34- La Jeune Fille De Fer

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Lorsqu'elle atteignit sa chambre, Aliénor gigota sur ses pieds, tentant de dissimuler cet air mièvre qui refusait de disparaître de ses lèvres, depuis plus d'une journée.

Méridice ne l'avait pas rejetée. Pas encore, du moins. Elle avait trahi son code d'honneur pour elle, renoncé à servir son roi. Pour une elfe, c'était là l'une des plus honorables preuves d'affection.

Parce que j'ai une gentille vampire pour me protéger...

Cela ressemblait à l'ombre d'une déclaration d'amour, non ?

Décidément, rien ne tarirait son éclat radieux, cette nuit.

Rien, hormis peut-être l'arrivée d'un visiteur inattendu dans sa chambre.

Quand elle pénétra dans les lieux, son sourire s'effaça. Ses grands yeux s'écarquillèrent, et après avoir pris conscience de la situation, elle s'empressa de verrouiller la porte à clef.

— Qu'est ce que tu fais là ? Tu es fou de venir ici ! s'insurgea-t-elle à voix basse. Imagine si quelqu'un t'apercevait.

— Oh, je n'ai plus le droit de voir ma petite vampire préférée, se renfrogna-t-il en se levant. Je voulais surtout voir si tu n'étais pas blessée.

Il s'approcha, lentement d'elle, et saisit son menton, la détaillant d'un regard joueur. Le cœur battant à se rompre, Aliénor hésita à reculer. Il glissa un bras autour de sa taille gracile, et l'attira au bord du cercueil où il était auparavant assis. Un frisson parcourut la jeune garde, qui s'écarta d'un bon mètre quand l'une de ses mains glacées effleura le bas de son dos, tentant de passer à travers sa chemise crème.

—Arrête, Rémi ! Pas maintenant.

Ni jamais.

Obéissant, il se détacha, visiblement vexé d'avoir été si sèchement rejeté.

Cinq ans, depuis la morsure.
Cinq ans  depuis qu'il l'avait envoyée ici.
Cinq ans depuis leur premier au revoir.

Mais, il ne lui avait pas manqué.
Pas parce que sa présence était désagréable... mais car il ne l'avait  jamais réellement quittée, la suivant comme une ombre.

— Oh, je vois, pesta-t-il en levant les yeux au ciel, peur de faire une infidélité à ta jolie elfe.

Aliénor baissa la tête et fixa ses doigts qu'elle entortillait. Ses yeux durent rougir.
Si Meri savait ça...

— Ne fais pas cette tête, si j'étais vraiment jaloux, je l'aurais tuée la nuit dernière. Or elle est toujours bien vivante. Il n'y a jamais rien eu de sérieux entre nous, ma petite princesse.

Le cœur d'Aliénor tressauta. Des surnoms, comme celui ci, il en distribuait des centaines, tous précédés de ce "ma" audacieux.

— Ce n'est pas drôle, grogna-t-elle. Tu aurais pu grièvement la blesser.

— J'aurais dû, corrigea-t-il. Ça lui aurait donné une bonne leçon. Mais tu t'es interposée. Franchement, quelle inconscience, Aliénor ! Imagine si je t'avais écorchée à sa place.

Il prit un air dramatique, qui sonna bien artificiel.

— Mon pauvre petit cœur en aurait souffert. 

— On avait un accord. Tu. ne. la. touchais. pas, rappela Aliénor en articulant chaque mot.

La relation entre Rémi et elle avait toujours brillé d' ambiguïté. Elle ne s'était jamais considérée comme sa copine, tout comme lui l'avait simplement qualifiée d' amie. Petite sœur parfois, s'amusait-il, en désignant sa petite taille et ses yeux d'enfant pétillant d'optimisme.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant