16- Amour À Sens Unique (2/2)

187 35 219
                                    

Lizzie dormait beaucoup.
Même tirée des bras de la mort, son état inquiétait Tom, qui était resté à son chevet pendant deux jours. S'était-il reposé ? Il ne saurait le dire. Toujours était-il que la petite fée parlait sans cesse au creux des bras attracteurs de morphée.

Malgré lui, Tom notait ce qu'elle racontait. Il se souvint qu'une larme pailletée avait coulé le long de sa joue, que le feu avait logé l'un de ses cauchemars, poudré d'étincelles et de cendres, qu'elle avait répèté son nom, poings clos. Tom.

Thomas, parfois.
Louise lui avait un jour donné ce nom aussi. Elle l'avait prononcé le jour de sa mort, comme un murmure. Avant que ses canines tranchantes ne lui brisent le cou, et ne lui offrent l'immortalité qu'il ne méritait pas.

L'infirmerie était une pièce entièrement blanche, comme le jardin d'un matin d'hiver. Les chandelles s'allumaient par dizaine sur leur socle de nacre, si fort que Tom n'imagina rien qui puisse produire une telle lumière, pas même le soleil ardent. Couchée dans un cercueil de coton et de bois, Lizzie battit des paupières, d'un mouvement qui lui rappelait l'envol d'un papillon de nuit. Elle s'éveilla en silence, pour la troisième fois depuis son arrivée ici.

Comme toujours, une ébauche de sourire se dessina sur ses lèvres roses lorsqu'elle aperçut son ami. Tom lui rendit son soulagement.

— J'ai dormi longtem... Aie, ma jambe grimaça-t-elle, en brusquant sa blessure.

— Assez pour manquer le petit déjeuner.

Un plateau de fruits et de petits gâteaux reposait sur la table, et affamée, Lizzie se redressa, prête à dévorer son assiette. Ses jambes étaient encore recouvertes de cloques, et sa chair trop rouge pour s'y appuyer. Elle devrait encore attendre avant de pouvoir s'en resservir sans canne, ni béquilles. Selon le roi, les médecins—et Bastien —, la fumée d'alcool ne possédait pas de remède plus efficace que le temps.

Ouvrant grand la bouche comme une enfant à qui on faisait l'avion, elle approcha une fourchette d'argent, dégoulinante de mie et de confiture, de sa langue vorace, prête à l'engloutir d'une bouchée.

Mais elle ne put rien avaler.

Quelqu'un toqua à la porte, la surprit, et fit échouer son met sur le matelas, mimant une tache d'hémoglobine sur un nuage.

Un garde entra en premier, tirant une chaîne sur laquelle un homme, en t-shirt et jean terreux, était attaché. La déception d'avoir manqué son délicieux repas s'envola, lorsque le nouvel arrivant lui fit signe de la main, et que Tom le libéra de ses lourds bracelets d'acier.

— Tu sais toujours comment t'attirer des problèmes, se moqua Bastien, en s'appuyant sur le rebord du cercueil.

— Rappelle moi qui s'est faufilé ici, alors qu'il aurait pu se faire mordre.

— Un point partout, admit le blondinet en prenant son amie dans ses bras.

Une ombre s'abattit sur le moral de Tom. Cette étreinte lui pinça le cœur, mais il se convainquit d'ignorer cette douleur.

Non ! Il n'avait pas le droit d'être jaloux. L'homme devant lui avait épaulé et secouru sa chère fée lorsque lui n'avait fait que fuir, et l'abandonner. Aucune tristesse n'aurait dû pourfendre son esprit. Pourtant, tandis qu'ils discutaient, de tout, de rien, des aventures dans la forêt des elfes, du jardin plein d'orties ou encore de la maisonnette où résidait Bastien, Tom se sentit de trop.

— Si on m'avait dit qu'un jour, je serais prisonnier dans une maison "d'amis" plus grande que mon appartement, je n'y aurais jamais cru, s'amusa le blondinet en mimant un grand dôme des bras.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant