9-Princesse Meridice

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— Je peux entrer ?

Léo avait prononcé ces mots si faiblement qu'il douta d'avoir été entendu. Face à un long silence, il allait se reprendre quand elle lui répondit.

— Puis-je réellement refuser, votre Majesté ?

Comme il s'y attendait, Meridice n'était pas souffrante. Assise sur son lit, l'un des seuls du palais qui ne fut pas un cercueil, elle relisait encore et encore une lettre, froissée entre ses doigts menus. Une larme décolla de sa joue pour inonder le papier. Léo se sentit de trop, mais l'idée de ne pas la réconforter restait impensable à ses yeux.

— Je suis désolé pour votre père.

Arrivée la veille, la lettre annonçait une triste nouvelle. Jack Swann, elfe de légion venait de perdre la vie, touché par une flèche empoisonnée. Un simple et bête accident, un suicide, pensaient certains. Son enterrement avait été bref pour cet homme détaché, sans famille et grognon.

D'après Joanne, devenue confidente de la jeune elfe, Meridice n'avait pas pleuré tout de suite. Elle s'était enfermée dans la salle des armes et entraînée des heures et des heures jusqu'à l'épuisement —et qu'une servante ne la ramène dans sa triste chambre.

— Désolé ? Désolé de l'avoir privé de sa fille ou désolé de l'avoir ensorcelé pour qu'il n'ait plus aucun attachement pour moi ?

Réalisant l'insolence de ses mots, elle plaqua immédiatement une main contre sa bouche mais trop tard, Léo baissa la tête, honteux. Alors elle savait ? Bien sûr qu'elle savait ! Plus les années passaient et plus elle se forgeait une carapace de glace contre lui. Pourquoi si ce n'était parce qu'elle se sentait trahie ?

— Mes excuses, Sire, souffla-t-elle sans réellement le penser.

— Je vous ai déjà autorisée à m'appeler Léo.

— Et moi, je vous ai déjà rappelé que vous êtes roi.

— Pas le vôtre.

—Maintenant si, soupira-t-elle. Tout ce qui me reliait au royaume des elfes est enseveli sous terre.

Il s'assit à côté d'elle, soucieux.

— Votre père n'était pas quelqu'un de bien, Meridice. Il vous cachait aux yeux des autres. Je voulais seulement vous offrir un destin meilleur... Je suis désolé. L'ensorceler n'a pas été mon premier choix, mais il avait refusé de m'écouter. Il me méprisait. Jamais il n'aurait accepté que vous le quittiez.

Puisque les larmes revinrent à ses yeux, Léo se tut, la gorge également nouée.

— Il m'aimait...

— Il vous gardait par devoir, pas par amour.

Elle fronça les sourcils, outrée.

— Vous n'en saviez rien !

— Est ce de l'amour de garder sa fille prisonnière ?

La première rencontre entre Meridice et Léo aurait donné l'impression d'un très mauvais cambriolage. Il s'était introduit, sous la forme d'une chauve-souris dans les souterrains. Là-dedans, une chambre blanche, seulement meublée d'un lit minuscule et d'une étagère à poignards, avait croisé son chemin. Meridice était arrivée bien après, un plateau repas dans les bras. Elle avait hurlé, avant que Léo ne la supplie de garder le silence.

Les jours suivants, la jeune elfe avait fugué quelques nuits pour rencontrer le prince vampire : il demeurait son premier ami. En dépit de ce qu'elle avait affirmé, Meridice s'était auparavant sentie terriblement esseulée, ce que Léo avait bien vite compris.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant