Liens interdits : entre cœurs et amitié

41.

Lundi 10 juillet 2023 – Tampa – Floride

Eden a la gentillesse de me laisser finir de manger avant d'ouvrir le bal. Je n'étais déjà pas enchantée à l'idée de subir un interrogatoire, et autant dire que la présence d'Hadès n'arrange rien. Mon corps est maintenant partagé entre colère, désir, tristesse, attirance...rien ne va plus. Mes cinq personnalités sont actuellement en train de se disputer pour savoir qui aura le dernier mot.

Heureusement (ou pas), mon frère me tire de ma réflexion au sujet de mes différentes identités.

— Alors cette soirée avec ton évadé de prison ? commence Eden plutôt calmement.

— Si la question est : est-ce que j'ai passé une bonne soirée avec Hayden ? La réponse est oui, je réponds calme.

— T'as dormi ici ? il enchaîne.

— Tu sais très bien que oui, vu que tu as campé devant ma chambre pendant un quart d'heure.

Ezra sourit en coin face à ma remarque alors que son jumeau s'offusque, me demandant, pourquoi je ne suis pas sortie alors que je ne dormais pas. Je lui lance un regard qui équivaut à un « sérieux ? », qu'il semble comprendre.

— Et ton évadé de prison ? Il a dormi ici ? réattaque Eden en buvant son verre.

— Hayden, il s'appelle Hayden et il n'a jamais fait de prison, je rectifie agacée.

— Bien sûr, et moi je suis la reine d'Angleterre, il répond sarcastiquement.

— Vu tes réactions archaïques, ça serait tout à fait possible Ed, je me moque ouvertement.

Cette fois mon second frère rigole franchement. Alec se fait plus discret, mais je vois bien qu'il est amusé. Enfin, toute cette situation l'amuse clairement. Tant mieux pour lui.

— Et t'es rentrée comment, princesse ? intervient pour la première fois Ezra.

Je suis prise aux dépourvues. Je pensais qu'Hadès les aurait mis au courant que c'est lui qui m'avait ramené. Visiblement pas.

— Alec m'a ramené, j'informe les jumeaux.

Un sourire se dessine sur mes lèvres de pur contentement, quand mes deux frères braquent leurs regards sur lui.

— Alec ? Pourquoi tu ne nous as rien dit ? l'interroge directement Ezra.

Le dieu grec se contente de hausser les épaules comme réponse. Le pire, c'est que ça a l'air de convenir à mes frères qui ne creusent pas plus. Alors que moi, je subis un autre quart d'heure de questionnement en tout genre. J'ai l'impression de déballer ma vie, de ma rencontre avec Hayden jusqu'à notre rupture. Manque plus qu'une psychologue qui fait « mmh mmh » et je me croirais en thérapie.

— Bon, vous avez fini ? Oui, j'ai eu une relation avec un gars couvert de tatouages. Oui, ça a duré deux ans et oui, j'étais amoureuse de lui. Non, je n'ai jamais touché à une arme, à la drogue, ou quoi que ce soit d'autre, sauf des joints comme tout étudiant normal. Non, je n'ai pas l'intention de me remettre avec lui. Oui, il se peut qu'on reste amis. Et oui, Eden, forcément, en deux ans, j'ai couché avec lui. Tu veux peut-être aussi la liste des positions qu'on a testées ?

Ezra grimace, Eden fulmine sur place, tandis qu'Alec se lève en prétextant un appel urgent. J'ai bien fait exprès d'accentuer tous les points qui pouvaient le mettre en colère, et ça n'a pas loupé. Je ne serais même pas étonnée d'apprendre qu'il est en train de refaire le portrait d'un arbre, ce bouffon. Cependant, je dois avouer que j'arrive à saturation de cette situation, de devoir me justifier sur tout, tout le temps, et il est temps de mettre les points sur les i et les barres sur le t avec les frangins.

— Maintenant que vous connaissez toute ma vie privée, est-ce que vous pouvez me foutre la paix ? J'en ai plus que marre de vos questions à la con, vous ne pouvez pas juste me laisser vivre et vous mêler de votre cul ? Non, parce que j'ai 23 ans, je vous rappelle ! J'en ai ma claque d'avoir deux frères totalement timbrés qui veulent contrôler chaque aspect de ma vie. Alors que ce soit clair, je sors avec qui je veux, je couche avec qui je veux et je n'en ai strictement rien à foutre de vos avis. Et si vous continuez à me rendre la vie impossible comme ça, je ne vais pas faire long feu avant de mettre les voiles. C'est compris ?

Deux paires d'yeux ronds me dévisagent, bouche bée. Mon monologue a eu l'effet escompté, plus aucun son ne se fait entendre, et aucun d'entre eux ne me retient quand je quitte la table pour monter dans ma chambre.

Je me fais la réflexion que c'est tout de même fou de devoir en arriver à ce stade pour enfin avoir la paix dans cette baraque.

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Je n'ai pas bougé de ma chambre durant le reste de la soirée, passant le plus clair de mon temps à parler avec June par message. Elle s'est proposée pour venir, mais je sais qu'elle a un shooting pour un mariage demain et je ne voulais pas l'empêcher de se reposer. Ezra a bien tenté de venir me voir, mais je ne lui ai pas ouvert. Ce n'est que quand je les ai entendus aller se coucher que je me suis décidée à sortir de ma tanière. Faire la gueule c'est bien, mais avec de quoi se désaltérer c'est mieux.

— Je savais que t'allais attendre qu'ils soient couchés pour sortir.

Je sursaute littéralement quand j'entends la voix d'Alec retentir derrière moi alors que je suis en train d'attraper une canette de coca dans le frigo. Je ne l'ai pas entendu arriver, je ne sais même pas s'il m'a suivi depuis l'étage ou s'il était encore en bas.

— Bravo Sherlock, tu m'as percé à jour, je réponds sarcastique en attrapant ma boisson sans lui accorder un regard.

J'ai beau ne pas le regarder, mon corps est en alerte, captant chacun de ses mouvements. Je me crispe légèrement en sentant sa présence derrière moi. Tentant, vainement, de faire comme si de rien n'était, je bois une gorgée. Un frisson me parcourt quand son souffle s'abat dans ma nuque.

— Tu sais, Sweety, tu peux m'ignorer autant que tu veux, ton corps parle pour toi, il murmure à mon oreille.

Sa proximité m'empêche de réfléchir correctement. Mes sens sont brouillés et toute pensée cohérente quitte mon corps quand il empoigne mes hanches pour m'asseoir face à lui sur le plan de travail. Un éclat de luxure passe dans son regard quand il remarque mes jambes nues, ne portant qu'un tee-shirt trop large, lui appartenant.

— Qu'est-ce...qu'est-ce que tu fais ? je bégaye, mes yeux ne pouvant se détacher de ses lèvres.

— Pour le moment, rien du tout, Sweety.

Sa voix remplie de promesses silencieuses bouscule les battements de mon cœur.

Je sais pertinemment que je devrais le repousser, l'envoyer chier, mais je suis incapable de sortir le moindre mot, ni même de bouger, complètement prise au piège de son regard fiévreux.