Chapitre XLIII

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Ilona Lazykwart


  Je ne sais pas pourquoi j'ai rit mais c'est sorti tout seul. Au fond de moi, je sens que ce rire est sorti de mes tripes. Ce sentiment m'envahit, celui qui te fait te sentir bien, en paix. Pas ce sentiment vide où une chose inconnue bourdonne dans un vide immense, à la fois étrange que désagréable.
  Je clos mes paupières, un sourire léger sur mes lèvres dans ce vide absolu où la nuit surplombe la pièce pour me caresser de sa douceur. Je n'arrive pas à dormir mais je me sens bien. J'en oublie presque ce jour cauchemardesque. En réalité, jamais je ne pourrai l'oublier. Ça restera à jamais gravé en moins mais ce bonheur est bien plus immense que ce souvenir affreux.
  La nuit passe plus vite que je ne le pensais, le soleil apparaît et le réveil sonne tandis que mes yeux sont grands ouverts. Je n'ai pas dormi, mes yeux me piquent un peu et je commence à mettre la main devant la bouche pour bailler haut et fort. Cette journée va être fatigante, je vais probablement dormir debout. Malgré mon envie insatiable de faire basculer mon corps sur le lit, mes pieds marchent pour me diriger dans le salon où je retrouve Axel, son paquet de céréales à la main. Il a une triste mine. Les lèvres baissées, des poches sous les yeux comme moi et les cheveux en pagaille. D'ailleurs, c'est moi où ils poussent ? D'habitude je ne le remarque pas mais ça tignasse n'est plus aussi court qu'à notre rencontre. On s'en rend difficilement compte mais les cheveux poussent à une vitesse affolante.
  Je m'approche de lui, saisit mon paquet avant de me placer à ses côtés. Du coin de l'œil, je scrute son visage jusqu'à ce que ses yeux me prennent en flagrant délit. Aussitôt, ma concentration se place sur mon bol.
— C'est pas un peu trop ? Demande-t-il avec sa voix du matin.
— Ouais, c'est clair, pouffé-je nerveusement.
  J'en prend une poignée dans ma main pour les remettre dans le paquet, alors qu'il s'installe sur sa chaise haute habituelle, je le rejoins rapidement.
— Mal dormi ?
— Je suis insomniaque, t'as oublié ? lâche-t-il froidement.
— Pas la peine de répondre comme ça, bredouillé-je. Je dis juste que tu n'as pas la même tête que d'habitude.
  Suite à ma réponse, il lâche sa cuillère avant de regarder le vide, droit devant lui. J'ignore pourquoi je suis curieuse à ce point là. J'imagine qu'à mesure que le temps passe lorsqu'on vit avec quelqu'un, instinctivement, on fait plus attention à lui.
— J'ai pas de pain, bredouille-t-il en enfonçant sa cuillère dans la bouche en faisant la moue.
— Et…alors ? Froncé-je des sourcils avant qu'il se retourne vers moi sérieusement.
— On ne rigole pas avec le pain de madame Catherine !
  Je déglutis à cause de son visage si sérieux. C'est une conviction profonde qu'il défend. Seulement, il me parle d'une boulangerie alors c'est difficile de contenir mon rire logé dans ma poitrine. Je pouffe légèrement quand soudain ses deux mains se placent sur mes épaules. Mon corps réagit aussitôt par un sursaut incontrôlable qui arrête mon rire d'un seul coup.
— On. Ne. Rigole. Pas avec le pain de madame Catherine. Tu es une ignorante ! Son pain est divin, sortant des cieux, de tous les univers, croyance et même au-delà. Madame Catherine est divine, ses baguettes sont à la fois croustillantes et moelleuses à l'intérieur. C'est un vrai délice pour les papilles ! L'odeur de ses baguettes chaudes, sortant du four, est une délicate odeur enivrante.
  J'acquiesce aussi vite que je peux après son monologue très hilarant.
— Visiblement, pour toi le pain est une chose sacrée, pouffé-je dans mon coin.
—  Évidemment, bougonne-t-il. Et là, je suis en manque.
  Aussitôt, il s'en va débarrasser pour se faufiler dans sa chambre. Il est vraiment chanceux de ne pas se sentir pressé par le temps. Peut-être que c'est parce que je marche à pied et lui, c'est vrai qu'il a sa moto. Je me demande ce que ça ferait si je lui demandais de m’accompagner à la fac. Seulement, je me souviens de ce qu'il m'a dit lorsqu'on à commencé la colocation. Je saisis mon sac et le place sur mon épaule puis j’enfile mes baskets. Ce serait être un fardeau pour lui d'aller sur sa moto pour aller à l'université. Puis, ce serait aussi profiter de lui par flemmardise. Autant marcher à pied.
  Le soleil me tape dessus, je commence à étouffer sous mon pull. Pourquoi a-t-il fallu que j'en mette un ? En dessous j'ai seulement un débardeur en plus. Impossible de l'enlever alors que mes joues commencent à chauffer, que ma peau commence à coller. C'est si désagréable. Ça semble si loin de l'université quand je marche à pied, surtout sous une chaleur insoutenable. Même l'hiver semble si loin. Soudain, le son d'une moto surgit derrière moi. Seulement, ça me surprend car ce bruit m'est familier. Mon rythme s'accélère, j'ai la sensation que quelqu'un me suit ou plutôt que ce foutu motard ralentit sa course. Mon corps sursaute lorsque ce dernier s'arrête juste devant.
— Hé ! Monte.
  Je déglutis. Cette fois je ne suis pas témoin, je suis la victime. Peut-être que cet homme va me kidnapper, me toucher, me violer et me rendre schizophrène comme dans les dark romances ! Ça se trouve je panique pour rien. J'ai juste à dire non puis foncé tout droit jusqu'à l'université.
— Non, pas la peine, bredouillé-je.
  Mes pas se pressent cependant, il me suit et se replace devant moi pour me coincer sauf que cette fois, il enlève son casque pour le laisser apercevoir son apparence que je reconnais aussitôt. Ma respiration se calme, je respire enfin et ça fait un bien fou.
— Tu m'as fait si peur. Tu aurais pu me dire que c'était toi.
  Il soupire en jetant la tête en arrière.
— Bon, monte, râle-t-il en me lançant son casque.
— Mais… et toi ?
  Son regard me glace instantanément alors je me précipite derrière lui pour éviter qu'il m'abandonne plus longtemps sur le trottoir sous cette chaleur.
  On arrive rapidement à la fac, seulement, il s'arrête plus loin pour me laisser descendre. Mon cœur ne peut s'empêcher d'être froissé alors que ma raison lui est reconnaissante de m'avoir amené jusqu'ici. Sans un mot, il enfile le casque qu'il m'a prêté, son casque, puis s'en va.
  Alors que je m'approche à mon tour de l'enceinte, une voix semble m'appeler. Je reconnais mon prénom mais c'est peut-être une autre personne qu'elle appelle. Cependant, dans cette rue, personne ne semble porter d'intérêt à cette voix. Alors je m'arrête et me tourne pour croiser le regard d'une brune à la peau noir avec cette veste ne cuire qu'elle a l'habitude de porter. Je me demande bien ce qu'elle veut. Cette dernière s'approche de moi, souriante avant de se placer à mes côtés.
— Alors comme ça tu es allé au concert ? C'était bien ?
  La performance d’Axel me revient en mémoire, sa musique résonne à nouveau dans mes oreilles. Cependant, je me rappelle de ce que j'ai vu dans sa chambre. Ce carnet prend désormais une grande place dans ma tête.

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