49- Princesse Aliénor (1/2)

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— La transformer en vampire ? Tiens, je n'y avais jamais pensé.

À l'abri derrière un mur, Lizzie espionnait sa mère, installée sur le fauteuil de velours que le roi lui avait offert. Sa robe de lys pendait sur le parquet où ses talons d'écorce claquaient. À sa gauche, un domestique se pencha pour lui servir du thé agrémenté d'une fleur de lait. Visiblement, ce n'était pas la première fois que la reine des fées passait les portes de ce château. Au contraire, elle semblait déjà s'être habituée au personnel.

— Votre idée pourrait fonctionner, ajouta-t-elle en sirotant sa boisson, mais qu'en pense ma fille ?

Son regard aussi clair que l'aurore frappa celui du roi. Lizzie crut le voir tréssaillir.

— Elle refuse.

— Alors, c'est non.

Un poids s'ôta de sa gorge. Merci maman, songea-t-elle de concert avec Étincelle.

— Votre Majesté, intervint Joanne en tachant de se montrer plus diplomate que de coutume. Ce que nous fait votre fille est un caprice. Elle pourrait mettre en danger le monde des ombrumes. Réfléchissez, Lizzie nagerait dans le bonheur en devenant une vampire. Elle vivrait aux côtés de Tom, n'aurait plus besoin d'escorte, et serait enfin capable de se défendre toute seule. Que lui faudrait-il de plus ?

La reine la fustigea du regard. Depuis plusieurs années, elle maintenait une mauvaise opinion de la vampire qui avait tant intimidé sa fille à coups de menaces et de reproches.

— Je connais ma fille, et ce n'est certainement pas un caprice. Vous savez très bien qu'être un vampire n'a pas que de bons côtés, autrement il n'y aurait plus qu'un seul royaume. Le vôtre.

Le front du roi se plissa.

— Evangeline, s'il vous plaît. Tentez de convaincre votre fille.

— La convaincre ou l'obliger à m'obéir ?

Les mains moites de Lizzie se décollèrent du mur. Au fond, elle se trouvait bien égoïste de causer tant de tourments au roi et à sa mère.
N'y pense pas, riposta Étincelle, tu participes à la sauvegarde d'une espèce en voie de disparition : moi !

— Faites ce qu'il faut pour qu'elle accepte, souligna Joanne plus amère.

— Sinon vous la dénoncerez ? Et moi avec, je présume ?

Autant mettre carte sur table. Evangeline était une femme pressée : elle ne perdait pas son temps à arrondir les angles. Si quelque chose la titillait, elle le disait.

Toutefois, Lizzie craignait la réponse du roi. Qu'il exhibe son secret au monde des ombrumes était une chose, mais s'il s'en prenait à sa mère et par extension à la famille Blueheart, elle ne pourrait le supporter.

Evangeline redressa le menton, sûre d'elle. Sa question s'adressait à Léo, bien qu'elle ne cessat de surveiller d'un œil méfiant sa fulminante fiancée.

— Oui, avoua le monarque, d'une voix fragile. Je n'irai pas jusqu'à envoyer une lettre au roi Ivan mais j'en parlerai aux savants de ma cour. Je ne veux pas courir le risque de perdre mon royaume, ni ma nouvelle famille.
Joanne, Tom. Tant qu'elle sera une menace pour eux, je ne veux plus que votre fille les approche.

Un frisson parcourut Lizzie au moment où sa mère reposa sa tasse vide sur la table basse.

— Je vois. Moi aussi, je serai prête à tout pour les miens. Je ne vous promets pas de la convaincre mais... je tacherai de discuter avec Lizzie.

Quand une main se posa sur sa hanche, la jeune princesse sursauta. Tom la tira par le bras et l'éloigna du petit salon. Le tapis de velours étouffait le son de leurs pas pressés, et les murs de pierre blanche dévoraient leurs murmures.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant