Chapitre XLII

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Axel Grenat

  La lumière du jour m’éblouit aussitôt que j'ouvre les yeux. Seulement, je n'ai pas souvenir d'avoir ouvert les volets. Ma mâchoire se serre lorsque une douleur s'anime dans mon épaule. Ma main frotte mes yeux tandis que je regarde à ma droite. Ça y est, ça me revient. On s'est endormi hier soir. Qu'est-ce qu'on faisait déjà ? Ah oui. On a regardé un film. C'était chiant. Un film bien niais, bien romantique comme je n'aime pas. Aucune action. Aucune image du film ne me revient. J'ai dû m'endormir assez tôt.
  Sa tête repose lourdement sur mon épaule mais ses yeux clos m'empêchent de faire le moindre mouvement brusque. Ma tête bascule dans tous les sens avant que je prenne finalement une décision. D'une main, je saisis sa tête. Aussitôt, un soupir de soulagement s'extirpe de mes lèvres. Mon cœur s'arrête d'un seul coup lorsqu'elle pousse un faible gémissement. Doucement, je me tourne alors vers elle pour la surprendre en train de bouger légèrement mais ses paupières sont toujours closes. Le miaulement du chat me sort de mes pensées.
— Qu'es-ce que je vais bien faire de toi maintenant, hein ? Lancé-je en passant ma main sur son dos. Avec ce qu'elle m'a dit, je ne sais pas si on peut te garder.
— Et pourquoi pas ?
  Légèrement surpris, ma tête pivote sur son visage endormi et son corps qui s'approche de moi. Elle s'accroupit près de moi et sa main se joint à la mienne. Le temps de quelques secondes, elles se frôlent.
— Ce n'est pas…Plume, ajoute-t-elle. Il peut rester. Ça ne me dérange pas.
— Tu ne vas pas pleurer à chaque fois que tu le vois au moins ?
  Elle lâche un rictus tout en basculant la tête de droite à gauche.
— C'est cool alors, murmuré-je.
  Je finis par sourire moi aussi quand soudain le chaton se place sur le dos. Nos rires viennent raisonner dans le salon pour rompre le silence.
— On devrait y aller, m’écrié-je en me redressant aussitôt.
— Où ?
— Je devais t'entraîner, tu te souviens ? Sourié-je.
  Elle acquiesce avec un visage expressif, celui de la prise de conscience où notre corps bondit aussitôt car elle se précipite à toute vitesse dans la salle de bain. Alors dès qu'elle claque la porte, je lâche un rire amusé en passant une main dans mes cheveux. J'avais oublié ce détail. On a dormi et quand je renifle l'odeur que je dégage, je me dis que je devrais faire comme elle.
  Elle sort en trombe de la salle de bain tandis que j'en profite pour y aller à mon tour.
— Grouille !
  Elle court partout et je la vois enfiler sa chaussure précipitamment, à cloche pied.
— C'est bon, ne panique pas. C'est pas urgent non plus. Ne te précipite pas, soufflé-je.
— J'y suis pour rien, c'est comme ça. Je ne supporte pas d'être en retard.
— C'est pas urgent. Ne stress pas. On est libre d'aller et venir.
  Elle soupire et se calme enfin, ses deux pieds retrouvant le sol. Je mets un peu de déo avant de sortir de la salle de douche.
— On y va.

~✧~

    Je ne suis pas revenu à la salle depuis ce qu'il s'est passé. Ce n'est pas dans mes habitudes mais, j'appréhende un peu. Je me demande si certains sont au courant pour son malaise, son régime forcé qu'il a fait pour la victoire. En même temps, mon égoïsme prend le dessus. Cette pensée qui vient et me murmure à l'oreille des paroles d'espérance : J'espère que tout le monde est au courant pour pas qu'ils me crachent dessus. Seulement, d'un autre côté, j'ai envie qu'ils ne sachent rien. S'ils savent, Enzo s'en prendra plein la tronche. C'est sûr. Beaucoup le traiterons de lâche. Pour certains, ceux pour qui le sport n'est pas un jeu et la santé, une chose importante que l'on doit protéger, ils diront à Enzo qu'il doit avoir honte de son geste. Il y a pire comme situation, évidemment. Cependant, recevoir ce genre de parole c'est comme recevoir une deuxième punition.
  Alors qu'on arrive, que nos corps descendent de la moto. C'est comme si mes muscles se relâchent soudainement, en seulement une fraction de seconde. Ouais, j'appréhende. Ce n'est pas dans mes habitudes alors ça me dérange. Il faut que je pense à faire comme d'habitude, jouer les impassibles en étant drôle. Avec un peu d'humour, on apprend à mieux digérer la vie. C'est ce que j'ai appris à mes dépens, quand il a fallu que je m'éduque tout seul et que je m'occupe seul pour détruire le bruit toxique qui m'entourait.
  Alors qu'on franchi la porte, certains regards se tournent vers moi. Ils pensent que je ne les vois pas, mais c'est faux. Alors que j'analyse la salle de droite à gauche, je croise le regard de Franck. Ce dernier fonce aussitôt vers moi avec un sourire compatissant et toujours sa main qui vient le taper gentiment l'épaule.
— Ne fais pas attention à eux surtout.
  J'acquiesce en lui rendant sa tape. Ses mots me réchauffent le cœur malgré leur simplicité. Néanmoins, je sais tout ça. Ne pas faire attention aux autres est une règle qu'on apprend avec l'expérience. On se lance un sourire avant qu'il ne reparte aider les débutants. Il est temps que je m'occupe moi aussi de mon élève, c'est pas comme ça qu'elle apprendra à se défendre face aux abrutis.
— Bon, on y va ? m’exclamé-je en faisant taper mes mains.
Malgré son stress de ce matin, elle semble déterminée. J'ignore pourquoi d'ailleurs. Les premiers jours, elle semblait sensible à mes touchées lorsque je tentais de la faire adopter la bonne posture. Avant, je ne comprenais pas pourquoi les professeurs décidaient de faire ce métier ni pourquoi Franck avait choisi de devenir coach. Cependant, désormais je comprends mieux. Lorsqu'on voit la personne qu'on entraîne évoluer, se perfectionner, prendre son envol au point de ne plus avoir besoin de vous. C'est une fierté.
  Dans un long souffle, elle tombe sur le sol pour s'allonger en étoile de mer, ses lèvres encore entrouvertes, ses pommettes aussi rouges que des fraises.
— Aller, on n'a pas terminé, lancé-je sadiquement en lui passant une gourde alors que je suis debout au-dessus d'elle.
— Pousse-toi, murmure-t-elle essoufflée.
  Je pouffe tandis qu'elle se lève en acceptant de boire malgré l'annonce que je viens de lui faire. Après tout, je n'y suis pour rien. C'est le planning et il nous reste encore quelques minutes avant la fin de la séance.
— On va faire quoi maintenant ? Souffle-t-elle avant de prendre une gorgée.
  D'un geste de la main, je l'amène sur un ring désert. Je la regarde, assez amusé lorsqu'un soupir s'échappe de ses lèvres.
— Essai de te défendre, lâché-je d'un coup.
  Elle fronce les sourcils avant d'esquiver de justesse.
— Allez, viens !
  Nos regards se croisent et le sien change instantanément. Alors que je fonce sur elle, ses bras se faufile à ma taille puis aussitôt, son corps me pousse vers l’arrière. Je ne l'avais pas vu venir. Je crois que je l'ai légèrement sous-estimée. Alors que je commence à reprendre mes émotions, son rire pénètre mes oreilles.
— J'ai réussi !

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