Chapitre 14

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Alya

J'aurais peut-être pas dû lui dire que c'était un truc pas trop grave parce qu'apparemment, ça le dérange plus que ce que j'aurais pu penser. À tourner en rond dans le salon, téléphone à l'oreille, il va finir par faire un trou dans le sol.

- Frère, j'peux pas retarder encore, ça va finir par être la pire des galères, il souffle à Hakim qui l'écoute patiemment se plaindre à l'autre bout du fil depuis une bonne heure.

Quand il m'a parlé de Clément, je me suis dit qu'un simple retard sur son projet, c'était pas grand-chose. En général, suivre les deadlines pour Ken, c'est pas une priorité absolue. C'est plus chiant qu'autre chose.

Sauf qu'on sait pas de combien va être le retard sachant qu'on ne sait pas combien de temps Hugo va devoir rester dans sa famille en Italie. Quand Idriss m'a annoncé qu'il était bloqué là-bas à cause de problèmes familiaux, je me suis dit que c'était toujours mieux que l'annonce d'un décès. Apparemment, ça a quand même emmené Ken jusqu'à la crise de nerfs.

Puis y a pas que ça. Je vois bien à sa façon de me lancer un regard toutes les deux minutes, à sa main qui joue avec le cordon de son jogging, qu'il regrette que le week-end se finisse comme ça et que je sois mise de côté, assise silencieusement dans le coin du canapé, pendant qu'il essaie de trouver une solution.

En plus de ça, c'est pas comme si Framal nous avait interrompu pendant un moment particulier. Juste un peu. Légèrement. J'ai même pas pris le temps de renfiler mon bas et Ken a laissé son t-shirt quelque part en chemin. J'ai été surprise tout à l'heure. Il m'a tellement parlé d'avoir sa petite princesse qu'à aucun moment j'avais imaginé qu'il puisse stresser à ce point-là. Quand il a niché sa tête contre ma poitrine et qu'il a resserré ses bras dans mon dos, j'ai compris que même s'il attend avec impatience d'être papa à nouveau, il n'est peut-être pas si prêt que ça.

C'est pas grave, je suis là pour le rassurer. Parce qu'il n'y a pas que lui qui rêve d'un deuxième. Puis on va pas se mentir, j'ai déjà des images de Ken avec un bébé dans les bras qui traînent dans ma tête. Ça aide pas. Pas du tout.

Le fil de mes pensées s'interrompt quand la main de Ken vient se poser sur ma cuisse nue. Accroupi devant moi, un léger sourire aux lèvres, il me regarde, toujours Hakim à l'oreille.

- Ouais, il lâche en dessinant du bout du pouce des cercles sur ma peau. J'sais pas frère, il souffle, j'sais pas. J'vais trouvais une solution, je peux pas rester comme ça, ça foutrait tout en l'air pour la suite.

Même si ton est sans aucun doute tendu, il s'applique à me donner un peu de douceur entre chacune de ses phrases. En silence, sa main remonte jusqu'à ma joue et son sourire s'élargit quand l'autre rougit.

- T'es belle, il murmure en éloignant le téléphone de son oreille.

Mais je vois à la distance qu'il maintient entre nous qu'il s'en veut d'avoir interrompu le moment dans la chambre tout à l'heure, de passer le temps qu'il nous reste du week-end à régler les affaires du label.

Sauf qu'il n'a pas besoin de s'excuser ou de s'en vouloir pour des trucs comme ça. Ça arrive à tout le monde. Alors qu'il se relève pour continuer à tourner en rond, j'attrape sa main avant de me lever, le poussant doucement sur le canapé. Les sourcils levés, il me regarde m'assoir sur ses genoux avant que je ne vienne poser ma tête sur son torse.

Ses prunelles brunes me détaillent, bien plus calmes qu'il y a deux minutes, et ses doigts viennent savamment défaire mon chignon avant de s'emmêler dans mes boucles. Ce que je lis dans son regard, c'est toujours la même lueur que tout à l'heure, la même qu'hier et qu'avant-hier aussi. J'espère qu'il voit la même chose dans mes yeux parce que j'ai jamais été aussi bien que depuis le rendez-vous sur le bateau-mouche.

Nouveau souffle · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant