3- La Princesse Et L'oiseau

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Sur le rebord d'une fenêtre, seule ouverture sur le monde, elle attendait. Lévitant, les jambes perdues dans le vaste air couleur océan, ou rose blanche, piégé sous les flocons de neige, Selena avait tout l'air d'une princesse de conte de fées.

Sauf qu'elle n'était en aucun cas prisonnière, et elle n'attendait ni prince, ni destrier blanc. Elle l'attendait lui. Le dragon du conte — ou plutôt le phénix.

Il me bouderait s'il savait que j'avais fait cette comparaison, gloussa-t-elle. Car bien que la guerre entre les oiseaux de feu et les dragons inciendiaires s'était achevée depuis des années, les rancœurs persistaient. La jolie princesse n'avait jamais pris aucun parti, comme son cher père, le puissant roi fantôme Ivan, le lui avait ordonné. Du moins, c'était le cas jusqu'à l'été dernier, où elle avait commencé à s'intéresser tout particulièrement à l'un des camps. Peut-être parce qu'en son sein logeait celui qui embrasait son cœur.

Un bel oiseau aux plumes aussi colorées que les braises  pointa le bout de son bec, illuminant les doux yeux turquoise de la fantôme. Elle s'écarta, et le laissa entrer. Alors, une incandescence l'enveloppa, raya ses plumes et affina son visage qui brunit joliment.

Selena retroussa les lèvres : elle le préfèrait ainsi. Aussitôt, elle porta à sa bouche un nectar aussi enchanteur que savoureux, qui matérialisa sa peau de pêche. Sur son teint de neige, de légères taches de rousseur se dessinèrent même sur ses joues.

Elle s'approcha de son bel oiseau, passa une main gracieuse derrière sa nuque avant de capturer ses lèvres avec passion. Il sourit, une malice délicieuse dans le regard, enveloppa sa taille gracile de ses bras hâlés avant de tournoyer avec elle. Leur ballet s'acheva au pied du lit, où la princesse s'étala en douceur, toujours guidée par son prince charmant.

Malgré une maîtrise parfaite de la lévitation, et l'absence de sommeil de son espèce, Selena avait exigé d'avoir un lit dès son quatorzième anniversaire, probablement pour ressembler au maximum d'ombrumes possibles. Et contre toutes attentes, son père avait accepté. Le phénix ne s'en plaignait pas, alors que ses doigts s'enroulaient dans les cheveux roux de la princesse, et qu'il la couvrait de baisers au cou, mordillant sa peau laiteuse avec gourmandise. Il se rapprocha doucement de sa poitrine, écartant l'encombrant tissu écarlate qui la camouflait. Selena sentit un frisson enchanteur la parcourir toute entière avant que...

— Selena chérie, ton père veut te... Oh je dérange peut-être ?

Elle se releva d'un bond, constatant avec amusement que le visage de son petit ami était encore plus rouge que sa robe. Il se serait même agenouillé si Selena ne lui avait pas tiré le bras pour le présenter à sa mère.

— Maman, je t'avais demandé de... prévenir avant d'entrer dans ma chambre, râla-t-elle en recoiffant ses mèches rousses.

— Hum, oui, je comprends pourquoi maintenant.

La reine Mila incarnait autant la douceur que la maladresse, et une chaleur maternelle que sa fille adorait par dessus tout. Elle la couvait pour deux et lui ressemblait. Physiquement : elle possédait des cheveux rubis presque aussi flamboyants que sa fille et ses yeux aux couleurs des lagunes. En fait, si les fantômes choisissaient leur apparence, le roi Ivan avait exigé que Selena prenne les traits  de sa mère. Il fallait dire que la duchesse Mila avait toujours égayé le cœur du monarque, même lorsqu'ils étaient de très jeunes fantômes.

— Tu ne me le présentes pas ? poursuivit-elle, curieuse.

Cette fois ci, le phénix présenta une noble révérence, qui fit lever les yeux au ciel de la fougueuse princesse. Ah la la, Archie...

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant