45- Plus D'ombre ?

158 24 301
                                    


— Joanne, attends!

Sans poussière de fée pour se repérer dans la pénombre, Lizzie peinait à suivre sa compagne de route.

Des années auparavant , Tom et elle  vagabondaient sans mal dans les plus denses forêts. Ses ailes étincelaient comme des lanternes, et si leur promenade  nécessitait plus de discrétion, Tom et sa vue affûtée ne manquaient jamais de la guider, tel un phare braquant sa lumière pour un bateau.

Cette nuit-là, Joanne n'avait pas ralenti une seule fois. S'extirpant d'un filet de racines et de branches, la jeune fée parcourut à tâtons les derniers mètres d'obscurité.

Plus loin flottait un halo de lumière : un passage que la vampire avait sans doute  emprunté. Du moins, Lizzie l'espérait.

Des morceaux de ciel découpèrent la voûte feuillue qui planait jusqu'alors au-dessus de sa tête. Et des aboiements retentirent.

Aussitôt, la princesse se mit à courir : peu importe d'où venait ce chien, il ne pouvait qu'appartenir à un humain. 

Un humain qui ne ferait qu'une bouchée d'elle s'il la rencontrait.

***

— Tu vas me conduire à mon frère, sans essayer d'alerter qui que ce soit, ou je t'égorge toi et ton assourdissante bête.

Figée derrière un buisson, Lizzie écarquilla les yeux. Elle s'était fourvoyée.

D'une main, Joanne tenait fermement un poignard  sous le cou de Felia, et de l'autre elle agrippait ses cheveux. À ses pieds, un chien ne cessait de grogner : il multiplia les petits bonds, prêt à se jeter sur la cheville de la vampire pour la mordre.
La princesse plissa les yeux, le petit animal lui faisait étrangement penser à... Lune, la chienne dont elle s'était occupée pendant des années.

Sauf que ce balai swiffer ambulant est mort, nota Etincelle, lui ramenant par la même  occasion les airs incessants des publicités humaines.

Elle ne prit cependant pas le temps de s'en agacer, puisque d'un coup de vent, elle se décida à interrompre la scène. Elle protègea le petit maltipoo d'une bulle aérienne, de peur que, libre, Joanne n'ait l'idée de riposter, puis elle s'interposa entre ses deux amies.

Les yeux de la vampire s'arrondirent, elle retira sa lame et s'écarta prudemment.

—  Ne me dis pas que c'est...  Félicia? Bon sang, Chris va me tuer, scanda-t-elle.

— Felia, corrigea machinalement la concernée d'une petite voix en se massant le cou. Soy... Soyez rassurée, je ne pense pas que ça puisse étonner Chris. Il connaît bien votre...impulsivité.

Visiblement vexée, la vampire croisa les bras sur son buste.

— Dites que je suis une brute sans manières tant que vous y êtes...

Felia se garda de répondre, et dévia son regard vers Lizzie qui, à demi mots, se renseigna sur son état. La jeune fée s'était souvent demandé si sa fidèle amie tenait le coup, coincée entre cette brochette d'illuminés.

A ses pieds, le chien répétait de petits sauts en couinant. Lizzie s'agenouilla et il bondit dans ses bras. Des coulées de boue maculèrent sa robe lilas, dès que  le canidé agita ses minuscules pattes blanches pour se mettre à son aise.

— C'est Bastien, l'informa Felia, en lâchant un soupir. Rémi voulait qu'il... qu'il rejoigne son camp. Tu connais peut-être un sort pour l'en délivrer ?

Elle secoua la tête. Au fond, la nouvelle ne la surprit qu'à moitié. Elle avait imaginé tant de supplices, tant de mauvais sorts à l'encontre de son ami, que le voir aboyer avec gaieté des ses bras arrivait un peu à la rassurer.

Rouge grenade (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant