Chapitre LXVIII

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Axel Grenat

  La silhouette de cette femme m'est aussitôt familière, lorsque je lève le regard sur son regard inquiet, elle décide de s'asseoir à mes côtés. Sa main se pose sur mon épaule comme le ferait une amie. Seulement, je l'ai blessé aussi et c'est que maintenant que j'en comprends le sens. Les émotions, pour moi, n'étaient qu'une chose futile et faible qui pouvaient nous briser en seulement une parole ou même un geste. À cause de moi, je suis sortie avec elle sans amour et elle est sortie en larme de ce restaurant. Alors dans un soupir, je lui murmure :
— Je suis désolé, Inès…
  Ses bras s'enroule autour de moi, son parfum s'infiltre dans mes narines et dans mon cou, elle me murmure :
— Ce n'est rien…
  Aussitôt, elle se détache de moi en douceur. Nos regards se croisent puis derrière elle, je reconnais au loin la silhouette que j'ai récemment brisé. Les yeux ne veulent pas s'en détacher. Le cœur fissuré, je me contourne pour placer ma tête dans mes mains tandis que la main d’Inès se pose sur mon dos pour enchaîner sur des caresses. Au bout de quelques minutes, un souffle s'échappe de mes lèvres tandis que ma jambe tape le sol à plusieurs reprises.
— Axel, parle-moi…
  Je secoue la tête. Si je parle, ma voix pourrait craquer et mes larmes pourraient sauter hors de mes yeux.
— Tu es amoureux, n'est-ce pas ?
  Mes mouvements s'arrêtent tout comme mon corps, comme si le temps s'était figé. Ma tête se tourne vers elle, les yeux rougis.
—  Je ne peux pas l'aimer, avoué-je. Elle est sûrement blessée à vie à cause de moi… Je…
  Sans demander plus d'explications, elle caresse mon dos.
— Tu en es certain ?
— C'est même sur !
  Elle fait la moue en levant les sourcils.
— Lui en as-tu parlé ? insiste-t-elle.
  Je secoue la tête avec une légère hésitation. Cependant, je n'ai pas besoin d'explications ou de paroles venant d'elle. C'est comme une certitude. Elle a fui et s'est cachée dans la salle de bain puis, si mes souvenirs sont bons, j'ai fait le premier pas vers elle sans lui demander son consentement. C'est une évidence, j'ai brisé sa vie en une nuit. Je n'ai pas le droit de l'aimer, je n'ai pas le droit de ressentir toutes ces belles choses face à elle.
  Inès, lève le regard au ciel avant de s'affaisser sur le banc tandis que je suis toujours recroquevillé les coudes sur mes genoux et la tête encerclée par mes mains comme un sceptre où la pierre est enfermée sur son support.
— Tu devrais lui parler.
  Je reste le dos voûté vers l'avant à me perdre sur le bitume tandis qu'elle continue :
— Comment peux-tu savoir si elle le regrette ? Il faut que tu oses affronter sa voix pour en être certain. Peut-être que tu as raison, qui c'est ? Mais tu peux aussi avoir tort.
  Je déglutis.
— Elle a dit qu'elle me détestait avant cette soirée…
  Son soupir, je le comprends et l'entend jusqu'à ce que mon cœur se serre dans ma poitrine. Ses paroles vibre dans ma mémoire comme une chanson qui ne peut se défaire de l'esprit, qui sonne dans la tête jusqu'à devenir étourdi où chaque battement encercle mon cœur pour le presser.
— Le cœur d'une femme amoureuse peut-être un mensonge.
— Qu'est-ce que tu racontes ? pouffé-je. Elle me déteste… Elle a été très claire.
— Axel, je ne suis pas aveugle.
  Ma tête se tourne vers elle lorsque son index aux ongles longs la pivote puis ses lèvres s'ouvrent :
— J'ai été amoureuse de toi et dernièrement, je te vois aussi malheureux que moi le jour où je t'ai largué malgré moi. Cette fille, je l'ai vu. Tes yeux ne mentent pas. Alors je sais de qui tu es fou et je sais aussi qu'elle ne se sent pas bien non plus et bizarrement c'est pile depuis que tu tires une tronche horrible, que tu as des cernes énormes et que tu ne te vante plus de la boulangerie de Madame Catherine. Axel. Ressaisi-toi ou je te gifle.
  Je déglutis, bouche-bée par son monologue et j'acquiesce par automatisme, les lèvres entrouvertes.
— Alors, cours.
  J'hoche de la tête à nouveau et lorsque je suis debout je commence à courir dans tout l'université. Je ne sais pas pourquoi je cours autant. Est-ce à cause des paroles d’Inès ? Mes pensées sont pourtant envahies par le doute, celui qui me murmure sans cesse que je ne la mérite pas et que je ne devrais pas courir jusqu'à elle pour la trouver alors qu'il y a une chance sur deux pour que je n'ai probablement pas brisé sa vie à cause de cette nuit. J'ai fouillé chaque couloir et en retournant sur mes pas jusqu'à la porte de sortie, au loin j'aperçois sa silhouette. Cependant, elle n'est pas seule. Il y a une fille qui tient un mec à son bras. Ils sont tous les deux face à elle. Sans un mot, je m'approche en faisant des vas et vient entre son dos et le visage de ses deux inconnus quand soudain je vois tes mains trembler avant de se serrer sous la forme d'un poing.
— Ça fait un bail, dit ce type musclé au corps d'athlète.
— Ne fait pas attention à elle, ajoute cette fille mielleuse. Elle a déjà brisé notre couple. Tu te souviens ?
  Mon poing se serre et mon cœur tambourine dans ma poitrine lorsque le rire de ce type parvient à mes oreilles. Ilona croise les bras et alors qu'elle compte partir, des gars arrivent derrière l'athlète. Ils ont une sale tronche qui fait trembler mon corps. Du coin de l'œil, je remarque Lexi qui arrive et se fige.
— C'est elle, la pute dont tu parlais ? se marre l'un des nouveaux arrivants.
— Ouais c'est elle. Une vraie croqueuse d'homme, comme sa mère.
  Mon corps se fige tout en tremblant à cause de cette source de rage qui fourmille en moi comme un torrent tandis que le sien tremble. Cette vue me broie la poitrine autant qu'elle accélère ma respiration. Elle ne m'a jamais parlé de son passé. Néanmoins, elle m'a dit une chose. Qu'elle a rencontrée des cons et lorsque je vois le visage de ce mec au bras de sa copine, mon corps fulmine quand ce surnom prend tout son sens.
  Le corps d’Ilona qui recule me réveille de mes pensées. Sa silhouette tente de les contourner mais la main d'un des gars me sort de l'inaction. Aussitôt, la mâchoire serré, je saisis son bras pour la placer derrière moi tandis que je me retiens de frapper ce type, le poing serré. Le gars lâche un rictus, une goutte de sueur descend le long de sa tempe.
— C'est bon mec, on se tire.
  L'athlète au regard pompeux me lâche un sourire en coin me prévenant :
— Tu devrais faire gaffe.
  Je saisis son col, la surprise se lit sur son visage.
— Ne t'avise plus de parler d'elle, connard.
  Une fois relâché, il serre la mâchoire tandis que je le regarde de haut alors que son corps s'éloigne de nous. Alors que je me retourne, un bruit sourd me fige sur place.
— Ne te mêle plus de mes affaires.
  Je n'ai pas le temps de voir son visage qu'elle est déjà partie, me laissant comme une statue sur ce trottoir. Le son de mon cœur qui se craque résonne dans ma cage thoracique.

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