42- Des Yeux Qui Ne Mentent Pas

163 24 310
                                    

— Le remède ? exigea Joanne, sans la moindre politesse.

Elle ne l'avait jamais oublié, et bon nombre de questions collaient encore à son esprit. Comment Rémi avait-il survécu à son retour ? Avait-il traîné dans la rue ? Quelqu'un était-il venu à son secours ? Était-il tombé dans le crime, le vice et l'escroquerie pour continuer à subsister ?

Toutefois, elle n'hésita pas à y renoncer  pour gagner du temps. Le cœur de Léo ne battait peut-être plus, et ses seules chances de le sauver résidaient dans cet échange. Un échange qu'elle espérait concis.

— Tu crois sincèrement qu'il y en a un ?  Dans la garde royale, il t'est sûrement déjà arrivé d'orchestrer l'empoisonnement de quelqu'un. Tu dois savoir comment ça se passe ?

Mille fois. Empoisonner quelqu'un s'avérait souvent plus efficace que de le tuer au poignard. C'était aussi plus propre qu'une effusion de sang. Ainsi, les hauts dirigeants ne rechignaient pas à envoyer de jeunes recrues infiltrer les rangs d'autres royaumes, celui des phénix, des fées ou des sorciers notamment.

Une pratique heureusement révolue depuis le règne de Léo.

Néanmoins, Joanne n'y avait pas échappé. Elle s'était découvert de nombreux talents pour la comédie et la séduction, versant avec discrétion quelques gouttes de potion dans le vin d'un haut gradé—et souvent criminel—gênant. Parfois, elle le substituait par son propre sang, et en effet, jamais elle n'avait cherché à trouver le moindre remède.

Quelle perte de temps !

Si un soldat commettait la maladresse de confondre son propre verre avec l'empoisonné, il méritait son sort. C'était ce que l'ancien capitaine de la garde lui avait inculqué. Bourru, et exigeant, elle avait toujours cru en ses paroles.

Sauf aujourd'hui.

Nerveuse, elle tritura son nouvel anneau gravé d'un lion d'or.
Léo, pardonne moi d'avoir secouru ce monstre.

— Jolie bague, nota le prisonnier. Elle lui appartient ?

Joanne se garda de répondre, le fustigeant du regard.

—Tu as finalement bien réussi ton coup. Le roi est à tes pieds, il te protège, et en même temps, tu obtiens tout ce que tu souhaites de lui. Il suffirait seulement d'un tout petit mensonge de ta part pour devenir reine : personne n'en douterait. Toutes mes félicitations, persifla-t-il, de sa voix éraillée.

Elle enfonça ses ongles dans sa paume pour réfréner sa colère. Au vu du sang et des hématomes qui séchaient sur ses joues, Rémi devait sérieusement souffrir. Si Joanne ne retenait pas ses coups, elle pourrait l'assommer.

— Je l'aime réellement.

— Je sais. C'est bien dommage d'ailleurs. Il ne te mérite pas, objecta-t-il en haussant les épaules.

Elle repoussa ses propos d'un geste de la main.

— Tu es différente des autres vampires. Tu es juste. Juste mais aveugle. Ton petit roi n'aurait pas été différent de son père.

— Tu ne le connais pas.

—Ah oui ? se moqua-t-il. A-t-il  envisagé une loi en faveur des humains ? A-t-il  annoncé à son peuple que nous valions plus qu'un steak bon marché, ou qu'une armée de scorpions à écraser ?
C'est étrange, Alienor ne m'a jamais parlé de ça. En revanche, elle m'a confié qu'il avait fait enfermer mon meilleur ami dans une cabane, et qu'il n'avait jamais cessé de fabriquer ses maudites potions !

Il toussa, ravivant ses blessures.

— Le blondinet a été enfermé pour sa sécurité. Et les potions de Léo n'ont jamais fait de mal à personne ! riposta-t-elle, tout aussi virulente.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant