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Mercredi 19 juillet 2023 - Paris

Nous prenons place dans un restaurant nommé « Bouillon Pigalle ». Je dois avouer que je ne suis pas une grande experte en gastronomie française, mais en même temps, les jumeaux ne jurent que par les pizzas.

En parlant de pizzas, je devrai demander à Eden si Ana est finalement venue samedi et s'il a progressé avec la jolie brune.

Ne sachant pas quoi choisir, je laisse Noah décider pour moi tout en lui donnant quelques indications sur mes préférences culinaires. Je me retrouve avec un plat de viande en sauce appelé « Bœuf bourguignon » accompagné de pâtes et d'un verre de vin rouge. Bien que cela ne semble pas très appétissant au premier abord, l'odeur qui se dégage du plat me met déjà l'eau à la bouche.

Et le parfum n'est rien en comparaison du goût. Je m'enthousiasme dès la première bouchée. C'est divin. Je me demande comment j'ai pu vivre jusqu'à présent sans jamais avoir goûté ce plat exquis. Ce n'est qu'au moment où je remarque que le danseur me fixe en se mordant la lèvre que je réalise que j'ai laissé échapper un gémissement très évocateur.

— Oh, shit, j'ai gémis à voix haute c'est ça ? je sens mes joues rougir fortement.

— Légèrement, il se retient clairement de rire. Mais au moins ça prouve que tu aimes ce que tu manges.

— Arrête de te retenir de rire, tu deviens tout rouge le Frenchi, je l'accuse.

Il éclate de rire et je me joins à lui dans son hilarité. Nous continuons de manger tout en discutant de tout et de rien. Je découvre que nous avons plusieurs points communs, autres que la danse. Notre conversation devient de plus en plus fluide et agréable, et je me sens de plus en plus à l'aise en sa compagnie. C'est comme si nous avions toujours été destinés à nous rencontrer.

On finit par sortir du restaurant, les trois verres de vin que j'ai bu me sont légèrement montés à la tête et je me sens joyeuse. Je n'ai vraiment pas l'habitude de cet alcool.

— Je te raccompagne America, tu m'as l'air un peu pompette, il constate en me regardant.

— Je n'ai pas que l'air, je le suis, mais à qui la faute ? C'est toi qui m'a fait découvrir ce vin, je pouffe en le pointant du doigt.

Oui je suis définitivement ivre. Il rigole et m'attrape la main pour m'emmener dans le métro. Il me demande ma destination et note l'adresse. Pas besoin de GPS, il sait déjà où aller. Je n'ai plus qu'à le suivre. Si jamais, il était un psychopathe, autant dire que je lui rendrais la tâche bien plus facile. Je ris à cette pensée et Noah me regarde avec un air perplexe.

— Non, rien, je me disais juste que si tu étais un psychopathe je te rendrais la tâche bien facile actuellement, je lui dévoile ma pensée.

Il sourit de façon énigmatique et passe son bras autour de mon épaule, me fixant sérieusement avant de me demander ce qui me fait penser qu'il n'est pas un psychopathe. Je ris avant de réaliser que, franchement, il pourrait vraiment en être un. Il doit voir à mon expression que mon esprit s'égare vers des scénarios macabres, car il éclate de rire.

— Ne panique pas, America, je ne te ferais aucun mal. Et même si c'était le cas, on me retrouverait tout de suite avec la photo que tu as postée de nous deux sur ton Instagram.

Je ris à mon tour, consciente de l'absurdité de la situation. Ma tête finit par reposer sur son épaule pendant le reste du trajet alors qu'il me parle de son travail et de sa passion pour la danse. Sa voix est douce, presque envoûtante.

Je grogne légèrement quand il m'annonce que nous sommes arrivés et que je dois donc me détacher de son épaule. L'arrêt n'est pas très loin de l'appartement. Nous voilà donc arrivés au moment fatidique, mon cerveau, qui était en sommeil jusque-là, se réveille soudain.

Tout homme normalement constitué tenterait une approche après la journée que nous venons de passer. Or, je suis incapable de définir comment réagir si cela se produit. La voix de June dans ma tête me pousse à me laisser aller, mais ma raison me dit que ce n'est pas correct de laisser espérer ce type alors que mon cœur appartient à un autre.

On parle d'un simple baiser, voire d'un petit coup de rein, pas d'un engagement à vie.

Un point pour la schizophrène. Nous arrivons devant l'immeuble et ma décision est encore perdue en territoire inconnu. Je me retourne vers le danseur, qui lui aussi semble indécis, sa main se grattant la nuque dans un geste de gêne évidente.

Comme un signe du destin, il reçoit un appel juste à ce moment-là. Je peux voir sur son visage que ce qu'il entend ne lui plaît pas. Il soupire et annonce qu'il arrive avant de raccrocher.

— Désolé, mon frère a encore... laisse tomber, je dois y aller, il souffle visiblement agacé.

— Oh, pas de problème, les frères relous, ça me connaît, je tente de détendre l'atmosphère tendue. Merci pour la visite guidée et le restaurant, c'était vraiment sympa, je le remercie sincèrement.

— C'était un plaisir America, je t'envoie un message, OK ?

Je lui adresse un sourire et acquiesce. Sa main toujours dans la mienne, il me tire légèrement vers lui et dépose, sans que je m'y attende, un baiser à la commissure de mes lèvres. Un frisson parcourt mon dos lorsqu'il s'éloigne de moi. Finalement, peut-être ai-je secrètement souhaité qu'il m'embrasse.

Il disparait dans la bouche du métro, me laissant seule devant mon appartement, me sentant un peu perdue comme une plante en détresse. Du moins jusqu'à ce que mon téléphone vibre à son tour.

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant