Nouveau souffle · Nekfeu

Chapitre 2

Ken

J'ai pas l'air con. J'ai pas l'air con à me raccrocher à la moindre petite chose qui peut me rapprocher d'eux. Je passe mes journées à ça.

Entre mes mains, le tout dernier dessin que Thanos m'a fait avant que je parte. Moi, Lya, Foxy et lui. Au moment où il l'a fait, j'avais tout ça. J'avais tout ça : ma famille. Maintenant que tout a disparu, je me rends compte à quel point son dessin avait de la valeur.

Couché sur son lit, chez Elisa, je dessine du bout des doigts les constellations d'étoiles dessinées au plafond, comme quand on était tous les deux, après un de ses cauchemars. Mon souvenir le plus clair, c'est celui de sa joue contre mon torse, ou de ses cheveux qui viennent chatouiller mon cou.

Quand j'étais petit et que je venais réveiller mon père la nuit à cause d'un cauchemar, il tirait toujours la tronche. Et je comprends pas. Je comprends pas parce que moi, je préférerais presque passer toutes mes nuits à compter les étoiles avec Thanos. À le voir à l'aise, en sécurité. Je m'en tape qu'il vienne me réveiller.

Comme à chaque fois que je pense à eux depuis que j'ai reçu la lettre, je sors délicatement une des trois Polaroïds de la poche de mon hoodie. Le visage éclatant de mon fils arrive toujours à me redonner un peu d'énergie. Je sais pas comment il fait. Je me pose la question depuis le jour où je l'ai rencontré. Il arrive toujours à égayer la pièce dans laquelle il débarque, peu importe l'ambiance qu'il y avait avant son arrivée.

Sauf qu'il est pas là et je sais pas où il est. J'ai eu espoir, pendant un court instant, quand j'ai tenu l'enveloppe dans mes mains. J'ai eu espoir qu'Alya me donne enfin une adresse, enfin le chemin pour les retrouver mais nan. La peine et le manque que je ressentais jusque-là, commencent doucement à se transformer en colère.

Je suis plus si persuadé d'avoir mérité autant de douleur.

J'ai fait de la merde, ok. Ça justifie pas qu'elle m'éloigne d'eux deux si longtemps. Je crois que la vérité c'est que j'ai pas digéré le coup de la boîte postale.

- Ken ? La voix de ma sœur résonne dans le couloir. T'es encore là-dedans ?

Oui. Tu le sais très bien.

La porte de la chambre s'ouvre doucement pour laisser passer le visage de Nessy. Les cernes sous ses yeux commencent à s'étendre autant que les miens et on est loin de la gaieté qu'elle avait avant.

Je joue l'égoïste. Je sais que je joue l'égoïste. Je suis toujours en train de me lamenter mais autour de moi, les autres souffrent aussi. Ma sœur notamment. Ma sœur qui pensait que Lya était devenue la sienne.

- Je suis persuadée que tu connais déjà le nombre exact d'étoiles au plafond, elle s'allonge à côté de moi, la tête sur mon torse.

- 61, je souffle. La 62ème nous ait tombée sur le nez un jour, le souvenir de Tan louchant sur l'autocollant posé sur son nez étire mon visage d'un sourire.

- Il me manque, elle vient coller son nez à mon torse. Sa petite bouille me manque affreusement. Maintenant je sais pourquoi en plus, elle me sourit. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à son papa.

Tout le monde me le dit. Tout le temps. Quand ils le voient en photo, sur mon téléphone, dans un cadre, un album. Ton fils te ressemble. Peut-être. Moi j'aimerais qu'on me le dise quand il est dans mes bras. Côte à côte.

- T'es fâchée contre Lya ? Je relève les yeux vers les étoiles au plafond.

Plusieurs secondes s'écoulent sans que ma sœur ne réponde.