55- Vertige (1/2)

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🐣🐣🐣🐣 : sang.

***

Étincelle s'habitua vite à son nouveau corps. A ses nouveaux vêtements de cuir qui se croisaient en larges lanières au niveau de son ventre. Jamais, elle n'était parvenue à les effleurer.

Enfin libre. Après s'être assurée qu'elle ne rêvait pas, elle déploya ses ailes et s'envola vers l'azur. De fines volutes brunes encombraient son chemin, mais rien ne l'empêcha d'atteindre sa cible. Il se tenait immobile, perché sur la branche haute d'un arbre.

— Te voilà enfin, s'exclama -t-il. Étincelle.

Il avait réduit sa taille, pour ne pas l'effrayer —ou pour mieux la piéger.  Étincelle fronça les sourcils, sans lui répondre. Le tuer ne serait pas chose aisée. Cependant... se laisser amadouer par un bellâtre à cornes ne figurait pas non plus dans ses objectifs. Elle ne s'étonnait pas qu'il connaisse son prénom ; comme toute sombrume, il avait la capacité de lire au travers de son esprit, ou d'épier les murmures des ombrumes qui se cachaient à plusieurs lieux de là.

Elle haussa le menton et se prépara à tirer. Difficile de se décider lorsque d'un battement d'ailes, toute la magie du monde nous était octroyée.

Les élémentaires ? Non, le feu était trop évident, l'eau trop gentillet. L'air inoffensif et la terre,... Bon sang, elle n'allait pas se salir non plus ! Pas déjà.

La foudre, la glace ou l'acier lui convenait mieux.

— Je pensais que ta spécialité serait l'esprit, supposa la sombrume aux traits masculins, en se détachant de l' ombre.

Svelte, il ressemblait à un humain. L'un de ceux que Lizzie aurait pu croiser tous les jours si elle avait —comme conseillé par Bastien—pris la peine de se lancer dans des études d'art ou de langues. Ses cheveux bruns étaient décoiffés, sans qu'Étincelle ne sache si les vents les avaient emmêlés, ou s'il avait souhaité reproduire une mode américaine.

Dire que la sombrume n'était pas agréable à regarder aurait été un mensonge.

Cependant, prétendre qu'il ne voulait nuire à personne aurait été bien pire. Alors Étincelle avança. Et son premier éclair s'effaça dans ses mains.

— L'esprit est de loin le don le plus sous-estimé, susurra-t-il à son oreille, et Étincelle ignora quand il s'était approché d'aussi près. Il peut ravir un cœur, déposséder un ennemi... et le plier à notre volonté.

Soudain, elle hoqueta : sa poitrine s'était comprimée, et ses ailes avaient cessé de battre.

Tu es invincible ! C'est dans ta tête, voulut-elle se rassurer.

Or la sensation de chute lui parut bien réelle, jusqu'à ce qu'il ne la rattrape d'une main crochue. Les zébrures sur son avant-bras se mirent à ramper. Des tatouages. Des serpents qui s'enroulèrent autour de son poignet, avant de la mordre de leurs crochets luisants de bave.

Elle puisa dans sa magie un antidote, sans remarquer que ses ailes s'étaient consumées. Libérées en une traînée de cendres.

Puis la bête la lâcha et elle chuta de nouveau.

Une Sombrume ne s'épuise pas. Une Sombrume n'a aucune limite. Les auteurs de ces lignes n'avaient sans doute pas vécu assez longtemps pour le prouver, puisque déjà, Étincelle se sentit faiblir. Ses pouvoirs ne lui répondaient plus, ses ailes mortes l'attiraient vers le fond marin d' un océan noir, de pétrole ou de sang.

Minute, le combat n'avait pas débuté en plein cœur d'une forêt ?

Elle maugréa. Son adversaire n'avait pas menti : l'esprit était de loin le don le plus redoutable ; pas étonnant que Lizzie en ait fait son arme de prédilection. Lizzie, mais oui !

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant