50- Maudit Beau Papa

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- Vous allez la tuer ?

Beau papa lui tournait le dos, le nez contre la fenêtre de son bureau. Il observait quelques mètres plus bas des gardes qui échangeaient de place le temps d'une marche bien méritée. Archie rouspéta dans sa barbe. Pourquoi l'avait-il fait venir s'il l'ignorait comme le dernier de ses ennemis ? Las et impatient, il laissa ses ongles tapoter contre le secrétaire de bois.

- Arrête tout de suite, le houspilla-t-il, sans faire volte-face. Ce meuble est d'une valeur inestimable. Il appartenait à mes ancêtres.

Du côté fée, sans doute. Cela expliquait pourquoi les autres meubles luisaient d'un blanc cadavérique. La plupart étaient matériels, mais Archie devinait sans mal qu'il suffisait d'un ordre de leur propriétaire pour qu'ils adoptent une forme ectoplasmique.

- Ma mère, vous allez lui faire du mal ? insista-t-il en retirant sa main du bois verni.

Le fantôme poussa un lourd soupir d'exaspération.

- Non, j'ai pu lire ses pensées et elle n'a pas menti : elle a bien secouru Selena. J'ai une dette envers elle. Je la paierai donc en promettant de l'épargner.

Et un roi tient toujours ses promesses, avait un jour assuré la princesse.

Soulagé, le jeune garçon se détendit en un instant. Mais - Puisqu'il y avait toujours un mais avec ce genre de personnage-qu' attendait-il de lui ?

- Pourquoi suis-je ici ?

Pourquoi seul ?
En arrivant au palais, Félia avait été conduite en prison, malgré les cris acharnés de son fils qui refusait que le moindre mal ne lui soit fait. Vaillante, elle lui avait fait promettre de s'enfuir si un malheur lui arrivait. De quoi accroitre ses angoisses. Heureusement, elles s'étaient essoufflées lorsqu'un peu plus tard, Selena était descendue dans les geôles avec une couverture et un repas chaud.

Ivan ne lui avait adressé qu'une directive : Archie n'avait pas la permission de l'accompagner -de peur qu'il ne fomente une tentative d'évasion. Et effectivement, cette idée lui avait traversé l'esprit.

Archie et Selena s'étaient ensuite retrouvés dans la bibliothèque où la reine Mila s'était montrée d'une infime gentillesse envers lui, le renseignant régulièrement de l'état de sa mère et des humains qu'ils avaient capturés. Il était difficile de savoir si un humain se baladait encore dans le monde des ombrumes, puisqu'entre le royaume des phénix, celui des gorgones et celui des fantômes, une compétition morbide avait débuté - à qui attraperait le plus d'ennemis.

Dans ses cellules, le roi Ivan détenait cinq humains. Trois avaient été condamnés à mort. Les autres, moins dangereux, subiraient l'effet d'un sortilège avant d'être renvoyés chez eux.

Vers dix-huit heures, un messager s'était présenté. Il avait demandé à Archie de le suivre sur ordre du roi. Selena l'avait toutefois accompagné jusqu'au grand bureau royal, avant qu'un aboiement de son père -digne d'un loup -ne l'oblige à rester derrière les murs.

A ce moment-là, Archie aurait donné n'importe quoi pour serrer la main de sa petite amie contre la sienne.

- Je compte t'offrir un travail, Archibald.

Un travail... dégradant ? Difficile, intellectuellement barbant ? Sans salaire ? Un travail humiliant, au nom mensonger, qui se résumerait plus à des travaux forcés -voire de l'esclavage -qu'à un réel choix ? Ce genre de travail ?

Cette fois-ci le roi avait croisé son regard et roula des yeux, désabusé.

- Si j'avais voulu te plier à mes ordres pour te punir de ton inconscience profonde, je l'aurais fait.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant