Nouveau souffle · Nekfeu

Chapitre 5

Alya

Il est là. Sa coloration blonde a disparue mais il est là, à à peine trois mètres devant moi. Ses yeux sont toujours aussi profonds, la prestance qu'il dégage toujours aussi forte. Le seul truc qui a changé, c'est les conneries qu'on a faites. Surtout moi.

Je suis la première à détourner les yeux. Si on m'avait laissé le choix, si j'avais su qu'il était là, j'aurais jamais eu le courage de le regarder en face. Je le mérite pas.

Même avec les yeux au sol, je sens le regard de mon grand-père alterner entre Ken et moi.

- Papi, j'arrive à articuler, est-ce que tu peux monter dans la voiture s'il te plaît ?

- Me dis pas que, ses sourcils se froncent alors qu'il observe Ken, c'est le père du petit ?

- Non, je souffle, c'est Ken. Enfin si, je bafouille. Papi, rentre dans la voiture s'il te plaît.

Mon grand-père ne se fait pas prier plus longtemps. Quand la portière se referme derrière lui, je sens mon cœur s'arrêter. J'ai aucune idée de quoi dire, j'ai aucune idée de quoi faire. J'ai déjà dû lui faire si mal que la moindre de mes actions me terrorise.

Quand ses pas crissent sur le gravier, je sais déjà ce qu'il va faire. Il va s'approcher. Et il devrait pas. J'ai pas le droit à un câlin, je le mérite pas.

À chaque pas qu'il fait vers moi, je recule d'un, toujours le regard au sol.

- Lya, sa voix se brise, s'il te plaît.

Et au pas suivant, je recule encore d'un.

- Lya, le gravier s'humidifie sous ses pieds, je te veux juste contre moi. Trente secondes si tu veux, pas plus.

Si je veux. Si je voulais, ce serait plus trois jours. Ou une semaine. Sauf que je t'ai fait souffrir Ken et je sais même pas si un jour je pourrais te regarder en face à nouveau.

- Lya, il renifle, je suis désolé, tu peux même pas savoir à quel point. Je peux tout te dire, je te jure. Tout. Tout ce que tu voulais savoir, je peux te le dire.

- Arrête, j'arrive à murmure. Arrête Ken. T'excuses pas, t'as pas besoin. Je veux pas te faire plus de mal que ce que j'ai déjà fait, je peux même pas te regarder en face. C'est moi qui devrait m'excuser.

La douleur que je ressens quand son bras retombe le long de son corps me tétanise. J'ai rêvé de ce moment tous les jours, chaque minute, chaque seconde. J'ai rêvé qu'il me prenne dans ses bras, qu'on dorme tous les trois, Thanos et nous mais ça, y a que Thanos qui le mérite.

- Je m'en tape putain Lya, il s'approche d'un pas en pleurant. Je m'en tape, ce qui me ferait du bien justement, c'est que tu me laisses t'approcher. Je t'en veux pas, je t'en veux plus, je veux juste..., je l'interromps en reculant à nouveau.

- C'est juste le manque, ma voix craque et je sens mes joues s'humidifier.

- Wesh nan Lya, sa main s'approche pour essuyer mes joues mais son bras n'est pas assez long. Arrête de pleurer, je vais pas supporter. Laisse-moi te tenir juste dix secondes, sa voix se fond dans un murmure, dix secondes Lya.

Si je le laisse faire, lui comme moi on sait que ce sera bien plus que dix secondes. Je préfère refuser tant que j'en ai encore le courage.

- Dis-moi que t'as pas souffert Ken, je souffle. Dis-moi que tes doses n'ont pas augmenté, dis-moi qu'à cause de moi, t'as pas été à l'hôpital.