Ken
- Un peu à droite fils, mon père penche la tête sur le côté, juste un peu.
- Même hauteur ? Je lance en déplaçant la lampe le long du mur du salon.
- Là ça me paraît bien, il m'arrête.
Y a un an ou deux, j'aurais clairement ri à la gueule de la personne qui aurait osé me dire qu'aujourd'hui, je serais en train de bricoler avec mon père comme si on s'était pas fait la gueule pendant dix piges. C'était pas ce que j'imaginais, c'était loin de ce que j'espérais. Pour moi, le seul truc sur lequel mon père et moi on aurait pu tomber d'accord au fur et à mesure des années, c'est de pas se taper trop fort dessus aux repas de famille, histoire de pas attrister ma mère.
Faut croire que j'ai pas été assez optimiste. Il a suffi qu'Alya lui cloue le bec le jour de leur rencontre pour que tout se mette en marche.
Alors, quand il m'a demandé de l'aide tout à l'heure pour changer la lampe du salon, j'ai juste laissé Tan avec Lya devant la télé et je suis sorti. Je sais pas ce qu'il y a de rassurant dans le fait d'être seul avec lui, mais je me sens bien, je me sens calme. Quand je suis avec les gars, c'est différent : ils savent pas pour le bébé, ils arrêtent pas de me parler du mariage, y a les secrets d'Hakim qui planent au-dessus du moi.
J'ai hâte que ça se termine. Bientôt ils sauront pour le bébé, bientôt Hakim pourra enfin se détendre un peu parce que je vois plus que ça quand il est avec nous : il baisse les yeux, il éteint son téléphone quand on s'approche, il sort pour appeler, je l'ai jamais vu comme ça.
- C'est bon ? La voix de mon père me sort de mes pensées. Tu as besoin d'une vis supplémentaire ?
- Nan, j'éloigne mes mains du luminaire.
- Parfait, il se rapproche, ta mère va être contente, ça fait deux semaines qu'elle m'en parle.
- Pourquoi t'as pas appelé avant ? Je descends de l'escabeau avant de lâcher les outils dans la boîte qu'il me tend. J'aurais pu venir Baba.
Son visage change à l'entente du surnom. Je peux même pas lui en vouloir, ça fait une éternité que je l'ai pas appelé comme ça par réflexe, c'était toujours un minimum forcé.
- Peut-être que tu avais plus important à faire, il finit par détourner sa tête et s'éloigner pour poser les affaires sur la table. Tu as une vie à côté.
- J'ai pas de vie à côté Baba, je fronce les sourcils. J'ai une vie tout court et t'en fais partie. T'as un problème, t'appelles.
Le regard fixé sur le jardin à travers la baie vitrée du salon, il reste silencieux. Et je comprends. On a jamais été fondamentalement proches, même avant que les problèmes commencent. Ce genre de moments ensemble, c'est plus que rare.
- Baba ? Je joue avec les cordons de mon bas de survêt. J'ai demandé Alya en mariage, je lâche quand il tourne la tête vers moi.
- C'est pas vrai, il murmure. Elle a dit oui ?
- Ouais, je souris comme un con, ouais elle a dit oui.
Silencieusement, il passe sa main sur son visage et mon cœur se serre quand je vois ses larmes couler. J'ai même pas le temps de rajouter un truc qu'il m'attire dans ses bras.
- Je suis fier Ken, je ferme les yeux quand sa voix arrive jusqu'à mes oreilles. Tu finis toujours par réussir ce qui te tient vraiment à cœur, désolé d'avoir douté si longtemps. Mariage et bébé alors ? Il pose sa main sur mon épaule quand on se détache. Ta mère va devenir folle quand elle va savoir.
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Nouveau souffle · Nekfeu
FanfictionDeux mois. Deux mois d'absence, deux mois de manque, deux mois de questions. Deux mois. C'est long deux mois, surtout quand on perd sa raison de respirer. Alya a des questions, Ken des réponses. La seule chose dont les deux ont besoin, c'est d'un n...