37- Je Tombe... Tu Tombes (1/2)

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Une elfe ne mourait jamais.

Même détruit, son cœur se changeait en graine. La terre faisait office de tombeau. Les saisons, la nature s'occupaient de l'abreuver et de la nourrir. Ainsi, des années plus tard, elle renaissait. Comme les phénix.

Sauf que les oiseaux avaient la chance de ressusciter dans un corps tout neuf, prêt à reprendre leur vie d'avant ou au contraire s'adapter à la nouvelle.

Le choix leur revenait.

Méridice, elle, n'aurait plus jamais le plaisir de tenir un arc, ni de se balader près des points d'eaux. Ses pieds deviendraient des racines, ses beaux cheveux blonds des feuilles d'or et sa peau  une écorce rigide et sèche.

— Je suis terriblement désolée, Méri, terriblement désolée, sanglota Aliénor en tenant, fébrile, un parapluie dans ses mains.

La pluie froide avait accompagné son chagrin, formant un rideau d'eau autour de son ombrelle abîmée.

L'enterrement avait été bref. Tous les soldats de la garde, sauf deux, s'étaient présentés, l'expression aussi éteinte que l'âme qui reposait sous cet amas de terre. Le roi avait gardé le silence, la première  conseillère également. Aliénor ne se remémorait pas un seul des discours prononcés.

Mais elle se rappellait que, parmi eux,  le faux Tom avait pris une place. Ce monstre !

Il avait eu le culot de feindre des larmes, sa main pressée contre celle de la princesse Lizzie. Au premier rang ! Le meurtrier, le traître, l'infâme.

Lui, qui avait promis de ne se restreindre qu'aux acteurs de  son enfer.

L'ancien roi et le prince, avaient-ils décidé ensemble.

Il l'avait trahie. Il l'avait brisée.

Il l'avait tuée.

Méridice devait vivre encore des milliers d'années. Elles devaient s'enfuir toutes les deux, rejoindre la forêt des mirages.

Le royaume d'Aliénor.

Une larme fragile coula au milieu de son visage de porcelaine. Maintenant que tout le monde était parti, elle pouvait pleurer sans retenue, hurler sans pudeur, s'agenouiller, griffer la terre... mais elle n'en avait plus la force. Sa bouche s'assécha, et elle chercha du coin de l'œil une épaule contre laquelle se blottir.

Avant de réaliser qu'elle n'avait plus personne.

Rémi était mort à ses yeux. Son ami, son amant , l'homme qu'elle avait apprécié n'existait plus.

— Je suis tellement, tellement désolée... murmura-t-elle.

— Elle vous aimait beaucoup, lui répondit une voix, doucement.

Jusque là persuadée d'être seule, Aliénor sursauta.

— Méridice vous aimait beaucoup, continua  Sa Majesté en approchant, sa propre ombrelle couleur des cendres au dessus de la tête. Elle aurait sans doute aimé que vous le sachiez.

La jeune vampire serra les poings. Elle le savait, et c'était bien cela le plus douloureux. Méridice avait péri sans porter un seul jugement à son égard, sans n'avoir jamais connu ses secrets, son passé et la raison discutable qui l'avait poussée à entrer dans la cour vampirique.

Elle aurait pu le deviner. Mais par respect pour elle, elle n'en avait rien fait.

A la place, elle avait toujours porté une écoute et une attention remarquable à chacun de ses gardes.

A ses côtés, Aliénor se sentait... spéciale.

Un voile de chagrin lui couvrit le visage, et elle se couvrit les bras de ses mains, coupable.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant