51 - Sans Cœur Et Sans Faiblesses

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— Si on retrouve ce satané humain, je le broie, je l'étripe et je le noie !

— Dans cet ordre là, capitaine ? réagit un soldat en sourcillant.

Des éclats de rire parcoururent le groupuscule, enfoui sous l'ombre des feuillages. Mais Tom, lui, ne riait pas. Joanne ignorait s'il avait esquissé ne serait-ce qu' un seul sourire depuis qu'il était entré, paniqué, dans la salle du trône.

Dès lors, il les avait conduits - Léo, Evangeline  et elle - dans sa chambre, où la petite fée tremblotait, blanche comme un linge. Elle s'était finalement rétablie, grâce aux bons soins de sa mère. Pour combien de temps ?

D'après Sa majesté, une part sombre vivait en elle. À défaut de pouvoir l'éveiller, cette fameuse Étincelle risquait de prendre peu à peu le contrôle de son esprit . Autrement dit, ils pouvaient compter les heures avant que Lizzie ne s'éteigne, remplacée par un monstre.

Tom en avait frissonné, en même temps que Léo.

Il restait la morsure. Ce que Lizzie avait encore une fois refusé, dans un gémissement aussi faible que le  miaulement d'un bébé tigre. Or cette fois ci, un détail avait  changé. Ses yeux avaient repris cette étrange teinte noire, constellée de paillettes.

Serait-ce elle sa part sombre ? Evangeline n'avait rien confirmé, exigeant du personnel, de Joanne et de  Léo de se retirer de la chambre. Seul Tom, accroché à la main de sa princesse telle une chenille dans son cocon, était resté.

Quand ils étaient sortis, Joanne devina qu'il avait pleuré.

— Hé, s'avança-t-elle vers lui en prenant la tête de la marche. Bientôt, la sombrume ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Et c'est grâce à Lizzie. A notre retour, tu la retrouveras en pleine forme, et plus collante que jamais... J'imagine qu'il faudra prévoir un siège en plus pour elle pour mon mariage.  

Elle pensait l'annoncer dans d'autres circonstances, mais voir la mine inquiète de son frère l'avait touchée. S'il pouvait tirer autre chose qu'une tête d'enterrement... songea-t-elle en tapotant son épaule.

C'eût l'effet escompté. Sa bouche s'arrondit en un o parfait.  Et ses yeux s'accordèrent aux rubis, qui gravaient son poignard.

— Ton mariage ? Tu veux dire que Léo et toi... vous vous êtes fiancés ?

Elle releva le menton, fière; sa queue de cheval brune accompagna son geste.

— Exactement. Habitue toi à m'appeler votre Majesté, car je ne répondrais plus qu'à ce titre. Et améliore tes révérences, Léo a été trop laxiste avec toi, je suis sûre que tu ne sais plus t'incliner correct... Aie.

— N'en fais pas trop, sourit-il après lui avoir adressé un vilain coup de coude dans les côtes. Mais je suis heureux pour toi. Tu mérites le bonheur, Jo. Le plus beau qu'il soit.

Ses paroles brillaient de sincérité, ce qui redressa même un fin sourire sur les lèvres de la vampire. D'ordinaire, Joanne s'engageait toujours sur la route froide et prudente du pessimisme. Puisque rien ne blessait plus qu'un faux espoir. Or aujourd'hui, malgré sa maladie, malgré la sombrume qu'ils traquaient, elle décida de se pencher vers l'avenir.

Une vie radieuse leur tendait les bras, et cette fois-ci, ni elle, ni Tom n'en seraient privés.

— Plus un bruit, annonça une voix sévère quelques mètres plus haut, dispersée entre les feuilles. Nous arrivons.

En levant la tête. Joanne distingua des centaines de petites perles d'or, égayant l'ombrage des arbres. Elle reconnut à leur tête, Sylvestre, la cheffe de la garde féerique .

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant