Chapitre XXVII

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Axel Grenat

J'ai entendu des bruits de pas cette nuit mais je n'ai pas bougé. Je sentais au plus profond de moi que c'était les siens. J'ignore pourquoi je n'ai pas bougé mais je ne regrette pas. Hier soir, je me suis endormie d'un coup sec sur le canapé. D'ailleurs, je ne me souviens plus de ce que je faisais avant ça. Sûrement en train de jouer. Ma conscience m'a soudain réveillé au son d'une porte grinçante. C'est là que je l'ai vu se faufiler dans la cuisine. Je me retiens de sourire lorsque les souvenirs de son déhanché me reviennent. Si c'est pour être témoin de ce spectacle chaque nuit, je dis pas non pour dormir toute ma vie sur ce canapé qui fait sacrément mal au dos. Seulement, la voir se réveiller à cette heure m'inquiète. J'aime pas être dans cet état. Mes pensées sont dirigées sur elle et ne peuvent s'en détourner comme si elle était le centre du monde. Je ne sais pas quoi penser de tout cas alors j'accélère le rythme, le ventre me frappe de plein fouet tandis que j'approche de l'université.
Je n'ai même pas demandé le prénom de cette fille, celle que ma coloc à sauver. Et je viens de me souvenir que je n'ai pas fait ce qu'elle m'a demandé, j'ai complètement zappé. Un poid lourd s'abat sur moi, un bras m'étrangle presque alors je le saisis et jette cette personne au sol.

- Matthias ? Mais qu'est-ce tu fous ?
- T'es pas bien, gémit-il en grimaçant. J'allais pas te tuer.
- Tu t'attendais à quoi en me prenant par le coup ? Lancé-je en lui tendant ma main qu'il saisit pour se relever.
Un malaise sonne creux, le son du silence et d'une gêne profonde étouffante. C'est pesant. Je ne sais pas quoi dire, et lui non plus.
- Bon...je vais, commencé-je.
- Attends mec. J'ai appris ce qu'il s'est passé pour ta copine.
- On n'est pas amoureux, rié-je.
- T'es long. Je pensais qu'elle te plaisait.
- Non, elle ne me plaît pas. Arrête avec ça sérieux.
Mon regard le fuit comme la peste seulement, pendant que mes yeux sont en cavale, ils s'arrêtent soudainement pour croiser ceux de Inés. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas croisé. Soudain, Matthias me tape à l'épaule.
- Je ne sais pas pourquoi elle te plaît mais fait vite ou elle va filer.
Il dit ça avant de partir. Je pouffe dans mon coin. Elle ne me plaît pas. On est seulement colocataires. Et d'ailleurs, pourquoi j'en fais un affaire d'état ? C'est pas vrai, je deviens fou. J'ai d'autres problèmes à régler.

~✧~

Je salue tout le monde de la main tout en posant mon casque sur l'un des bancs de la salle. L'odeur de la transpiration s'infiltre dans mes narines, le son des coups sur les sacs font battre mon cœur.
- Ça fait un bail qu'on t'a pas vu ! s'exclame l'un des gars. T'as foutu quoi ?
- Si je te manque tant que ça, t'avais qu'à m'inviter à boire un verre, rétorqué-je.
- Je suis hétéro mec. T'es beau mais j'ai aussi une copine !
Je rigole avant de pénétrer dans le vestiaire pour rejoindre mon casier. Aussitôt j'enlève mon t-shirt, mon pantalon pour enfiler mon jogging. Mon regard croise les miens à travers le reflet du miroir poussiéreux. Je l'essuie vite fait avec mon t-shirt avant de me sourire. Je frotte mes cheveux après avoir fermé le casier pour rejoindre la salle.
- Hé ! Axel ! On ne t'a pas vu hier, s'étonne le coach.
- Yo ! Rétorqué-je alors que nos mains se tapent furtivement. J'avais quelques soucis.
- Ton père ?
Mes lèvres poussent un soupire alors aussitôt, il me donne une tape dans le dos et me fait signe de m'asseoir avec lui sur l'un des bancs. Mon corps est complètement avachi, recroquevillé vers l'avant tandis que mes mains masquent mon visage. Lorsque je les enlève, j'hésite.
- Cette fois, ce n'est pas à cause de lui, lâché-je.
- Alors quoi ?
- C'est...une fille, soufflé-je.
Il lâche soudainement un rire taquin et complètement niais alors un rictus s'échappe de mes lèvres.
- Pas comme tu le penses. Elle a eu...elle a eu la connerie d'intervenir quand une fille se faisait violer dans une ruelle.
C'est comme une grenade que je lui dévoile. Ses yeux sont ébahis et je vois bien qu'il ne sait pas quoi dire. J'aurai été dans le même cas que lui à sa place.
- Wow... ce n'est pas rien.
Je lâche un soupir quand des tas de souvenirs refont surface. La fois où j'ai couru à l'hôpital, avec ma sœur morte d'inquiétude à la réception. Et quand la police m'a annoncé ce qu'il s'est passé. J'étais hors de moi.
- Elle a fait une connerie, juré-je les dents serrées.
- Qu'es-ce que tu veux dire par là ?
- Elle n'aurait pas dû ! Hurlé-je en sautant sur mes deux jambes. Elle a fait une crise de panique sous mes yeux, elle ne regarde plus cette fille droit dans les yeux et... je crois qu'elle ne dort plus la nuit... je l'ai vu se réveiller en pleine nuit. Je ne la connais pas très bien mais je suis certain que ce n'est pas dans ses habitudes...
Je me rassoi, exténué, épuisé, essoufflé, les jambes tremblantes.
- On ne peut plus revenir en arrière alors maintenant, il faut juste l'aider à avoir une vie normale.
- Mais, elle n'aura plus de vie normale, le coupé-je. C'est ancré en elle maintenant... Elle n'aurait pas dû sauver cette fille...
- C'était héroïque de sa part, affirme-t-il en passant sa main sur mon dos. Maintenant, tu dois l'aider.
- Ah ouais ? Et comment ? Je n'y arriverai pas et tu le sais très bien...
- Je connais ta vie Axel, je sais que tu est le plus à même de pouvoir l'aider. Et pourquoi ne pas l'entraîner au self défense ?
Je le redresse subitement.
- Comment ? Pourquoi ?
- Déjà car c'est une femme, elle a besoin de se défendre face aux brutes qui saccage notre réputation. Ensuite, j'ai lu dans le magazine de ma femme que c'est un bon défouloir. Ça peut l'aider !
Je lâche un rictus. Je l'imagine bien avec ses lunettes rondes, assis sur son canapé en lisant des magazines féminins. Ça lui va bien.
- Et plus important, continue-t-il. Je suis certain que ça peut t'aider, toi. Bon, je te laisse méditer. Je dois voir ce que font ces deux morveux là-bas.
Je me retrouve seul, assis sur ce banc. Je ne comprends pas trop ce qu'il veut dire par là, au sujet de moi. En quoi ça pourrait m'aider ? Je n'en sais rien. Néanmoins, ce n'est pas une mauvaise idée, le self défense. Je serai plus serein comme ça et le visage de ma colocataire arrêtera de tourner en rond dans ma tête à chaque instant. Depuis cet incident, il n'y a qu'elle. Ça ne me ressemble pas. Même Inès n'avait pas autant de place dans ma tête.

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