Rouge grenade (terminée)

21 - Un Coup D'avance

— Tom? Il faut que je te parle, murmura doucement Lizzie derrière la porte de bois. C'est... important.

Un papier froissé en main, elle espérait simplement que son ami ne se soit pas endormi. Elle n'avait pas le droit d'hausser la voix, au risque d'attirer une foule de courtisans.

Tom était rentré la veille, accompagné de la princesse Selena White en sang. Si la terreur avait d'abord envahi l'infirmerie, des médecins avaient rapidement rétabli l'état de la fantôme. Lizzie lui avait rendu visite, lui offrant sa gracieuse magie pour atténuer ses maux. Ce n'était pas grand chose. Rien de semblable à ses pouvoirs d'antan. Or, l'adolescente avait semblé s'en satisfaire, lui accordant un maigre sourire avant de retomber dans les bras ténébreux de morphée.

— Tu sais que tu peux ouvrir la porte ! Il ne va pas te mordre ! cingla Joanne dont la patience s'épuisait.

Prévenir la grande conseillère n'avait jamais été l'intention de Lizzie. Mais pressée, et un brin paniquée, Joanne et elle s'étaient bousculées au centre d'un couloir obscur.

— Quand on ne sait pas se repérer dans le noir, on prend une bougie ! l'avait-elle houspillée.

Pour soutenir ses propos, son index avait porté— et portait toujours— un bougeoir. Noir et or, il éclairait d'une lumière brumeuse son visage froncé et austère. Lizzie, elle, avait simplement eu le réflexe de cacher ses mains—et le papier qu'elles contenaient —derrière son dos. Ce qui n'avait pourtant pas échappé à Joanne.

— Qu'est ce que c'est ? lui avait-elle demandé en arrachant la missive de ses doigts. Si tu me dis que c'est une lettre d'amour ou... Oh.

Ses traits s'étaient plissés, puis relâchés.

« Je sais que ton cher Tom est un assassin : meurtrier de la reine Ewilona. Tu as le choix, petite fée : ramène-moi le sceptre du roi au crépuscule prochain (dans la salle des armures) ou quelqu'un se chargera de livrer son grand secret. Je doute que le roi fasse preuve de beaucoup de clémence. » s'était remémoré Lizzie, les nerfs en pelote.

Joanne n'avait pas hésité une seconde, tirant la jeune fée par le bras, direction la chambre de Tom.

***

La chambre n'était pas verrouillée. Ainsi, dès que Joanne s'y aventura, son habitant se redressa en sursaut. L'éclat de la bougie blanchissait sa peau, révélant un torse sec, finement dessiné des pectoraux au bassin.

Lizzie n'ignorait pas que Tom possédait de tels atouts —la garde royale n'aurait jamais accepté un vampire qui n'en présentait pas— mais les contemplant pour la première fois, elle se sentit troublée.

Tom s'est peut-être lassé de toi, supposa Étincelle, vicieuse. Il attendait sans doute une jolie blonde. Torse nu, c'est toujours plus aguicheur. Surtout ce torse là.

A cette pensée, bien qu'hasardeuse, le cœur de Lizzie se broya. Le vampire avait bien le droit de s'enticher d'une autre mais égoïstement ... elle ne le supportait pas. Pas aussi vite.

— Lizzie ? Joanne ? Qu'est ce vous faites là en plein milieu de la matinée ? demanda le soldat, stupéfait, et un peu groggy.

— Pitié Tom, somma sa sœur en se pinçant l'arrête du nez, enfile un haut, je n'ai pas envie de gérer Lizzibellulle en émoi.

Les prunelles rubis, il s'habilla aussitôt à vitesse vampirique. La bouche de Lizzie s'était desséchée, une chaleur troublante lui monta aux joues.