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Samedi 24 juin 2024 – Tampa - Floride

Pour échapper au regard sombre d'Hadès, je suggère à Caleb de rejoindre le bar pour prendre un autre verre. Je dois admettre que ce n'est pas la meilleure idée que j'aie eue.

Un soulagement m'envahit en constatant qu'Alec ne nous a pas rejoints et qu'il reste en retrait. Enfin, du moins, c'est ce que j'imagine, car je ne le vois plus dans les environs. Marco, quant à lui, virevolte sur la piste de danse avec un blond qui se révèle être Nate, ce qui, sur le moment, me laisse perplexe. Ne m'a-t-il pas draguée plus tôt ? Je mets de côté mes interrogations pour me concentrer sur Caleb, qui semble avoir suggéré que nous nous installions dans le sable, un peu à l'écart des enceintes.

Je le suis volontiers, et nous choisissons un emplacement à distance de la fête. Pas trop près pour pouvoir discuter sans crier, mais pas trop loin non plus pour rester à portée de voix si jamais l'un de nos amis nous cherche. Je m'assois avec une grâce feinte sur le sable. Caleb, lui, n'a pas la patience de faire semblant et s'installe directement derrière moi, entourant mes jambes des siennes. Mon dos repose contre son torse, et son souffle, mêlant la fraîcheur de la menthe et l'arôme de la bière, caresse ma nuque.

— Alors, parle-moi de toi Swan !

— Et qu'est-ce que tu souhaites savoir ?

— Tout ce qui te semblera intéressant à me révéler.

Je ne suis pas coutumière de dévoiler ma vie sur demande, mais avec l'alcool, l'exercice se révèle étonnamment plus facile que je ne l'aurais pensé. Je lui parle de mes études, de mes frères, de June, et je termine par partager ma passion pour la danse et les sports en général.

Sous le doux murmure des vagues et le scintillement des étoiles au-dessus de nous, une connexion inattendue semble naître entre Caleb et moi. Son souffle chaud dans ma nuque et la chaleur de son corps qui m'entoure créent une intimité éphémère, mais agréable.

Caleb, lui, répond à mon monologue sur ma vie avec une sincérité rafraîchissante. Il partage des histoires de son passé, des passions qui l'animent, créant ainsi un échange fluide et captivant.

— Je peux te poser une question ?

— Ce n'est pas ce que tu es déjà en train de faire ?

Un rire doux s'échappe de ses lèvres avant qu'il ne reprenne un air plus sérieux.

— Tu m'as parlé de tes frères, en particulier d'Eden, qui, comme je l'ai constaté, est un brin protecteur. Mais tu n'as pas mentionné le grand brun qui était avec lui. Alec, si je me souviens bien. Pourtant, il semblait lui aussi peu apprécier notre rapprochement, et cela semble être encore le cas ce soir, à en juger par les regards noirs qu'ils nous lancent depuis un moment.

Je suis totalement prise au dépourvu. Je scrute les alentours et remarque alors, effectivement, Hadès qui nous fusille du regard. Aucune trace de la blonde de tout à l'heure, en revanche, une brune se trouve à son bras. Il ne perd pas de temps, deux filles en une seule soirée.

— Oh... Alec. Eh bien, il n'y a pas grand-chose à dire, c'est le meilleur ami de mes frères et j'ai grandi avec lui, ce qui explique son attitude protectrice envers moi. Je suis comme sa sœur.

Je me retiens de me gifler en entendant cette phrase sortir de ma bouche. J'essaie de lui faire comprendre que je ne suis pas sa sœur, et voilà que je me définis comme telle à Caleb.

— Permets-moi de te dire, ma petite Swan, que si c'est ce que tu crois, tu es aveugle. Il n'a pas le regard d'un frère protecteur, mais plutôt d'un petit ami qui veut me casser la gueule pour avoir approché sa copine.

Je reste sans voix. C'est la deuxième personne qui me dit ça. Deux hommes en plus. Et même si, au fond de moi, je sais que c'est bel et bien la jalousie qui motive les actions d'Alec, l'entendre plusieurs fois de la bouche de gens qui ne le connaissent pas me remplit de désarroi. Car quand c'est moi qui le suppose, je peux toujours me raisonner en me disant que je me fais des films, mais quand ça vient de quelqu'un d'autre, cela devient dangereux. Dangereux, car je commence à espérer fortement, alors que je risque sans nul doute de tomber de haut si je me laisse aller à croire à un possible intérêt, autre que fraternel, de la part d'Alec.

— Je ne sais pas quoi te dire Caleb. Il a toujours été comme ça avec moi, bien qu'un poil plus extrême depuis mon retour de la fac.

— Dis-moi juste si, toi, tu le considères comme ton frère ?

Là encore, je reste muette. Que pourrais-je bien dire ? Que je suis irrésistiblement et irrévocablement attirée par lui ? Que je me languis de lui depuis mon adolescence ? Que je rêve qu'il me dise que je lui plais ? Que moi aussi, je voudrais susciter ce désir irrépressible en lui ? Bien que ce soit la vérité, je ne veux et ne peux l'avouer à haute voix. Ce serait comme accepter que je sois fatalement tombée pour lui il y a des années déjà. J'ai besoin de croire que, non, je ne suis pas totalement perdue et qu'il y a encore de l'espoir, que je vais réussir à faire taire ces sentiments incontrôlables que j'ai pour lui.

— Tu sais, je ne suis pas dupe. Je sais bien que tu as accepté mon invitation à danser pour le faire réagir alors qu'il était avec cette fille.

— Quoi ? Non pas du tout, je..

Son regard n'exprime pas la colère. Je dirais même qu'il est rieur, un de ces regards qui veut dire « À d'autre tes mensonges ». Je finis par capituler.

— Oui, bon d'accord. Disons que c'est un peu plus compliqué que ce que je veux bien l'avouer. Mais je te promets que je ne me sers pas de toi, maintenant du moins. Enfin, pas maintenant ni après d'ailleurs. Ce que je veux dire, c'est que je passe vraiment un bon moment en ta compagnie, et ça n'a rien à voir avec Alec.

— Swan, c'est bon, respire. Je ne t'en veux pas. C'était juste pour te dire que j'avais remarqué qu'il y avait quelque chose entre vous. Mais heureux d'apprendre que tu apprécies ma compagnie.

Je prends une profonde inspiration, libérant un rire empreint de nervosité. Même en son absence, il parvient toujours à susciter des conversations. Caleb, d'une manière distraite, fait jouer mes cheveux, les faisant glisser sur le côté de mon corps. Je sursaute presque quand je sens ses lèvres chaudes semer de légers baisers le long de mon cou.

— Et penses-tu que tu apprécies suffisamment ma compagnie pour me laisser t'embrasser ? questionne-t-il de sa voix enjôleuse.

Je reste figée, incapable de trouver une réponse, car je ne le sais pas moi-même. Ai-je vraiment envie de l'embrasser ? Est-ce dans mes habitudes d'embrasser un homme que je connais à peine ?

Sa bouche continue son exploration, déposant des baisers sur mon cou. Au loin, je remarque June qui semble nous avoir repérés. La danse joyeuse de pom-pom girl qu'elle exécute laisse clairement entendre qu'elle est favorable à ce rapprochement entre le brun et moi. Caleb le remarque aussi, provoquant l'arrêt immédiat de sa danse et une tentative feinte de normalité.

— Je crois que ta copine, elle, elle est totalement pour.

Je rigole ouvertement, elle est dingue. Cependant, mon rire se fige dans ma gorge lorsque Caleb se retrouve face à moi, son visage dangereusement proche du mien.

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant