Rouge grenade (terminée)

12- Deux Âmes (1/2)

Sans recevoir aucune aide pour se relever, Lizzie quitta le sol humide, les jambes cotonneuses.

— J'ai cru que tu étais...

— Un humain, compléta Joanne d'un ton neutre, bras croisés sur le torse. Et si ça avait le cas ? Et s'ils t'avaient traquée et chassée comme une pauvre biche fragile  ? Qu'aurais-tu fait ?

Lizzie faillit la contredire sur sa soi disant fragilité, mais elle s'en abstint de peur de dériver malgré elle sur sa nature secrète.

— Tu vas me ramener de force au palais ?

— Non, je vais trouver un loup garou, par miracle encore en mouvement, et t'offrir comme déjeuner, ironisa-t-elle en pointant du bras la pleine lune, perchée entre les nuages. A ton avis ?

Lizzie secoua la tête, évitant de penser à ce qu'un loup-garou, qu'il soit encore louveteau ou dans la fleur de l'âge, pourrait lui infliger. Ses griffes courbées, son corps poilu long de deux mètres, d'autant plus terrifiant lorsqu'il parvenait à se tenir debout, et surtout, ses crocs plus aiguisés que le poignard que portait Joanne. Brrr. Parfois, Lizzie s'estimait chanceuse de ne pas se souvenir de sa dernière mésaventure avec un lycanthrope.

Mais heureusement, là où elle comptait se rendre, les loups étaient interdits.

— Je dois y aller, je ne peux plus laisser personne m'ensorceler et encore moins m'en prendre à Tom.

Joanne fronça les sourcils, surprise.

—Attends, tu as fait du mal à Tom ?

Entendre ces faits de la bouche d'une autre, amplifia la blessure que Lizzie portait au cœur. Elle avait beau être sous l'emprise d'un sournois personnage, c'était ses mains qui avaient porté le coup,  sa magie qui avait conçu le pieu, son esprit qui n'avait pas su résister à ce sortilège.

Elle aurait pu lui planter un pieu dans le cœur...

Ne t'inquiète pas, tu devrais un jour  revoir ton cher Tom. Pour lui enfoncer un pieu dans le cœur...

Un frisson la saisit. Cette menace venimeuse n'avait jamais quitté ses songes, marquée à l'encre indélébile. Ce moment, les coups de feu tonitruants, le brasier, et devant elle cet être qui avait voulu tuer celui qu'elle aimait. Lizzie n'avait jamais été autant en colère.

Comment avait-elle pu ne pas reconnaître sa voix ? Un son calme et sec. Pour beaucoup, Rémi inspirait une forme de sagesse et d'altruisme. C'était aussi ce que Lizzie avait pensé avant qu'il ne dévoile son visage monstrueux. L'idée d'être sous ses ordres la revulsa et l'obligea à s'appuyer contre un arbre pour éviter de tomber.

— Je dois... me débarrasser de lui... souffla-t-elle. Il... Tom... Le monde des ombrumes...

Elle mit un certain temps avant de se rendre compte que l'hypnose revenait la hanter, se glissant lentement entre ses neurones sous forme de brume. Mais cette fois, elle lui paraissait encore plus douloureuse, comme si des milliers d'aiguilles s'entrechoquaient dans son crâne.

Sa tête bascula en arrière, et une étrange abime noire l'engloutit.

***

—  Wow, alors c'est ça, tes crises ?

Ligotée contre un arbre par une liane aussi rigide qu'un câble d'acier, Joanne lui maintenait l'épaule. Son poignard, planté dans l'écorce brune, empêchait la jeune fée de tourner la tête, ou bien de se débattre au risque de se griffer la joue. Étourdie, elle ne se rappelait de rien, mais le plus étrange était qu'Étincelle affirmait ne pas être intervenue.