25- Aimer À En Tuer (3/3)

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Lizzie avait cessé de pleurer.

Ses jambes recroquevillées contre son abdomen, sa tête perdue entre ses genoux, elle tentait d'effacer la  terrible scène qui valsait en boucle dans ses pensees.

La nuit dernière, elle avait voulu croire que Tom l'aimait. Qu'il continuerait à l'aimer peu importe son origine. Quelque part, elle se sentait soulagée de ne plus rien avoir à lui cacher. Fixée sur l' attitude à son égard, une boule de nœuds s'était évanouie de son ventre.

Mais son cœur, son pauvre cœur de Sombrume palpitait. Son sang vibrait contre ses veines, sans qu'elle ne sache  comment l'arreter.

Étincelle lui avait bien suggéré de s'éveiller. Quel moment idéal ! Maintenant que sa mère ne pouvait plus l'en dissuader par le biais de paroles mièvres. Maintenant que l'armée royale de Léo ne tarderait pas à la traquer dans tous les royaumes.

Sur qui Lizzie pouvait-elle encore compter ?
Personne. Absolument personne.

Le plus douloureux restait ce souvenir, le regard peiné que Tom lui avait porté avant de caler cette dague contre son cou. Il avait fini par lacher son arme, oui, mais sans doute par effroi. Elle le terrifiait. Elle avait tout gâché.

Lizzie avait choisi cette grotte, où la lumière solaire passait  difficilement, filtrée à travers de minces fentes rocheuses. Au bout, plus loin, une cascade scintillante faisait office de porte.

Plus jeunes, Tom et elle adoraient s'y amuser : avant de sauter dans la rivière, le vampire portait toujours sa jolie fée qui, les ailes trempées, se lovait contre sa chemise afin de ne surtout pas tomber de ses bras. Il passait parfois à travers la cascade et séchait à l'intérieur de la grotte, illuminée par des milliers de cristaux aux couleurs d'or, de crépuscule et d'aube.

Les larmes recommencèrent à couler, aussitôt retirées par la main glacée de Lizzie. En cette journée d'hiver, ses vêtements ne séchaient plus. Elle avait éternué plus d'une fois, et frissonnait. Étincelle restait la dernière lueur réconfortante qu'elle possédait, même si ses propos lui semblaient parfois macabres ou cruels.

Ainsi serait sa vie désormais. Jusqu'à ce que quelqu'un ne la découvre.

Je... suis désolée, Lizzie, souffla finalement Étincelle, et la princesse faillit lui demander de répéter, incertaine d'avoir bien compris.

Désolée de t'infliger ça... de nous infliger ça. Je pensais réellement que Tom réagirait mieux... Alors j'ai... trafiqué tes rêves.

Maintenant que sa mère n'était plus là pour bloquer la mention de Sombrume de ses songes, Étincelle avait eu le champ libre.

— Ce n'est rien, murmura Lizzie avec un sourire triste et la voix cassée. C'était cruel de ma part de laisser Tom tomber amoureux, embrasser et peut être épouser quelqu'un qu'il considérait comme un monstre.

Tu n'es pas un monstre ! Un réceptacle borné, faible, un peu bête parfois mais jamais tu ne seras un monstre. Tom a été idiot de ne pas le comprendre. Oui, voilà, Tom a peut-être le torse le plus séduisant de la terre, mais c'est un bel idiot.

Malgré ses reproches, Étincelle parvint à lui arracher un léger  sourire. Elle n'approuvait pas de dénigrer Tom, mais le soutien rare de sa part sombre réchauffait un peu son cœur fragile.

— Tu sais, je l'aime toujours...

Je sais... Je le ressens, minauda Étincelle en posant une main sur sa poitrine.

Soudain le sol trembla. Un filet de poussière s'egraina d'une des parois, et par delà une fente, une peluche  s'échappa. Elle descendit en spirale avec légèreté et douceur, rappelant un peu l'envol d'un papillon.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant