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Mercredi 26 juillet 2023 - Paris

Le soleil est déjà haut dans le ciel quand je commence à émerger, clignant des yeux. Il doit être plus de midi, mais j'ai passé une nuit incroyablement réparatrice. Des flashs de la soirée précédente me reviennent. Même si tout n'est pas encore parfaitement en place, je dois admettre que ma nuit avec Alec a été exceptionnelle.

Nous nous sommes reconnectés charnellement à plusieurs reprises, oscillant entre douceur et passion, et c'était divin. Vivre ces moments d'intimité avec lui, sachant désormais que mes sentiments sont réciproques, a intensifié chaque sensation. Féerique.

Bien sûr, peut-être que ses sentiments ne sont pas aussi profonds que les miens, mais juste l'idée qu'il éprouve quelque chose qui frôle l'amour pour moi me comble d'un bonheur inégalé.

Je me recule légèrement, cherchant la chaleur de son corps. Mais mon dos ne rencontre que le vide. J'opère un demi-tour et constate avec désarroi que sa place est inoccupée. La fraîcheur du drap m'indique que cela fait un moment qu'il a déserté la chambre.

Mes yeux cherchent frénétiquement dans la pièce tandis qu'un mauvais pressentiment me tord les entrailles. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais je sais, je suis persuadée au plus profond de moi, qu'il ne m'attend pas sagement dans le salon, un sourire aux lèvres.

Je me lève rapidement, et m'empresse d'enfiler un tee-shirt, le sien, qui traine au sol. Mes gestes, d'abord précipités, ralentissent jusqu'à s'arrêter presque complètement alors que je me tiens devant la porte de la chambre, la main tremblante sur la poignée.

Je m'efforce d'ignorer l'appréhension qui me vrille de l'intérieur en n'entendant aucun bruit de l'autre côté du bois. J'ouvre la porte et mon cœur fraîchement réparé menace de céder quand je rencontre le vide. Aucune trace d'Alec. Mes yeux balaient la pièce, et cette fois je le sens, je l'entends, le fracas des morceaux de mon palpitant qui se désagrège dans ma poitrine, encore une fois. Sa valise a disparu, tout comme lui.

Mon cerveau tente de me protéger de la violence de cette révélation en formulant mille et une raisons qui expliqueraient son absence, son départ précipité. Avant même que je ne m'en rende compte, mon doigt cherche déjà frénétiquement son prénom dans mon téléphone. Aucun message.

Je sens les larmes me monter aux yeux quand sa messagerie se déclenche inlassablement à chaque appel. Je balance mon téléphone sur le bar de la cuisine, tirant sur mes cheveux comme une aliénée prête à faire une crise. Je tourne en rond sur moi-même, murmurant des paroles rassurantes pour tenter de calmer le chagrin, la colère, l'incompréhension et toutes ces émotions contradictoires qui montent en moi.

Il y a forcément une explication. Il doit y en avoir une. Il ne peut pas m'avoir abandonné encore une fois. Pas après toutes les paroles échangées hier.

Mes yeux sont attirés par un papier sur le sol. Je me jette dessus, sachant pertinemment que ce n'est pas un simple ticket de caisse qui serait tombé de je ne sais où. Les larmes, jusque-là, coincées dans mes cils, se déversent en torrent sur mon visage.

La tristesse se mêle dangereusement avec la rage. L'envie d'en découdre avec lui, mais surtout avec les responsables de tout ça me pousse à attraper mon ordinateur et à réserver un billet de retour pour demain matin, sans réfléchir davantage.

J'envoie un message à June pour lui indiquer que je rentre plus tôt que prévu et que je vais avoir besoin d'elle pour venir me chercher à l'aéroport, car je ne souhaite pas mettre au courant mes frères.

Le bout de papier toujours ma main, je le jette sur la table et bondis sur mes pieds pour aller préparer ma valise.

Désolé bébé, je ne peux pas faire ça. Pas maintenant, j'ai besoin de temps. Je ne peux pas prendre le risque de perdre la seule famille qu'il me reste. Je dois faire les choses bien pour une fois et cesser d'être égoïste. Je tiens trop à toi pour te condamner à une vie de conflit avec tes frères. Je sais que tu vas m'en vouloir et certainement me détester, mais sache que c'est un mal pour un bien. Si je fais ça, c'est pour toi.

