15 - Poignardée Jusqu'au Cœur

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Une brindille craqua sous le pied de Joanne.

Lizzie la talonnait, toutefois la vampire préféra accélérer, jugeant qu'un pas pressé pousserait la jeune fée à hâter le sien.

Ses tempes bourdonnaient toujours, un trou béant gênait sa mémoire. Ce n'était pas tant douloureux, mais une désagréable question subsistait. Que diable lui était-il arrivé ?

Du peu qu'elles avaient  échangé, Lizzie avait prétexté une mauvaise chute  contre les racines du grand Chêne. Elle avait ensuite supposé que l'arbre, mécontent d'être ainsi piétiné, avait riposté par de dangereuses  étincelles. Sa magie avait alors brouillé son esprit, comme un écran de télévision, dont l'antenne avait été frappée par la foudre.

Joanne ne s'était pas attardée sur le sens de sa dernière phrase. Lizzie lui avait menti, c'était évident. Toutefois, elle ne croyait pas en une mesquinerie de sa part : la jeune fée avait dû se trouver dos au mur, et pour sûr, cet insecte n'avait rien trouvé de mieux qu'une piqûre d'amnésie pour masquer sa vérité.

Nouveau craquement de branche. Or cette fois, il ne s'agissait ni d'elle, ni de Lizzie. Quelqu'un les observait. Glissant ses doigts contre la lame d'acier de son poignard, Joanne balaya les alentours d'un regard dur.

— Maintenant ! hurla une voix derrière un rideau végétal.

La vampire  réagit une seconde trop tard, son poignard ne put que griffer un homme qui agrippa ses bras et les plaqua derrière son dos.

— Si vous saviez qui je suis, rugit Joanne, vous...

Une tige métallique s'enfonça dans son cou, et lui bloqua la gorge. Un liquide frais se repandit. Ses membres se paralysèrent, la privant de sa force surnaturelle. Comble de l'humiliation, l'agresseur murmura à son oreille :

— Je sais le principal, vampirette. Je sais comment t'atteindre.

Il avait ramassé son poignard et le brandit contre sa poitrine d'un geste assuré. Un seul mot maladroit et Joanne perdait son souffle pour l'éternité. Elle fouilla du regard la scène : une dizaine d'humains en combinaison verte et grise les encerclait, tous armés d'un révolver et d'un couteau grossièrement taillé. Des objets peu élégants en comparaison aux armes fines et brodées de pierres que Joanne  côtoyait.

Mais aucune trace de Lizzie.

— J'aimerais revoir une amie. Tu m'accompagnes ?  ricana l'homme en tirant la pauvre otage qui, sans force, fut bien obligée de le suivre.

***

De son côté, Lizzie évitait les coups et les balles de révolver. Aucun humain n'était parvenu à l'approcher, tous repoussés par sa magie. Les autres, moins courageux, s'étaient reculés et guettaient  l'arrivée de leur chef. 

Épuisés ou blessés, ils finirent  par commettre de miraculeuses erreurs, et la fée se fraya un passage entre deux arbustes. Il ne restait plus qu'à espérer que Joanne s'en soit aussi bien sortie. La connaissant, Lizzie n'en doutait pas.

— Une minute Lizzie, hela une voix qui lui glaça le sang, je te conseille de t'arrêter si tu ne veux pas que ton amie s'effondre sous tes yeux.

Il se tenait droit, élevé sur une butte de terre. Prisonnière de ses bras, Joanne se débattait, le traitant d'une flopée de noms d'oiseaux. Aucune lueur de peur ne flottait dans son regard de brume, ce qui terrorisa Lizzie. Rémi avait l'esprit si tordu qu'il aurait pu l'achever d'un excès d'impatience. Une pensée s'envola vers Tom, lui qui tenait à sa sœur. Lui qui serait noyé de regrets si la jeune fée revenait seule.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant