Vendredi 2 juin 2023 - Tampa Floride
Avec un certain désarroi, je constate que, comme à l'époque, sa simple présence suffit à enflammer mes sens. Si, il y a cinq ans, j'acceptais volontiers ce ressenti, nourrissant l'espoir qu'un jour il répondrait à mes appels silencieux, aujourd'hui, j'ai simplement envie de m'arracher les cheveux et de secouer la petite fille fragile qui n'a jamais réussi à faire le deuil de son béguin d'adolescente.
Je me gifle mentalement. Après tout, il n'est qu'un homme séduisant parmi tant d'autres. Je serre discrètement les poings pour retrouver ma contenance avant de plonger mes yeux dans les siens. Si le monde autour de moi s'était évaporé, je ne m'en serais probablement pas rendu compte. Le vert émeraude de ses iris me plonge dans des souvenirs dangereusement gênants. Son rire, ses murmures à mon oreille, sa main posée sur mon épaule, et moi, dans un état d'ébriété avancé, persuadé qu'il allait m'embrasser. J'étais d'un pathétique déconcertant. Bien sûr, il ne m'a pas embrassée, et je me suis ridiculisée de manière mémorable.
— Toi aussi, tu m'as manqué, Al. Mais personne ne t'a empêché de venir me voir à l'université en même temps qu'Ed et Ez, hein ! je lui reproche gentiment.
Son sourire s'efface légèrement alors qu'il jette un regard en direction de mes frères.
— Oh, Sweety, si j'avais pu venir plus souvent, je l'aurais fait. Mais chaque fois qu'ils venaient, j'étais en déplacement, il tente de se justifier embarrassé.
— Mouais ! Allez, va te chercher une bière.
Il retrouve son sourire et s'éclipse dans la cuisine, pendant que je reprends place à ma chaise.
— Alors, qu'est-ce que ça fait de revenir ici pour de bon ? s'empresse de me demander Ezra.
— C'est agréable ! Je dois admettre que ça va me changer de mon petit studio, j'avoue avec un sourire.
— Et moi qui pensais qu'elle allait nous dire à quel point ça lui manquait de vivre avec nous, dit Eden avec dépit.
— Ed, je ne dirais jamais ça. Vivre avec toi, c'est comme vivre dans une prison.
Ezra éclate de rire, tout comme le brun. Je n'exagère pas, du moins à l'époque, c'était le cas. Je suis convaincue que s'il en avait eu la possibilité, il m'aurait fait porter une culotte de chasteté et m'aurait fait suivre des cours à la maison.
— Toujours dans l'excès, sœurette, il réfute en secouant la tête.
— Ed, tu as mis une caméra devant la porte de ma chambre pour contrôler qui y entrait pendant votre absence !
— Je voulais surtout m'assurer qu'il ne t'arrivait rien pendant notre absence. Imagine s'il y avait eu un cambriolage.
— Dans ce cas, la caméra n'était pas censée être dans l'entrée ? je réponds interloquée par sa bêtise.
Alec retient son rire alors que je secoue la tête.
— Ne ris pas, tu n'étais pas mieux. Tu as menacé tous mes petits amis sans exception. Trois m'ont quittée à cause de toi et au moins deux ont carrément abandonné l'idée de s'approcher de moi ou même de me parler, je l'accuse en pointant mon doigt vers lui.
— En même temps, c'étaient des guignols. Tu méritais mieux qu'eux, il ricane en haussant les épaules.
Je secoue à nouveau la tête, cette fois en riant. Ils m'ont clairement compliqué la vie, maintenant que j'y repense. Je ne sais pas comment j'ai pu supporter tout ça. Peut-être parce que le seul homme qui m'intéressait vraiment m'était hors de portée, ou comme le dirait June, « comment quelque chose que tu ne connais pas peut te manquer ? Saute le pas, ou plutôt fais-toi sauter ! ». Oui, elle ne mâchait pas ses mots.
— Allez, au fond, je suis certaine que tu adorais qu'on t'embête !
— Non, Ez, vraiment pas. Mais vos blagues nulles m'ont peut—être un peu manqué, j'avoue.
— Elles sont hilarantes mes blagues, OK ? s'offusque Eden.
— Avec trois grammes dans chaque bras, peut-être, oui.
Je reçois une olive sur le front. Welcome back, Swan ! La conversation se poursuit dans la bonne humeur. Je ne le leur dirai pas, sinon ils vont encore plus prendre la grosse tête, mais ces soirées m'ont clairement manqué. Oui, vivre loin d'eux a été une renaissance. J'ai enfin pu vivre simplement, mais malgré tout, ces soirées entre nous ont vraiment laissé un vide pendant 5 ans.
Je leur parle de mes amis et des divers postes qu'ils ont obtenus. Nous en venons rapidement à discuter de mes tatouages, Eden remarquant le nouveau. Il n'est pas particulièrement fan de l'idée que je choisisse de me marquer à vie, mais pour une fois, il s'abstient de tout commentaire négatif. Après tout, Ezra est tatoué également, tout comme Alec.
D'ailleurs, ce dernier me demande quand j'ai commencé à me faire tatouer et où se trouvent les autres, bien que certains soient visibles sur mes bras. Je réponds en expliquant que j'ai commencé lors de ma première année à la fac. Évidemment, je contourne habilement le sujet de la personne qui m'a inspiré cette envie. Je ne suis pas certaine qu'Eden supporterait d'apprendre que mon premier petit ami était un bad-boy, tatoué de la tête aux pieds.
Hayden. Un magnifique spécimen brun aux yeux bleus, avec un physique à faire jurer une sainte. Un peu comme Alec, en fait. Non, Swan, arrête ça. J'étais dans ma période « oublier ce béguin pour Hadès », et sur les conseils de June, j'avais décidé de tenter d'oublier le brun avec un autre. Il paraît que c'est la meilleure solution. À ce moment-là, je n'étais pas certaine que ce fût la meilleure idée, mais j'étais prête à tout pour passer à autre chose.
Nous avons immédiatement accroché. Hayden a su captiver mon attention dès le départ. Il m'a ouvert les portes de son univers, même si j'ai rapidement compris que sa vie n'était ni simple ni dénuée de risques, voire même dangereuse. Malgré cela, il était gentil, doux et attentionné. Après quelques semaines à se voir régulièrement, nous avons fini par sortir ensemble. Il a été mon premier amour, et je ne le regrette absolument pas, même si nos chemins se sont séparés après deux ans de relation passionnée et explosive. Il m'a fait découvrir la vie sous toutes ses facettes, l'amour véritable — pas celui à sens unique — et bien sûr, le sexe, tout était parfait. Mes frères n'ont jamais été mis au courant.
Dans un sens, c'est peut-être mieux ainsi, étant donné que notre histoire n'a pas perduré. Malgré mon amour profond pour lui, notre mode de vie respectif n'était pas compatible sur le long terme. Je ne suis pas née pour embrasser le danger, la brutalité, et tout ce qui va avec. Nous avons maintenu le contact, je dirais même que notre relation est restée très amicale.
Je suis si plongée dans mes pensées que je ne remarque pas qu'Alec est en train de me parler. Ce n'est que lorsque sa main se pose délicatement sur mon épaule que je reviens à la réalité, une décharge électrique me parcoure le corps, me faisant frissonner.
— Euh... pardon, tu disais ? je bafouille en relevant les yeux vers lui.
— Je te demandais si une pizza te convenait, il répète en fronçant les sourcils.
— Ah, euh oui, une pepperoni pour moi avec...
— Supplément piment, je sais, il déclare en me faisant un clin d'œil qui pourrais faire fondre ma petite culotte.
Je hoche la tête. L'adolescente éprise en moi ne peut s'empêcher d'être ravie qu'il se souvienne de mes préférences en matière de pizza. C'est puéril et désespérant, il semble qu'une partie de moi n'ait jamais cessé d'espérer.
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Liens interdits : entre cœurs et amitié
RomanceDepuis son enfance, Swan baigne dans l'étreinte chaleureuse de ses deux frères, un duo qui, telle une forteresse, l'a longtemps préservée des blessures que peuvent infliger les relations amoureuses et charnelles. Cependant, ils n'avaient pas prévu q...