'est trop la galère d'être en colocation. Je fais comment pour la soirée ? Je ne peux pas annuler. Je suis dans la merde.
 
  Je suis sûr que ça va bien se passer, je vais lui en parler et ça va être cool.
  J'enfonce la clé dans la serrure puis déverrouille la porte. Je prends une grande inspiration avant d'ouvrir la porte et découvrir la coloc lire sur le canapé.
  Je commence déjà à déglutir. J'appréhende sa réaction.
  Elle ne m'a pas remarqué pour l'instant alors je pose les affaires discrètement dans un coin avant de faire signe de ma présence. Elle me regarde du coin de l'œil mais retourne à son bouquin alors je soupire puis lui enlève son livre des mains.
— Hé !
— Ce weekend je fais une soirée, alors… va à l'hôtel.
  Elle lâche un rictus avant de se lever, énervée, elle retourne sur ses pas pour reprendre son livre de mes mains et cette fois-ci, elle me bouscule avant de claquer la porte de sa chambre.
  Je frotte mon épaule, toujours debout derrière le canapé.
  Ça ne s'est pas si mal passé finalement. Elle est énervée mais c'est normal. Qu'est-ce qui m'a pris d'être aussi froid d'un coup ? J'aurais dû être plus joyeux, elle l'aurait mieux pris, peut-être.

GARCE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant