Liens interdits : entre cœurs et amitié

37.

Dimanche 9 juillet 2023 – Tampa – Floride

Le tatoué m'entraîne doucement vers un canapé, et je distingue immédiatement les visages familiers de Jimmy et Julian. Leurs yeux s'ouvrent en grand, et ils se précipitent vers moi. Hayden émet un grognement léger, mais il libère mon épaule pour permettre à ses amis de m'enlacer. Les cousins ont toujours été d'une grande gentillesse à mon égard. Deux bouffons qui, à première vue, ne semblent pas menaçants, mais ne vous y trompez pas, dès qu'ils se mettent au travail ou se mettent en colère, ils perdent toute trace d'adorabilité.

— Oh là là, la crevette fait son retour !

— Juste pour ce soir.

Je tiens à le préciser, on ne sait jamais avec eux. Hayden me fait signe de m'installer à ses côtés, et je m'exécute. À peine assise, un verre m'est tendu. Mon ex chasse et me demande ce que je veux boire. Première règle, ne jamais accepter un verre que je ne me suis pas servi moi-même ou qui n'a pas été versé par ses soins. Une bière fera l'affaire. Il part chercher une bouteille qu'il ouvre avec son briquet avant de me la tendre. Je le remercie, et il reprend place à mes côtés, son verre de coca à la main. Deuxième règle, il ne boit pas en soirée. Jamais. On ne sait pas ce qui peut arriver, et il préfère avoir les idées claires.

Hayden amorça la conversation, s'enquérant de mes nouvelles, et plus particulièrement, de la manière dont se déroule mon retour au bercail.

— Mes frères restent mes frères, et par moments, j'ai l'impression de retrouver mes 15 ans, je souffle.

— Je l'ai remarqué. Ils ne semblaient pas ravis d'apprendre mon existence.

— Oh... ils s'en remettront. Toi ou un autre, ils ne supportent tout simplement pas l'idée que je puisse entretenir des relations avec des hommes autres qu'eux.

— Deviens lesbienne.

J'éclate de rire face à son conseil. Il ne tarde pas à me suivre. Son rire mélodieux résonnant comme une vieille chanson obsédante. C'est une mélodie que je pense ne jamais oublier.

— Et Alec dans tout ça ?

— Quoi Alec ? je demande dans l'incompréhension.

— Il est toujours aussi protecteur ? Enfin, protecteur n'est pas le bon mot. J'aurais dû dire jaloux, j'ai cru qu'il allait me rentrer dedans quand je t'ai appelé mon ange. Il y a quelque chose entre vous ?

— Quelque chose, on peut dire ça, c'est compliqué.

Hayden plonge son regard dans le mien, une éternité suspendue entre nous sans qu'aucun mot ne brise le silence. J'en profite pour savourer une gorgée de ma bière, mes pensées vagabondant dans l'atmosphère enfumée de la pièce. À mes côtés, Donny s'installe et entame le récit passionnant de sa vie de boxeur. Les anecdotes s'enchaînent, créant une symphonie animée qui contraste avec le silence d'Hayden.

C'est alors qu'une inconnue blonde, vêtue d'une tenue qui flirte dangereusement avec la ligne séparant le short de la culotte fait son apparition, arborant un sourire radieux en se positionnant devant Hayden.

Mon ami, un brin agacé, roule des yeux tout en passant son bras autour de mes épaules. Étonnamment, Hayden n'est pas le genre d'homme à succomber à toutes les tentations. Du moins, c'était ainsi à l'époque. La blonde, arborant un mépris évident, m'observe de haut en bas, tandis que je lui lance mon plus charmant des sourires.

— Sérieux Hayden, tu fais dans les saintes ni touche maintenant ?

— Non, mais il ne fait pas dans les putes non plus. C'est là, la nuance.

Donny éclate de rire tandis qu'Hayden arbore un sourire en coin. Il sait à quel point ce genre de femmes m'insupporte. Déjà à l'époque, elles n'hésitaient pas à se pavaner devant lui, en dépit du fait que j'étais sa petite amie, et elles en étaient parfaitement conscientes. La blonde peroxydée semble choquée et me demande de répéter.

— Et sourde en plus. Tu ne sembles pas attirer les esprits les plus brillants, Woody.

— Il est difficile de trouver quelqu'un d'aussi intelligent que toi, mon ange.

— Je sais, tu es restée célibataire depuis, c'est bien la preuve.

Hayden finit par lui demander de s'éclipser. Elle obtempère, émettant un grognement de frustration tout en faisant rouler ses hanches de manière exagérée.

— Tu sais, Swan, t'es devenue une légende parmi les filles qui rêvent de sortir avec lui. Swan, la fille qui a conquis le cœur d'Hayden Wood, raconte Donny en éclatant de rire.

— Ferme là, Don ! plaisante, le tatoué.

Impossible de résister à l'appel de leur rire contagieux. Personne n'ignore que depuis notre séparation, mon ex-petit ami n'a pas trouvé de nouvelle copine. Je doute que cela ait quelque chose à voir avec moi, mais plutôt avec les circonstances qui jalonnent sa vie, laissant peu de place à l'épanouissement amoureux. Notre rupture en est une manifestation évidente.

— Alors, aurais-je dérobé ton cœur, Woody ? ma question est empreinte de taquinerie.

— Ne commence pas, mon ange.

Un éclat de rire s'échappe de mes lèvres et il me tire doucement à lui. J'appuie ma tête sur son épaule, laissant échapper un soupir de contentement. Cet idiot m'avait manqué. Oui, nos destins amoureux sont incompatibles, mais son amitié est d'une valeur inestimable pour moi. Il a toujours été là, peu importe la distance qui nous séparait. Je suis convaincue qu'Hayden serait prêt à venir à mon secours, peu importe la raison, même s'il se trouvait à l'autre bout du pays.

Une pointe d'amertume transperce délicatement mon cœur. Oh, Hayden serait prêt à franchir cette étape, alors qu'Alec, lui, n'a jamais jugé bon de faire une apparition en cinq ans. Il semble même incapable de m'offrir la clarté que je désire concernant notre relation.

Mon ex perçoit probablement mon changement d'humeur, car sa prise sur moi se resserre légèrement.

— Il finira par réaliser le trésor qui se tient devant lui, mon ange. Je te le promets.

Je suis totalement perplexe quant à sa capacité à décoder mes pensées à chaque instant, comme s'il pouvait lire chacune de mes pensées avec une précision étonnante.

— Allez, va danser, je suis sûr que ça te changera les idées.

Une fois de plus, il démontre avec éloquence sa connaissance intime de mon être. En prenant du recul, en contemplant la manière dont Hayden enveloppe mon existence de prévenance, veillant scrupuleusement à mon bien-être, me hissant toujours sur un piédestal, une question émerge insidieusement dans mon esprit : et si rompre avec lui n'avait pas été la décision judicieuse après tout ?

Certes, la perspective d'affronter les périls et l'instabilité qui régissent sa vie me terrifiait. Cependant, en observant son dévouement envers moi, je me demande si cela ne valait pas la peine. Jamais il n'aurait toléré le moindre préjudice à mon égard. En fin de compte, j'ai opté pour la stabilité, mais à quel prix ? L'homme que j'aime, bien que s'inscrivant dans une vie stable, engendre en moi davantage de tourments alors que nous ne sommes même pas ensemble, comparé à toutes les souffrances infligées par mon ex au cours de nos deux années de relation.