11- Étincelle (1/2)

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— Votre Majesté, j'ignore ce qu'il s'est passé. Son Altesse s'est enfuie en plein milieu du cours. J'ignore où elle a pu aller. Je suis navrée, je vous en conjure, ne me renvoyez pas.

Les genoux à terre, Madame Désilia, préceptrice qualifiée, semblait desemparée. Dans son bureau où les murs scintillaient comme des émeraudes, Evangeline se leva et ôta sa couronne de fleurs.

— Elle n'a pas pu voler bien loin. Ce n'est qu'une enfant. Rentrez chez vous, je vais me charger de la retrouver, lui ordonna-t-elle d'une voix douce.

La professeure inclina la tête, reconnaissante avant de se diriger vers la porte, sans doute inquiète que la reine ne change d'opinion.

— Merci votre Majesté.

— Par simple curiosité, de quoi parlait votre cours ?

— De la guerre bleue, votre Majesté.

Puis, sans demander son reste, elle partit. Evangeline soupira : la guerre bleue mit en œuvre une Sombrume contre le reste du monde des Ombrumes. Elle détruisit la vie de sa sœur et de ses parents. Elle plongea le monde tout entier dans une année de deuil et de reconstruction.

Elle n'aurait jamais dû être enseignée par la préceptrice.

***

— Lizzie, je sais que tu es là, tes ailes dépassent, mon trésor.

La jeune fée sortit de sous son lit royal, les cheveux en broussaille, et les joues rouges.

— Je n'avais pas le choix, mère, madame Désilia a dit des choses affreuses sur... moi. J'allais éclater en sanglots, elle se serait posé des questions. Elle... elle a dit que les Sombrumes n'étaient bonnes qu'à la destruction et au chagrin. Que si j'en croisais une, je devais alerter un adulte pour qu'il puisse la détruire. Je crois que j'ai ressenti de la colère, une part de moi voulait la punir, avoua Lizzie, avant de s'adoucir, perturbée. Est ce que cela fait de moi un monstre ?

Assise, Evangeline tapota sur ses cuisses pour indiquer à sa fille de la rejoindre.

— Ma chérie, je ne logerais jamais un monstre dans mon palais, et je t'interdis de penser de telles choses. Tu es une fée extraordinaire, pleine de vie, de courage et... toute décoiffée.

Une brosse à cheveux apparut entre ses mains afin de rétablir l'ordre entre les mèches roses de sa fille.

— Tu as le droit d'être en colère. Tu as le droit d'être triste mais rien de tout cela fait de toi une mauvaise fée. Tu n'as qu'une règle, tu t'en souviens, mon trésor ?

Et Lizzie hocha la tête, récitant en murmure comme un poème :

— Pas un meurtre. Ote une vie et le Sombrume s'éveillera.

Lizzie n'était pas âgée d'un siècle lorsque cette mise en garde lui avait été donnée. C'était tout juste si les précepteurs, comme madame Désilia, se bousculaient devant sa porte pour lui enseigner la grâce, les lettres et l'art, toujours sous le regard avisé de la reine.

—  Maman, la Sombrume est-elle en moi, ou est ce moi ?

Evangeline avait hésité à répondre.

—  Aucune Sombrume n'a gardé son enveloppe corporelle aussi longtemps que toi, mon trésor, personne ne le sait.

— J'aimerais qu'elle ne soit pas moi !

— Tu n'as qu'à lui donner un nom, ce qui a un nom paraît plus réel.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant