56- Vie Heureuse ?

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— Mère ! Elle est là !

Lizzie ouvrit péniblement les yeux. Devant elle, une silhouette se dessinait, et deux taches vertes, aussi grandes que des feuilles de palmiers, se déployèrent. Sa main droite s'enfonça dans une sorte de cendre. Que faisait-elle ici, au beau milieu des bois ?

Hagarde, elle peinait à parler; sa bouche s'était asséchée et ses tempes la brûlaient. Elle tenta de les couvrir de ses mains, mais ne recueillit qu'un liquide poisseux. Du sang ?

— Lizzie, ne bouge surtout pas, je vais te soigner.

À l'ombre d'un épais feuillage, les contours de Gérald s'amincirent. Génie des plantes, il s'appliquait déjà avec deux racines et une poignée de paillettes à confectionner un baume. Derrière lui, trois autres fées l'observaient.

— Alors c'est vrai, tu es... étais cette chose ?

— Est ce que... Mère t'a créée ?

— La sombrume est morte ? Le cauchemar est fini ?

Lizzie aurait bien voulu leur répondre, mais sa mémoire lui fit défaut. De quoi parlait-il ? Ou plutôt de qui ? Embêté par le bourdonnement de ses frères et sœurs, Gerald les chassa d'un battement d'aile, de l'onguent plein les mains.

— Laissez -la un peu tranquille.

Le silence revint. Or loin d'apaiser la jeune fée, le murmure du vent la troubla.

Il manquait quelque chose, quelqu'un. Une petite voix, qui d'ordinaire l'accablait de mille paroles.

Étincelle.

Les souvenirs de la nuit affluèrent, amassant sous ses iris roses, de lourdes larmes.

Étincelle. Il n'y avait aucune trace de son corps ou de son cœur malade. Ni dans la forêt brûlée, ni dans l'esprit de Lizzie qui fouillait désespérément ses pensées. Dans son dos, l'écorce de l'arbre de vie s'effrita en poussière d'or. La jeune princesse voulut y comprendre un indice. Elle leva les yeux vers l'azur en espérant que son amie s'y était échappée, libre parmi les étoiles.

Elle est heureuse, à présent. Pourtant, son demi-cœur se serra et gelée, elle ramena ses genoux contre son torse afin de se réchauffer.

— Lizzie. On est là, le cauchemar est terminé, essaya de la rassurer son aîné.

Miele, la troisième enfant de la reine, se plaça à sa droite pour la soutenir. Elle attrapa la main de sa jeune sœur d'un geste délicat, couvrit ses épaules d'une épaisse couverture puis s'accroupit entre les racines, sans salir sa longue robe tissée de fils d'argent.

— Tout va s'arranger. Gérald te guérira, et ensuite nous irons libérer Tom, lui apprit-elle sans élever le ton. Léo m'a confié qu'il résidait dans la prison des ronces. Il aurait aimé le libérer lui même... mais il s'est dit que mère serait plus convaincante que lui face au roi phénix.

Comme frappée d'une gifle, Lizzie la dévisagea, les yeux ronds.

— Tom... est enfermé ?

***

Où est-elle ? flotta une voix, empreinte d'une terrible désolation.

Un fouet claqua et Lizzie tressauta. Entre les murs de cet ancien château, les geôles se côtoyaient, s'écrasaient, se dévoraient l'une sur l'autre. Il en fallait toujours plus. Le nombre de criminels ne faiblissait pas et les souverains devenaient de plus en plus sévères envers leurs sujets.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant