ÉPISODE ZÉRO

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Axel Grenat

  Déjà petit, je pensais partir de cette maison de riches, belle bien que sombre. Je suis née, en voyant une mère souriante qui me regardait avait bonheur tandis que cet homme ridé aux cheveux noirs comme le café, me regardait d'un mauvais œil. C'est en rencontrant Enzo que j'ai su que ma famille n'était pas normale. On avait beau être fortuné grâce au travail prestigieux de mon père, on était chacun isolé et aucun sourire se dévoilait sur notre visage comme si un sourire pouvait être tabou. Ou même mieux, un crime. 

  Souvent, je fuyais cette maison. Cette maison qui était censée être mon foyer, cette bulle de sécurité mais qui en réalité, étouffe ses propriétaires. Chaque nuit, les cris de ma mère perçaient les murs jusqu'à atteindre ma chambre. Je n'étais pas bien grand. Et ce n'est pas de sa faute si j'ai fini par me boucher les oreilles dès que sa voix parvenait à moi. Étant donné que j'étais petit, je me posais des questions. Je ne savais pas pourquoi elle criait comme ça. Jusqu'à ce que je sorte, une nuit, dans la cuisine pour boire. En traversant les couloirs, par l'entrebâillement de leur chambre, c'est là que j'ai vu ses larmes avec mon père la chevauchant.

— La ferme ! hurle-t-il tandis que mon corps sursaute.

  Ils ne m'ont pas vu sauf à un moment, ma mère a tourné la tête en souriant comme pour me dire : ne t'en fais pas, ça va. Retourne au lit. Malgré ma taille, je n'étais pas dupe. Son sourire n'était qu'un masque, un mensonge pour une âme innocente. Même si, le côté innocent de mon enfance s'est envolé dès l'instant où mon corps à traverser le seuil. 

  Lorsque j'ai atteint l'adolescence, c'est le coup de la rébellion. Celui qu'on appelle père, mon géniteur, me voyait en tant que grand avocat. Têtu, je ne l'écoutais pas alors ça l'agaçait. Mais son agacement n'était rien comparé à la haine que je ruminais contre lui, depuis que maman est partie par sa faute. Et surtout, depuis qu'il a détruit sa vie. 

  Avec Enzo, on s'est d'abord rencontrer car mon père était proche de ses parents. C'est d'ailleurs une chose que je ne comprenais pas car ses parents étaient chaleureux tandis que le mien était froid, sans cœur et sans pitié dans l'âme. On s'est ensuite revu au collège, c'était comme une évidence. Notre amitié promettait d'être solide. C'est au cours de l'année qu'on rencontre la solitaire de la classe. Elle avait un style soigné et portait souvent un béret. Jamais on ne s'était dit qu'on allait devenir amis avec elle. Seulement, il a fallu qu'on l'entende chanter dans la salle de musique. Sa voix nous a tout de suite captivé. Bloqués près de l'entrebâillement de la porte, nos deux corps refusaient de partir. Lorsque sa voix s'arrête pour laisser son souffle s'évader, Enzo et moi, nous sursautons d'un seul coup. 

— Entrer au lieu de m'espionner. 

  À ce moment-là, nos corps se sont figés au son de sa voix. C'était évident qu'elle nous avait vue, qu'il n'y avait que nous dans le coin, mais il nous a fallu plusieurs secondes pour franchir la porte. La tête baissée comme deux gamins qui étaient sur le point de se faire disputer. À la place, elle croise les bras et sourit. Ce qui nous rend perplexe. 

— Vous jouez de la musique ?

  On se regarde, penaud, moi et Enzo avant de secouer la tête. Le sourire de la fille s'estompe pour laisser passer un soupir avant de hausser les épaules. 

— Pas grave, je vais vous apprendre. 

  Il nous a fallu du temps pour digérer, comprendre et analyser son ordre. Cette fille n'avait pas besoin d'arguments pour nous amener à se joindre à son idée folle car on a accepté aussitôt sans savoir ce qui allait se passer. Cette fille s'appelle Rachel Lewis, et la seule rousse de la classe d'ailleurs. Alors qu'elle était seule, elle a choisi de ne plus l'être avec sa proposition. 

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