Mes poings se serrent alors que je fourre mes affaires en boule dans ma valise.

Son frère qui l'appelle ? Mon putain de cul oui !

Un appel de June me coupe dans mon élan.

— Salut bichette, je viens de voir ton message ! Raconte-moi tout, même à travers ton message je pouvais ressentir ta rage, on doit tuer qui ? elle lâche avec un sourire dans la voix.

Je me demande comment à travers un simple texte elle arrive à déceler cela. Quoi qu'il en soit, elle a raison, j'ai de fortes envies de meurtre.

Ma voix tremble, mélange de tristesse et de fureur, alors que je raconte à June chaque détail qui a conduit à ce moment. Sa capacité à écouter, à vraiment entendre la tempête d'émotions dans ma voix, me donne un peu de force. Elle ne perd pas de temps à m'assurer qu'elle sera là, à l'aéroport, pour m'accueillir avec un câlin dont j'ai désespérément besoin.

— Et pour tes frères... t'es certaine qu'Ezra ait quelque chose à voir là-dedans ? elle me demande.

— Qui ne fait rien consent ! Il n'est pas mieux que son putain de jumeau ! je m'insurge en remarquant le ton doux qu'elle a pris en parlant de lui.

— OK OK, on bute les deux ! elle s'empresse de se corriger.

— JE m'en charge, je la rectifie.

— Je pourrais assister à leur massacre au moins ?

Cette fois, je rigole clairement, je me sens un peu plus légère, même si la colère et la déception continuent de bouillir en moi.

— Pour pouvoir panser les plaies de ce cher Ezra après ? je l'interroge en m'efforçant d'adoucir ma voix.

Cela fait un moment que je soupçonne quelque chose entre ces deux-là. Et le fait qu'elle était visiblement avec lui hier lors de notre conversation téléphonique à confirmer mes soupçons. Elle pense peut-être que je n'ai pas reconnu la voix de mon frère au loin, mais c'est pourtant le cas.

— Hein ? Qu'est-ce que tu racontes ? elle bredouille prise aux dépourvues.

Bien que j'ai envie actuellement de tuer mon frère, je ne veux pas que cela entache ma relation avec June. Je veux qu'elle puisse me parler de cette histoire, de ce qu'elle ressent, je veux être là pour elle, même si le mec dont elle souhaite me parler risque de bientôt rejoindre le cimetière.

— Oh moi, je t'ai déjà tout raconté, toi en revanche... je laisse trainer ma phrase.

Assise sur le lit, j'attends qu'elle daigne répondre. Je peux clairement la voir devant moi en train d'enrouler une mèche de cheveux autour de son doigt, cherchant comment répondre.

— Écoute, ce n'est vraiment pas grand-chose, on pourra en parler quand tu seras moins remontée contre lui, non ? elle tente.

Je soupire, mais finis par acquiescer. Il est vrai que je risque de ne pas être objective sur leur histoire pour le moment. Dans sa vie, je joue un rôle, mais je n'ai pas mon mot à dire sur ce qui la rend heureuse, et si c'est avec Ezra, alors soit, qu'elle tente le coup. Elle le connaît aussi bien que moi et elle sait à quoi s'attendre. Tout comme c'était le cas avec Alec, ce qui n'a pas empêché les jumeaux de se mettre entre nous.

Cette simple pensée suffit à raviver ma colère. Je finis par raccrocher après lui avoir fait promettre de ne rien dire au blond qui semble s'être frayé un chemin dans sa tête. Je termine de faire ma valise, chaque vêtement empilé est un rappel douloureux de ce qu'il va se passer.

Comme un coup du destin, mon téléphone s'illumine pour afficher, cette fois, la photo d'Eden. Mon sang bouillonne dans mes veines. Je laisse sonner, si je réponds, je vais surement lâcher toute ma haine sur lui. Sauf que je refuse de le faire par téléphone. Oh non, ça serait bien trop facile.

Ton innocente petite sœur chérie va rentrer Ed, et crois-moi, tu vas regretter d'avoir voulu la contrôler.

Oups ? J'ai pas pu résister, tout se passait trop bien 😈

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant