Mardi 25 juillet 2023 - Paris
Son visage reste un mystère tandis que son regard reste fixe et ses lèvres désespérément scellées. Suspendue à ces dernières, mes mains tremblent alors que sa barbe me griffe les paumes quand je les passe dessus. Mes jambes, quant à elles, menacent de céder dans l'attente de sa réponse, qui ne vient toujours pas. Malgré la sensation de picotement dans mes yeux, je retiens les larmes qui menacent de couler, laissant simplement mes doigts glisser le long de son visage, complètement abattue.
— Dis quelque chose, je t'en supplie, chuchoté-je, les yeux brillants, espérant enfin une réaction.
Ma voix semble le sortir de ses songes, alors que ses traits se crispent. Un espoir renaît quand il ouvre enfin la bouche, pour la refermer aussi sec sans qu'aucun son n'en sorte. Mon cœur dégringole une fois de plus dans ma poitrine, pour s'écraser au sol quand je comprends qu'il ne dira rien.
Résignée et brisée, je m'éloigne de lui avec pour objectif de me réfugier dans mon lit et de noircir mon oreiller de maquillage. C'était sans compter sur Alec qui, avant que je puisse m'éloigner, emprisonne mon bras avec ses doigts. Quand je relève mes yeux larmoyants dans les siens, je le découvre me fixant avec intensité, et d'un geste brusque, il m'attire dans ses bras pour m'envelopper de sa chaleur.
Ma tête contre son torse, je ferme avec violence mes yeux pour éviter d'éclater en sanglots. Sous mon oreille, son cœur bat anormalement vite, alors que ses mains caressent mes cheveux dans un geste de réconfort. À mon insu, son parfum envahit mes narines et, malgré tous les efforts que je décuple, je ne peux plus retenir mes larmes qui viennent mouiller son tee-shirt.
— Je suis tellement désolé, Sweety, il murmure dans mes cheveux. Tu mérites tellement mieux que ça, mieux que moi.
Ses paroles me frappent de plein fouet, me forçant à relever la tête pour le regarder. Un mélange de colère et de tristesse se répand dans mon corps comme une coulée de lave, annonçant une entrée en éruption imminente.
— Oh non, Alec, ne me fais pas le coup du « ce n'est pas toi, c'est moi » ! Ce n'est pas à toi de décider ce que je mérite ou pas, m'insurgé-je en me dégageant de son étreinte.
— Je ne suis pas un mec pour toi, Swan ! s'exclame-t-il avec véhémence.
— On dirait vraiment entendre Eden ! je roule des yeux. Ne te cherche pas d'excuses, Alec. Tu pourrais être cette personne, il te suffit juste de le vouloir. J'ai bien compris que mes sentiments n'étaient pas réciproques, mais au lieu de me sortir des excuses bidon, sois honnête pour une fois et dis-le-moi franchement !
Les poings serrés, je le fixe droit dans les yeux. Je ne supporte plus ces non-dits.
Pourquoi ne peut-il pas être clair pour une fois ?
Ses mains partent fourrager ses cheveux, alors qu'il semble se débattre avec un dilemme interne, trahi par les traits crispés de son visage.
Après trois minutes de silence pesant, je secoue finalement la tête et décide de battre en retraite dans ma chambre. Cette fois-ci, Alec ne me retient pas et c'est mieux ainsi. Tant pis pour le repas qui semblait délicieux, de toute façon, je n'ai plus faim.
J'essuie mes yeux d'un geste rageur, et me débarrasse de ma robe que je laisse tomber au sol, évitant soigneusement le miroir, sachant que ma tête doit encore une fois ressembler à une œuvre d'art digne de Picasso.
Alors que je m'apprête à me jeter sur le lit telle une Drama queen prête à me transformer en fontaine, la porte claque contre le mur me faisant sursauter et suspendre mon geste. Hadès entre dans la pièce, ses yeux devenus fous braqués sur moi.
— Je ne peux pas te le dire parce que c'est faux, gronde-t-il sans préambule.
Mes yeux s'écarquillent de surprise tels ceux d'une biche prise dans les phares d'une voiture. Mes jambes vacillent sous moi alors que ses paroles résonnent dans mon esprit. Ai-je bien compris ? Comme une mauvaise herbe qui s'enracine en moi, l'espoir s'infiltre dans les fissures de mon cœur brisé, et tente de rassembler les morceaux pour le reconstituer.
— Je tiens à toi, Swan, plus que je veux bien l'avouer, murmure-t-il. Mais...tu avais raison, je suis un lâche. J'ai été, et je suis toujours, pétrifié à l'idée de te laisser entrer dans ma vie davantage que tu ne l'as déjà fait. Alors oui, je t'ai repoussée tout en refusant de te laisser tourner la page, avoue-t-il enfin.
Dès la fin de son aveu, il s'assoit sur le lit et enfouit sa tête entre ses mains pour continuer à malmener ses cheveux, tandis que je reste figée par ses paroles. Incapable de sortir le moindre son, j'attends la sentence et la conclusion de son discours avec appréhension.
— Je suis un égoïste, Swan, putain, je le sais, s'énerve-t-il contre lui-même. Je suis incapable de te retourner tes mots par peur de ce que ça pourrait engendrer, tout comme il m'est impossible de te laisser partir une fois de plus. Je l'ai fait il y a cinq ans, et regarde le résultat ? Tu es toujours ancrée dans ma tête, quoi que je fasse. Même les menaces de tes frères n'ont pas réussi à te faire sortir de là ces cinq dernières années.
Le souffle coupé, ses mots me frappent en pleine échine alors que je commence à comprendre.
— Mes frères ? balbutié-je faiblement.
— Parce que tu crois qu'ils n'étaient pas au courant ? me rétorque-t-il. Swan, ouvre les yeux, je suis dingue de toi depuis des années et ils le savent pertinemment. Tout comme la réciproque était vraie, ils savaient que nous étions attirés l'un par l'autre. Pourquoi, penses-tu, qu'ils ont accepté que tu partes dans une fac à l'autre bout du continent, ou ici, à Paris ? ricane-t-il amèrement.Mon cerveau peine à traiter l'information, faisant accélérer ma respiration.
— Je... non, je proteste refusant de croire ce qu'il me dit.
— Ils n'ont jamais pensé que je pourrais être bon pour toi, m'achève-t-il. Combien de fois je les ai confrontés à ce propos, combien de cocards j'ai eu en tentant de leur faire comprendre que t'étais bien plus qu'une simple passade... Ils ont toujours refusé de considérer l'idée. Alors j'ai gardé en moi ce que je ressentais. Je préférais mille fois être près de toi sans pouvoir te toucher que de te perdre pour toujours, parce que tes frères n'auraient pas hésité à t'éloigner définitivement de moi.
Totalement abasourdie, je reste là, les bras ballants. Mon esprit totalement anesthésié par cette révélation. Il s'est battu avec eux, pour moi ?
— Ils sont ma famille, Swan, la seule que j'ai, ils m'ont tellement donné, je ne peux pas les perdre eux aussi. Sans eux, je serais sûrement mort à l'heure qu'il est. Mais tu es revenue, et toutes mes bonnes résolutions ont volé en éclat en même temps que ton sourire est né sur tes lèvres quand tu m'as vu.
La réalité que je ne souhaitais pas voir me rattrape, et une colère sourde monte en moi. Comment ont-ils osé ?
— Et d'une certaine manière, ils avaient raison, je t'ai brisé. Aujourd'hui encore, je te fais du mal, alors que la vérité c'est que je n'ai jamais cessé d'être fou de toi, bébé. Mais y'a des choses que tu ne sais pas sur moi, des choses horribles, Swan. Je... je ne sais pas faire ça, les relations, être en couple, prendre soin de l'autre... l'amour. La violence, la baise, les relations toxiques, la tromperie, c'est tout ce que j'ai connu. Je... je serais incapable de te rendre heureuse même si je le voulais, avoue-t-il, abattu.
Mon cœur se serre devant cet aveu de faiblesse de sa part, révélant que les cicatrices de son enfance, sont bien plus profondes qu'il ne le laisse paraître.
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Liens interdits : entre cœurs et amitié
RomanceDepuis son enfance, Swan baigne dans l'étreinte chaleureuse de ses deux frères, un duo qui, telle une forteresse, l'a longtemps préservée des blessures que peuvent infliger les relations amoureuses et charnelles. Cependant, ils n'avaient pas prévu q...