Chapitre LII

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Ilona Lazykwart

  Depuis mon annonce, il fait les cents pas dans la salle de séjour avec un regard des plus flamboyant envers moi. Mes yeux ne se dérangent pas pour esquiver son regard d'acier. Je l'ai cherché en même temps et dans un autre sens, pas tellement. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle veuille réviser tout de suite ! Quand l'interphone résonne dans tout l'appartement, nos corps se figent et nos cœurs bondissent rapidement. Je lis la colère dans ses yeux mais aussi la panique.
— Planque-toi dans ta chambre, suggéré-je.
  Il semble encore perturbé, plongé dans ses propres pensées.
— Non fait la partir, on va être cramé ! rétorque-t-il.
  Je roule des yeux avant de le pousser dans sa chambre.
— Tu connais ta pote, non ? Elle est très têtue.
  C'était pourtant prévisible mais mon corps sursaute au son de la sonnette.
— Re ! s’exclame-t-elle en franchissant le seuil.
— Salut, dis-je en retour avec un sourire nerveux.
  Alors que je ferme la porte, elle pose son sac près du canapé et se retourne vers moi après avoir scruté d'un vive coup d'œil ce qui l'entoure.
— Alors ? Tu me fais visiter ?
  Je déglutis mais acquiesce en commençant par le salon puis la cuisine, la salle de bain et la chambre.
— Et cette pièce ? pointe-t-elle du doigt la chambre d’Axel.
  La panique coule dans mes veines alors mon corps fait barrage entre elle et la porte.
— Sans importance, m’écrié-je.
  Elle me lâche un sourire qui veut tout dire. J'ai beau ne pas bien la connaître, je reconnais ce visage et c'est bien celui que je redoute en cet instant. Visiblement, je n'ai pas eu tort car elle me devance et passe dans la chambre. Je vais me faire tuer c'est sur. Mes paupières sont fermées et mes poings recroquevillés dans la paume de ma main.
— Pas mal ! Je te pensais pas comme ça.
  Mes paupières s'élargissent aussitôt. Je me tourne pour pénétrer à mon tour, surprise de ne pas voir mon colocataire dans le coin comme s'il n'avait jamais été là ou plutôt comme s'il s'était évaporé. Mais, par chance, grâce à ça j'arrive à reprendre mon souffle.
— Je ne m'attendais pas à ce que tu lises ce genre de magazine…c'est…tu es lesbienne ? Je n'étais pas au courant, m’interroge-t-elle en tenant du bout des doigts un magazine avec un visage intrigué et assez surprise.
  Je peine à réaliser ce qu'elle me demande jusqu'au moment où mes yeux se posent sur ce magazine cochon. La couleur rouge prend place sur ma joue, le malaise saisit mon corps. Je dois trouver une excuse bordel.
— C'est mon frère ! m’écrié-je. Je lui ai laissé ma chambre quand il est venu et…il a visiblement oublié…son magazine porno….
  Je n'arrive plus à respirer, tout est bloqué dans mon corps et mon ventre se cache en moi le plus possible. Lorsqu'elle acquiesce, l'oxygène parvient à nourrir de nouveau mes poumons. Je soupire de soulagement. Au moment où l'on sort de la chambre, je sens comme une brûlure dans mon dos. Une colère bouillonnante qui m'est destinée. Je déglutis nerveusement.
  Après qu'elle ait posé ses affaires dans ma chambre, elle s'étire avant de s'asseoir sur le canapé avec moi. Nos affaires sont étalées sur la table basse avec nos deux ordinateurs portables ouverts sur nos cours. On se creuse la tête, on révise et on essaie de comprendre nos notes. À l'instant où mon téléphone vibre, mon corps bascule en arrière.
— Plus qu'une heure et on a fini.
— Dit, je peux dormir chez toi ?
  Mon corps se fige. L'image d’Axel en colère qui apparaît dans ma tête. Je déglutis. Mais les paroles de cette personne résonnent dans mes oreilles comme un écho. Il me faut plusieurs et longues secondes pour me décider.
— Oui, acquiescé-je.
  Elle s'enfonce un peu plus sur le canapé jusqu'à être à ma hauteur.
— J'ai la flemme de reprendre…
— Moi aussi, avoué-je.
  Elle ferme les paupières.
— On a bien avancé, déjà.
  J'acquiesce.
Je ferme les yeux à mon tour. Le calme prend place dans le salon pendant quelques minutes.
— Entre toi et Axel, vous êtes vraiment ami ?
— Quoi ? C'est quoi cette question ?
  Elle hausse les épaules, me laissant perplexe. Elle ouvre les yeux puis commence à me regarder droit dans les yeux avant d'ajouter :
— C'est juste que…ça me paraît bizarre que vous soyez ami alors que vous ne vous calculez même pas à la fac.
— On est discrets, c'est tout, rétorqué-je nerveusement.
— Tu es amoureuse ?
  Je manque de m'étouffer avec ma propre salive lorsque sa question rentre dans mes oreilles dans un écho des plus rebondissants. Ma poitrine se serre et mon nez se bloque pour ne pas laisser entrer l'oxygène. Des souvenirs du passé viennent brouiller mon esprit en même temps que je pense à Axel, notre relation et nos nombreux moments passés ensemble. Mais l'ancienne moi m'embrouille encore l'esprit.
— Non. Pas du tout, sourié-je.
  Elle est surprise mais hoche la tête.
— Et toi, avec ton meilleur ami ?
  Son regard s'assombrit puis elle me sort :
— C'est qu'un con.
  Je lâche un petit rictus. Seulement, une petite larme descend sur sa joue. Du moins, jusqu'à la moitié de sa pommette car elle l'essuie du revers de la main.
— Je ne suis qu'une amie à ses yeux, soupire-t-elle. Je devrai arrêter de me couper le cœur pour lui seulement, ma poitrine réagit à chaque geste de sa part et dès que mon regard est tourné sur lui…
— C'est pour ça que tu fumes ? Pour oublier et laisser la fumée troubler ta vision quand tu le vois ?
  Elle ne me regarde pas mais je distingue de la surprise sur son visage. Un sourire amusé vient apparaître sur ses lèvres.
— J'aime bien ta façon de voir les choses, admet-elle. C'est…une belle description…
  Elle se tourne vers moi en appuyant sa tête sur le dossier du canapé.
— Jamais je n'aurai cru être ton amie, Ilona. Mais je ne sais pas, ce soir-là tu m'as seulement écouté. Tu n'as posé aucune question comme si mes pensées étaient une évidence à tes yeux.
  Je baisse le regard.
— Je suis désolé pour ce que je t'ai dit, la dernière fois à l'amphithéâtre. Moi non plus, je ne savais pas qu'on allait devenir amie. Alors je me suis méfié de toi sans même te connaître.
  Elle me donne un sourire comme pour me dire : Ne t'inquiète pas, je le savais déjà. En fin de compte, je comprends ce sentiment d’évidence qui plane entre nous car même si nous restons muettes, il est évident que nous n'avons pas besoin de mot pour se comprendre.

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