6- Ne Pas sombrer

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— Espèce d'enflure ! Donne moi une seule raison, une seule de ne pas te planter ce pieu dans le cœur ! Tu n'es qu'un félon, un....

Alertée par ce cri de rage et le martèlement entre deux armes de bois, Joanne rebroussa chemin. Elle n'avait eu aucun  mal à reconnaître la voix qui rugissait à la manière d'un lion enchaîné. Supposant bien vite contre qui se dirigeait sa colère, elle accéléra la cadence.

— Lachez-le immédiatement ! ordonna-t-elle en passant le cadre de la porte royale.

Comme elle s'y attendait, Léo traînait au sol, la jambe en sang piquée d'une dague de bois. Son petit frère l'avait plaqué contre le mur, écorché et menaçait sa poitrine avec un pieu bien aiguisé. Pour unique défense, le roi se protégeait sous les restes d'un bouclier d'acier, sculpté des armoiries Layon.

Mais à force d'être battu, l'accessoire ne résultait plus que d'une coupelle métallique, taillée de toutes parts. Sa couronne avait regagné le sol, reversée.

Loin d'obéir, le prince Émile sortit  de sa ceinture une dague de fer, parfaite pour balayer la maigre protection de son aîné. Le regard rougeoyant, il s'apprêtait ensuite à porter le coup de grâce, ou de bois, dans son cœur quand Joanne intervint.

Elle lui retint les bras,  braqua son mollet contre son bassin et le déplaça—le jeta à plusieurs mètres de son frère. Sa tête cogna contre un mur, et il rabattit son menton entre ses épaules, sonné. Toutefois, la vampire ne jugea pas cela suffisant pour le calmer : d'ici une dizaine de secondes, le prince retrouverait ses esprits et sa folie. Elle le cloua donc au pied du lit royal et lui lia les membres. Pour conclure, elle le freina, une main figeant sur son épaule tandis qu'il tentait furieusement de se débattre.

Elle pesta. Ce prince l'insupportait !

— Que vous vouliez ou non, Léo est roi. Le tuer, le blesser, ou lui causer du tort peut vous envoyer directement à l'échafaud. Croyez-moi, ce n'est pas l'envie qui me manque mais Léo, lui, ne le supporterait pas alors calmez vous ou je règle le problème d'un coup de pieu !

Sans connaître la famille royale, personne n'aurait pu affirmer que Léo et le prince Émile étaient nés des mêmes parents. Le premier roux comme les flammes régnait depuis une décennie avec courage, dévotion et un brin de maladresse. Le second blond comme l'or ne pensait qu'à traverser les frontières, se montrer lors des bals et détruire ce qui lui déplaisait. Instable, les canines constamment titillées, la rumeur de la violence du prince avait rapidement circulé dans tout le royaume vampirique.

Certains vampires, y compris les plus grands, exigeaient  de l'enfermer, ou de le punir pour ses crimes sanglants, mais Léo n'avait pu céder. Il restait un membre de sa fratrie après tout.

Cependant, Joanne avait appris, il y a quelques temps, une décision surprenante de la part de son roi et ami. Cette même décision, qui amena sans le moindre doute, le conflit fraternel du jour.

— Il m'a déshérité du trône ! grogna le prince. Moi, son propre frère ?

— A sa place, je vous aurais déjà fait enfermer pour stupidité profonde, réagit la conseillère.

Pour résister à l'envie de décorer son visage d'un hématome, elle tourna son regard vers sa Majesté. Il peinait à se relever, le pantalon en lambeaux. Son arcade sourcilière avait été ouverte, et sa lèvre saignolait. En dépit de cela, Joanne le pensa en bonne santé, jusqu'à ce qu'il ne chute à nouveau. En se rattrapant avec difficulté, l'un de ses os craqua.

Pire encore, la peau de son genou, toujours fendue, refusait de se régénérer.

— Léo... souffla la jolie vampire, inquiète.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant