Chapitre LXIV

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Axel Grenat

  — C'est vraiment pour toi que je viens en cours, bredouillé-je d'un air écrasant.
  Emma acquiesce sans dire un mot. Et si elle avait osé élever la voix, je n'aurais rien à rétorquer. J'ai beau être insomniaque depuis pas mal de temps, cette nuit était la pire.  D'habitude j'aurais joué toute la nuit jusqu'à pas d'heure mais je n'ai pas touché la manette une seule seconde comme si elle était enflammée. À la place, mon corps était inerte sur mon lit avec seulement mon cœur qui se brisait dans ma cage thoracique. Là, j'ai le cœur en miette au point que je ne sens que ça. Mon ventre pourrait crier famine, je serai sourd.
— Eh oh ! Axel, tu m'écoutes ?
  Sa voix me percute, me réveillant de ma sieste. Je scrute les alentours pour apercevoir les étudiants qui sortent de l'amphithéâtre. En me tournant vers la droite, je croise le regard de Lexi.
— Quoi ?
  Elle fait la moue avant de croiser les bras puis elle penche la tête.
— T'as une sacrée tête, affirme-t-elle.
— C'est comme ça depuis ce matin, renchérit Matthias en arrivant à ses côtés les mains dans les poches.
  Mon regard s'attarde sur le dernier venu puis sur mon amie.
— Vous avez fait la paix ?
  Aussitôt, leurs regards se croisent et ils s'en détournent aussi sec.
— J'en sais rien, lâche Lexi tandis que Matthias soupire.
— Bon, annoncé-je en me levant. Il faut que j'y aille.
  J'étire mes bras avant de commencer à y aller mais la brune aux tresses coiffées en queue de cheval parvient à saisir mon bras. Un soupir s'évade de mes lèvres mais je me tourne vers elle malgré moi car même si je suis fatiguée, c'est mon amie.
— Quoi ? soufflé-je.
— Tu as des cernes énormes, ça te ferait du bien de venir à ma soirée de ce soir.
— Une soirée ?
  J'ai des cernes énormes, je suis fatiguée alors aller en soirée ce soir ça ne me tente pas tellement. J'ai surtout envie de me braquer dans ma chambre pour m'allonger sans rien faire. Seulement regarder le plafond et écouter ses paroles en boucle. Comment pourrait-elle me détester ? Qu'est-ce que j'ai fait ? L'incompréhension domine mon esprit et saccage tout dans ma tête y compris dans la vie, mon sommeil.
— Nan. Pas envie.
— Axel attend, râle-t-elle après moi.
  J'ai fait défiler tout ce qu'on a vécu, je ne comprends pas ses paroles. Est-ce que je suis trop égoïste pour voir mes propres erreurs ? Ça se trouve c'est ce baiser. J'ai tout gâché à cause de ça. Ce baiser qui a pris possession de mon corps, m'a poussé à toucher ses lèvres. Sa larme hante encore mon esprit, j'ai encore la sensation de cette petite goutte sur mon pouce. Son regard était froid, pénible à endurer qu'il est difficile de l'oublier.
  Un bras s'enroule soudainement autour de mon cou.
— Hey, marche pas si vite.
  Du coin de l'œil, je tombe sur le sourire éclatant de Matthias et derrière elle je reconnais Emma qui me regarde patiemment.
— Aller mec, vient à la soirée. Ça va te faire du bien, insiste-t-il.
— Non.
  Ses mains saisissent mes épaules pour me tourner vers lui. Je n'ai jamais vu ce visage sur lui. Les sourcils froncés, les lèvres pincées.
— Oh que si tu vas y aller mon pote.
— Je t'ai dit que…
  Sa main se pose aussitôt que mes lèvres tandis qu'il balance sa tête de droite à gauche.
— Tu vas y aller. Tu en as besoin mec. Ca fait combien de temps que tu ne souri plus, que tu ne prends plus soin de toi et…oh putain ! C'est quand la dernière fois que t'as pris ta douche ?
  Je me crispe avant de virer ses mains d'un geste de la main.
— Ok, je vais y aller mais c'est parce que je veux que tu arrêtes de me saouler. Tu es trop collant aujourd'hui.
  Il sourit avec un air de vainqueur qui m'agace. Je me gratte la nuque avant de commencer à rentrer chez moi mais il saisit à nouveau mon épaule avec un air menaçant qui fait parcourir un frisson le long de mon échine. Je déglutis quand soudain il m'emporte avec lui, suivis de près par Emma qui s'amuse en nous regardant.
  Ils me marchent tous les deux en souriant comme des éternels enfants, les sacs en main à rire ensemble tandis que je les suis de près, les mains dans les poches en soufflant d'exaspération.
  Lorsqu'on arrive chez Matthias, il s'occupe aussitôt de moi comme une star de la mode où je suis son pantin. Il me demande de m'habiller puis de me changer jusqu'à ce qu'il trouve la bonne tenue. Lorsqu'il s'occupe de mes cheveux, je grimace à chaque nœud qu'il bouscule.
— Tu ne sais pas faire, intervient Emma qui lui prend la brosse.
  J'ai encore la douleur qui reste mais l'arrivée d’Emma apaise un peu plus mon crâne qui souffrait sous la main de Matthias. Elle termine par le parfum après avoir appliqué un anticerne sous les yeux.
— Voilà !

~✧~

  Pourquoi il faut que ce soit moi qui toque le premier ? Emma et Matthias sont tous les deux derrière moi et sur la route ils ont insisté pour que je sonne en premier sans même argumenter plus que ça. Je ne sais pas pourquoi j'obéis à leur insistance. La porte s'ouvre sur Lexi, des paillettes dorées sur le visage, une robe courte noir et un collier argenté qui descend jusqu'à la naissance de sa poitrine tandis qu'elle a un ruban autour de son cou.
— Tu es venu finalement ? s'exclame-t-elle. Venez, entrez !
  La musique résonne contre ma cage thoracique et les lumières tamisées virevoltent un peu partout dans l'appartement. Les gens dansent et sur le comptoir il y a un attroupement de buveur d'alcool qui rit aux éclats. Lexi guide nos pas jusqu'à ce qu'on arrive sur un coin où sont disposés deux canapés en face à face avec en son centre une table basse.
— Installez-vous, je vais chercher quelqu'un, se précipite-t-elle en courant dans ses escaliers pas loin de nous.
  Le temps qu'elle revienne, Matthias fait le service. Lorsque l'alcool remplit mon verre, je le saisis. Seulement, mes lèvres frôlent à peine ce nectar qu'une silhouette me descend les escaliers. Je suis comme figé. Sa robe s'arrête à mi-cuisse. Une robe noir avec une petite traîne rouge. Mon regard monte sur son décolleté qui me fait pâlir jusqu'à ce que j'atteigne son visage après avoir vu son collier de l'infini.
—  Faites place aux dames ! s'exclame Lexi en s'installant.
  Les autres s'exclament tandis que nos regards s'absorbent.

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