17-L'Ange Noir (2/2)

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Silence.

A force de lutter contre le sommeil, celui ci happa Tom en plein milieu de la nuit. Mais le silence avait envahi les lieux bien avant son repos. Il était de ceux que Lizzie détestait : troublant, malaisant, triste et gris. Pourtant, ni elle, ni le beau vampire n'avait pu prononcer un mot.

Comment parler après avoir brisé un cœur ?

Comment rire quand notre interlocutrice savait quels désirs nous avaient hanté ?

Comment se réjouir d'avoir perdu une amitié si candide par la faute d' une simple question ?

Car, qu'ils l'avouent ou non, ils ne retrouveraient jamais leur relation passée. Lizzie deviendrait distante, de peur de céder à l'attraction puissante qu'exercait son ami. Quant à lui, il s'éloignerait, par crainte de percevoir des bribes de sentiments illusoires dans les yeux de celle qu'il aimait.

Assis dans leurs mondes-elle dans la dure réalité de l'infirmerie, lui dans le sombre pays des mauvais rêves -ils soupirèrent.

Deux béquilles de bois traînaient contre un mur, apportées par Joanne, au début de la nuit. Elle avait mal dormi, peu de maquillage et des cernes à faire pâlir un mort. Mais lorsque son frère l'avait questionnée, elle avait fait... sa Joanne. Refus, rejet, Déni.

Lizzie écouta... le silence, supposant que la nouvelle aube arrivait. Les médecins ne la gronderaient pas si elle s'eclipsait quelques minutes. Tom non plus. Il ne s'en rendrait même pas compte. Alors elle se dégagea de son lit, comme on sortirait d'une piscine pleine, et attrapa les supports de bois.

Avant de passer la porte, son regard se posa sur son ami endormi. Partir comme une voleuse ne lui plaisait pas. Ainsi, elle s'approcha, déposa un léger bisou sur sa tempe glacée, et lui murmura :

— Tu seras toujours mon ange gardien. Je t'aime fort, et... je suis désolée.

Sur ces mots, elle claudiqua jusqu'à la porte, à l'affût pour ne pas réveiller les domestiques, et atterrit dans un couloir de velours.

Jamais marcher ne lui avait semblé aussi douloureux. Sa peau, affreuse, pelait à n'en plus finir, sur un sol rougissant. Elle rabattit sa longue jupe lilas, et commença à se servir de ses quatre jambes.

Heureusement, la vie humaine lui avait appris à utiliser les prothèses lors de ses nombreuses entorses, liées à son imprudence habituelle. Alors, en quelques minutes, l'appui sur ses brûlures s'estompa et elle marcha presque avec aise.

Où se rendrait-elle ?

Elle avait d'abord songé à la maisonnette de Bastien — ou à l'entrée du jardin si le trajet dans la boue verglacée s'avérait trop épuisant — mais le souvenir des forêts, l'odeur des pins et des carrés d'herbe , épargnés par le froid d'hiver, lui remontèrent violemment en mémoire. Elle se raidit et porta une main à son flanc recousu.

Pas dehors. Tout sauf dehors.

Immédiatement, elle rebroussa chemin, se contentant de la bibliothèque.

Un lieu tranquille et isolé. Pas terrible pour éviter le silence. Mais dans ses souvenirs, étaient installées, aux sous-sols, une harpe, une flûte et quelques cymbales. Là où personne ne l'entendrait glisser ses doigts sur les cordes, ou souffler à s'en vider les poumons, là où elle pourrait oublier ses tracas.

— Mademoiselle Blueheart! Je vous croyais encore à l'infirmierie.

Gagnée d'abord par un sursaut, Lizzie découvrit derrière elle Sa Majesté, un livre sous le bras et une tasse de simili-sang frais dans la main.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant