Chapitre XVIII

61 2 4
                                    

Ilona Lazykwartz

  Je prend une grande inspiration. La petite bulle de notification est affiché là depuis près d'une semaine, depuis que j'ai publié par mégarde un texte. Ça fait longtemps que je n'avais pas écrit, encore moins publier. Je me dis, peut-être que je ne sais plus aussi bien écrire qu'avant et que ce commentaire est une critique négative. C'est ce que je me murmure sans le savoir à chaque fois que je vois cette bulle rouge.
  J'expire et appuie sur l'icône sans regarder l'écran. Au même moment, mon colocataire décide de rentrer à l'appart. Toujours aussi brusquement que la dernière fois. Quand j'évoque ce jour-là, je repense à l'état dans laquelle je l'ai trouvé. Ma poitrine se serre et je bondis hors de mon lit pour sortir dans le salon. Je me dirige vers sa porte mais je m'arrête aussitôt, je sens une présence et je vois une silhouette avachi sur le canapé du coin de l'œil. À cette heure-là, je pensais qu'il serait caché dans sa chambre.
  Je fais le tour du canapé pour le rejoindre même si, j'hésite à le faire. La dernière fois que je lui ai adressé la parole quand il était revenu en pleine nuit, il m'a mal accueilli. Je dois admettre que revoir du sang et des bleus ne me donne pas envie non plus. Seulement, c'est trop tard, car les secondes sont bien trop courtes pour me laisser faire marche arrière.
— Salut, dit-il sans détourner son regard de ce prospectus.
  À le voir aussi concentré, j’ai bien envie de me venger. Un large sourire se dessine sur mes lèvres tandis que mes mains s'emparent de son papier, la source de sa concentration qui me perturbe tant.
— Hé !
  Il se lève d'une coup, mon coeur sursaute et soudain je me prends la table en plein dans les mollets. Je perds l'équilibre, mon corps tombe en arrière. Alors ma pensé se dirige sur le karma. Je n'aurai pas dû être aussi bête. Je l'ai probablement mérité. Je ferme les yeux sous la précipitation mais un bras me ramène vers l'avant. L'atmosphère est devenue calme. Je pourrais entendre mon ventre pétiller. Il n'y a plus de bruit dans la pièce, hormis celle de notre respiration saccadée. C'est lorsqu'il rit que j'ouvre les yeux. Mon souffle se coupe lorsque notre proximité ralentit les battements de mon cœur.
— Qu'es-ce qui te fait rire ?
— Rien, rien, soupire-t-il, essoufflé. Je te pensais pas comme ça. T'es plutôt joueuse, comme fille.
— Tu croyais que j'étais chiante ?
  Sa tête se secoue de droite à gauche avant de s'arrêter sur moi avec un léger sourire en coin.
— Non…
  Son rire résonne encore dans ma poitrine tandis que sa main passe sur ses lèvres. C'est comme pour nager lorsque ma tête plonge dans l'eau, sauf que cette fois, tout est embrouillé. Comme s'il m'était impossible d'apercevoir le ciel, la possibilité pour moi de respirer à nouveau en ce moment même. Je peine à déglutir lorsqu'il caresse ses lèvres, légèrement ensanglanté. Je manque de m'étouffer quand il colle brusquement mon corps au sien. Je sens son souffle sur mes lèvres tandis que ses yeux ne me lâchent pas.
— Une fille comme toi qui va gifler son ex, c'est tout sauf chiant, chuchote-t-il à mon oreille.
— À quoi tu joues ? Bégayé-je malgré moi.
  Il me soulève d'un seul coup et je me retrouve allongé sur le canapé tandis qu'il se lève pour s'étirer.
— Oh. Rien, j'en avais juste envie.
— Envie de quoi ? Insisté-je.
— De te taquiner, se moque-t-il.
  On n'est pas proche, on n'est pas proche… Il joue de moi ? Il se moque de moi en me faisant rougir comme un asticot. Mon cœur bat à vive allure, comme une tornade enragée. Dire que je me suis inquiétée pour lui. Je saisis mon chausson grenouille et la jette sur lui  tandis qu'il esquive, l'autre traverse la pièce et le poursuit jusqu'à ce qu'il se planque dans sa chambre et que mon chausson se cogne contre la porte.
— Tricheur !
— Tomate !
    Aussitôt, je donne un coup dans sa porte avant de me planquer à mon tour dans ma chambre. N'empêche, même si ça m'énerve qu'il me taquine comme il le dit, je me demande quand même comment il a eu ses blessures. Je ne devrais pas y penser, surtout après ce moment. Je retourne sur le côté et me laisse bercer par la vidéo de Karal.

~✧~

    Des milliers de frissons me parcourent l'échine mais, trop fatiguée, je n'y prête pas attention et me retourne de l'autre côté mais aussitôt, je hurle à plein poumon. Mon corps bondit hors de mon lit mais je tombe maladroitement par terre tandis que je balance mon oreiller et mes peluches.
— Hé ! Calme-toi, ce n'est que moi, se plaint-il en allumant la pièce.
— Axel ?
  Actuellement, mon cœur est en panique.
— Tu as dit mon prénom ? Dit-il sous le choc.
— Hé !
  Je réussis à me relever malgré mes jambes qui tremblent. Il ne réagit même pas alors je lui donne quelques minis baffes pour le réveiller. Sa main frôle mon poignet tandis que mon cœur rate un battement. Seulement, je ne tombe pas dans le panneau cette fois car je retrouve mon calme la seconde d'après pour le regarder les bras croisés.
— Qu'est-ce que tu fous dans ma chambre ? On ne s'était pas mis d'accord ?
— Ah oui ! S'exclame-t-il comme s'il retrouvait soudainement la mémoire. J'avais oublié mais je devais te parler d'un truc.
— Attend, attend… il est quelle heure ? Demandé-je, exténué.
  Je passe sur mon lit pour récupérer mon téléphone.
— Deux heures du matin ? T'es sérieux ? T'aurai pas pu m'en parler tout à l'heure devant un bon petit déjeuner où j'aurais pas la tête dans le cul ?
— Je suis insomniaque, j'ai oublié que les gens dorment en général.
  Je soupire.
— Tu m'en parleras dans quelques heures. Bonne nuit !
  Je le pousse hors de ma chambre mais il se retient, ses bras accroche fermement les murs.
— Attends, s'il te plaît ! Ça me démange ! Et après je vais sûrement oublier.
— Tant pis, crié-je après avoir fermé la porte.

GARCE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant