31- Danse Avec La Mort

197 26 322
                                    

Petit poussin 🐣 : vous connaissez la chanson... Passage sensible.

«L'irréparable a été évité »

Il n'arrivait plus à sortir cette phrase de sa tête, depuis que les médecins avaient étudié le cas de Méridice quelques heures plus tôt. Sauvée de peu.

Elle n'aurait même pas dû être dans cet état.

Assis dans un autre fauteuil, Léo leva les yeux sur le plafond écaillé. Il dissimulait un nouveau dôme enchanté que le souverain était enfin parvenu à restaurer.

Malheureusement trop tard.

Son regard descendit jusqu'à Tom, pétrifié dans son cercueil de soie. Il reconnut  le costume qu'il lui avait offert, et soudain son ventre se noua.

Toujours entre ces deux eaux  qu'étaient le trépas et le réveil, le soldat  gardait une main enfouie dans celle de sa jolie sœur, pétrie d'inquiétude. Elle n'avait pas prononcé un mot, pas même lorsque Léo l'avait rejointe dans cette chambre fort mal entretenue. Il avait failli émettre une remarque à ce sujet, suggérant un meilleur espace de guérison. Or déplacer le corps de Tom compromettait les faibles chances qu'il survive.

Le roi songea un instant à Lizzie.

Elle sommeillait encore dans sa luxueuse chambre. Après avoir hésité à la réveiller, il avait fini par renoncer : la pauvre fée semblait avoir connu une nuit  assez terrible pour l'obscurcir davantage.

Mais, si Tom succombait, comment le lui annoncerait-il ?

Une file de médecins  avait franchi la porte, sans que personne ne devine le mal qui avait frappé le jeune soldat. Sa plaie s'était effacée, et il ne présentait plus de brûlures. Excepté la marque indigo qui talonnait son menton,  aucune cicatrice ne s'inscrivait sur sa peau : son corps était intact.

Pas de trace de poison. Pas d'os brisé.

Mais il refusait d'ouvrir les yeux. Ses forces s'épuisaient, et son pouls ralentissait.

Jusqu'à l'extinction.

Ce moment où Joanne se figerait, comprenant que son attente s'arrêtait là. Elle chercherait sans doute à se sortir de ce cauchemar. Elle secouerait son frère, hurlerait son nom, l'injurerait et l'accuserait de l'avoir si durement abandonnée.

Les mains aggripant ses genoux, Léo redoutait ce moment. Il déplorait sa tristesse,  apprehendait d'apercevoir ses yeux perlés de larmes, en plus de  la disparition douloureuse de son plus fidèle ami.

Une tension effroyable se perdura. Le roi se redressa, s'appuyant lentement sur les accoudoirs de son siège. Le léger craquement qu'il produisit n'échappa pas à sa conseillère qui lui proposa sa main et l'attira jusqu'à elle. Il finit par la couvrir de ses bras de velours, fermant les yeux pour atténuer sa peine.

Et , comme prévu, Joanne s'immobilisa.

Mais elle ne cria pas.

Ses paupières clignèrent doucement, et elle se dégagea de la tendre étreinte que son ami lui avait offerte.

— Il... Est vivant, souffla-t-elle, pleine d'espoir. Il a bougé.

Léo n'osa y croire. Mais, quand il haussa le menton pour mieux observer le miraculé, il le vit à son tour papilloter des paupières. Un grognement jaillit de sa gorge, et soudain il reprit conscience dans un sursaut, l'air encore étourdi.

— Une poche de sang, vite ! pressa Joanne en désignant le sac qui traînait à la droite de son ami.

L'objet attrapé, la vampire força son frère à s'en nourrir jusqu'à la dernière  goutte. Pas question qu'il replonge, énoncèrent ses sourcils froncés. Elle somma Léo de lui en apporter une deuxième, puis une troisième, jusqu'à ce que le pauvre Tom, rassasié, ne puisse plus rien avaler.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant