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Jeudi 20 juillet 2023 - Paris

Malgré que j'essaie de les repousser, les souvenirs m'inondent.

Il avait vingt-et-un ans, son frère venait d'être arrêté pour le meurtre de son beau-père, et sa propre mère avait témoigné contre lui. Alec était dévasté. Malgré le fait que son frère l'ait laissé seul avec une mère instable, il n'a cessé de l'appeler et de veiller sur lui, c'était lui qui subvenait à ses besoins et qui a payé ses études. Je ne sais pas comment d'ailleurs, mais je préfère ne pas le savoir, il n'était pas vraiment ce qu'on appelle une bonne fréquentation. Malgré ça, il était pour lui plus qu'un frère, presque un père. Alors, lorsque le verdict est tombé, Alec a sombré.

Il a commencé à fréquenter de mauvaises personnes, à repousser l'aide des jumeaux et la mienne. J'avais à peine seize ans à l'époque. Ce n'est que lorsqu'il était sous l'emprise de la drogue qu'il laissait échapper son mal-être, et j'étais la seule personne à qui il se confiait. Il venait souvent dans ma chambre, tard le soir, les yeux rougis, s'effondrant par terre, la tête posée sur mon lit, et il parlait. Le jour où il est allé voir son frère en prison, il était encore plus mal qu'à l'accoutumée, c'est la seule et unique fois où je l'ai vu pleurer.

Je l'ai serré dans mes bras frêles. Je l'ai laissé exprimer sa douleur, sans rien dire, en l'écoutant simplement d'une oreille attentive. Après cela, mes frères et moi avons tout fait pour l'aider à s'en sortir, ça a été difficile. Je l'ai épaulé du mieux que j'ai pu, tentant de le calmer durant ses violentes crises de manque.

Tenant mon téléphone entre mes mains, l'envie irrépressible de composer son numéro me torture. Je suis parfaitement conscient que c'est une mauvaise idée. Comment pourrais-je lui être utile alors que ses démons resurgissent en partie à cause de moi ?

Malgré mon désir de nier toute implication dans cette situation, je ne peux m'empêcher de reconnaître que notre histoire doit être, au moins, l'une des causes de son effondrement.

Je finis par céder et essaie d'appeler Alec. Rien que l'idée qu'il puisse replonger me terrifie, je ne peux simplement pas le supporter. Il ne répond pas la première fois, ni la seconde, ni même les fois suivantes. Pour aggraver les choses, il m'envoie un message plutôt explicite : « Va te faire baiser par ton français et fou moi la paix, comme tu peux le voir, je n'ai pas besoin de toi. ». Ce doux message est accompagné d'une photo plutôt suggestive d'une brune à moitié nue sur un lit, probablement le sien.

Affirmer que mon cœur ne se brise pas, une fois de plus, dans ma poitrine serait un mensonge. Je croyais pourtant que je ne pouvais pas ressentir une douleur plus intense. Forcée de constater que je me trompais lourdement. Cependant, je refuse de laisser une quelconque larme couler.

Pour me calmer et détendre mes muscles, je prends une douche, laissant échapper un soupir de soulagement sous l'effet de l'eau chaude qui ruisselle sur moi. Soudain, la sonnette de l'appartement retentit, me faisant sursauter et manquer de glisser sur le sol. Étant donné que je ne connais personne ici et que ce n'est pas chez moi, je ne vois pas qui cela pourrait être, à part une erreur. Je sors de la douche et la sonnette retentit à nouveau. Je fronce les sourcils et m'enroule dans une serviette avant de me diriger prudemment vers l'interphone, comme si ce dernier aller me sauter au visage.

— Oui ? je demande fébrilement à travers le combiné.

— America ? Je ne te réveille pas j'espère ? Pour me faire pardonner, j'ai apporté le petit-déjeuner, j'entends une voix joyeuse.

— Noah ? je questionne interloquée.

N'ayant pas de réponse, j'appuie sur le bouton afin de déverrouiller la porte de l'immeuble. J'indique que c'est au troisième, en espérant qu'il a entendu.

J'ouvre la porte par précaution et me hâte de retirer ma serviette pour passer rapidement des sous-vêtements et des vêtements. Alors que je suis en train d'enfiler mon short, j'entends mon prénom résonner bruyamment dans la cage d'escalier. Si les voisins dormaient encore, ce n'est certainement plus le cas maintenant. Je crie que c'est ici, même si je sais que cela ne va pas beaucoup aider. La porte s'ouvre alors que je mets mon haut.

— Oh ! Merde désolée, il dit en se retournant alors que j'enfile mon top.

— C'est bon, tu peux te retourner, je lui indique, amusée par sa réaction.

Il me fait enfin face, les mains chargées de sachets qu'il s'empresse de poser sur la table.

— T'as invité des gens à prendre le petit-déjeuner avec nous ? je rigole clairement en voyant le nombre de viennoiseries étalées sur la table.

Il se gratte la nuque, mi-amusée, mi-gêné.

— Je ne savais pas ce que tu aimais, alors j'ai pris de tout, il explique avec un sourire contrit. D'ailleurs, j'espère que je ne te dérange pas, il ajoute en scrutant la pièce.

— Non, tu ne me déranges pas, j'ai juste été surprise en entendant ta voix, je souris sincèrement. Tu sais, je vais commencer à croire que c'est toi qui devient dingue de moi, je le taquine.

— Moi ? Je suis simplement un gentleman qui aime aider son prochain, America, en l'occurrence toi, il dévoile sa dentition parfaite.

Je lui fais signe, désignant la table sur le balcon. Nous nous installons face à face et son sourire ne quitte pas son visage. Il semble que ce soit sa marque de fabrique. C'est clair, que cela change d'Alec, qui fait toujours la gueule.

Noah, focus Swan !

— Tu ne travailles pas aujourd'hui ? je demande curieuse, en prenant un pain au chocolat.

— Le jeudi, mes cours ne sont que l'après-midi, il m'explique en picorant un croissant.

Il me parle des différents cours qu'il donne, me faisant promettre de venir à l'un d'eux avant mon départ. La conversation se poursuit sur des sujets anodins. Je ne cesse pas de manger, au point où je pense que je vais finir par faire une overdose de pain au chocolat. Noah se moque ouvertement de moi lorsque j'ouvre le bouton de mon short.

En guise de petite vengeance, je lui lance des miettes au visage. Il plisse légèrement les yeux, puis je me retrouve à mon tour couverte de restes de croissant. C'est ainsi qu'une bataille de viennoiseries éclate.

Bientôt, les jets de croissants se transforment en chatouilles, nous arrachant des rires incontrôlables. Nous finissons par terre, morts de rire tous les deux. Je profite de ce moment pour prendre un selfie de nous.

— Encore désolé d'être parti si vite hier, j'aurais vraiment... apprécié rester avec toi, il hésite un instant.

— Aucun problème, la famille avant tout, je comprends totalement, je déclare en tournant la tête vers lui.

Mon souffle se coupe quand je remarque notre proximité. Ses cheveux lui tombent sur le front, et ses yeux pétillent d'un sentiment que je ne saurais définir.

— T'es vraiment magnifique America, il souffle doucement.

Son souffle s'abat sur mon visage alors que ses mots résonnent dans ma tête, créant un écho de douceur et de confusion. Je sens mon cœur battre un peu plus fort, un léger frisson parcourir ma peau. Nous restons là, à nous regarder, captivés par cette atmosphère chargée d'émotions indéfinissables.

Olalala, c'est chaud avec notre petit parisien !

Pensez-vous qu'elle va craquer ou rester fidèle à ses sentiments ?

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant