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Dimanche 9 juillet 2023 – Tampa – Floride

Déterminée à embrasser la suggestion d'Hayden, je confie mes effets personnels entre ses mains avant de m'aventurer sur la piste de danse improvisée. Les yeux du tatoué me suivent attentivement, prêts à intervenir au moindre signe de détresse. Cela a toujours été sa façon d'agir. Monsieur ne danse pas, ou du moins, cela ne se produit que lorsqu'on atteint le trente février d'une année bissextile — autrement dit, jamais.

Jimmy et Julian me rejoignent, et nos pas de danse tentent maladroitement de se synchroniser, provoquant des éclats de rire incontrôlés. Au cœur de la foule, mes yeux repèrent une chevelure blond platine. Un visage familier orné d'un piercing à la lèvre, suivi de près par un homme aux cheveux noirs dont la gorge est tatouée d'une rose magnifique. Entre eux, une petite furie brune se déhanche avec énergie.

Un sourire radieux illumine mon visage. Aussitôt, je me dirige vers ce groupe et c'est sans surprise qu'Hayden me suit, ne voulant pas me perdre de vue.

— Billie ? je l'interpelle.

Son visage s'éclaire d'un éclat chaleureux alors qu'elle se libère de ses deux compagnons pour m'enlacer tendrement. Deux autres paires de bras robustes s'enroulent autour de moi, et un sourire s'épanouit à nouveau sur mon visage. Billie, Jace et Seth, les amis et « collègues » d'Hayden qui, au fil des semaines, sont devenus les miens aussi. Bien que nos rencontres soient devenues moins fréquentes, chaque retrouvaille est une source inépuisable de joie.

— Levi et Isaiah ne sont pas là ? demandai-je, pressée de voir les jumeaux.

— Malheureusement, non. Le travail n'attend pas, répond Jace avec un léger ton de regret.

Je hoche la tête, légèrement déçue. Le « travail », une douce façon de parler de leurs activités au sein du gang des Bluebirds. Hayden nous rejoint, engageant une conversation animée avec les deux hommes, me laissant m'installer avec Billie pour discuter. Le temps semble s'écouler sans que je m'en rende compte, nos échanges sur nos vies respectives me procurant une joie apaisante. Billie partage les détails de sa relation complexe avec les garçons, une histoire peu conventionnelle dont je n'ai pas tous les détails. Lorsqu'elle me questionne à mon tour, la réalité de ma situation me frappe brusquement.

Mon cœur appartient à un homme qui ne se soucie pas assez de moi pour être honnête à mon égard. Voyant ma tristesse, elle tente d'en savoir plus. Mais, ne préférant pas en parler, je change rapidement de sujet.

La soirée s'étire, et mon amie, accompagnée de ses deux hommes, annonce leur départ.
Me retrouvant désormais seule avec Hayden, je remarque qu'il semble préoccupé.

— Qu'est-ce qui ne va pas, Woody ? Tu as l'air soucieux.

— Rien, tout va bien, mon ange, mais je vais devoir écourter notre soirée...

— Oh...

Sa réponse succincte révèle clairement qu'il se passe quelque chose dont il ne veut pas me parler. Une situation à laquelle je suis habituée. Après tout, j'ai partagé deux ans de ma vie avec lui, et bien que j'eusse une idée vague de ses activités, il ne m'a jamais impliquée dans ses affaires.

Déçue de devoir rentrer, et surtout de devoir le quitter, je finis tout de même par le suivre. Hayden me rend mon téléphone, objet dont j'ai totalement oublié l'existence. En l'allumant, je remarque qu'il a envoyé un message à Alec, lui demandant de venir me chercher.

On s'installe tous les deux sur un muret devant la villa, attendant l'arrivée d'Hadès. Je me demande bien pourquoi il a décidé de le contacter lui et non un de mes frères.

— Tu sais, mon ange, tu mérites d'être heureuse. Et je pense que cet Alec peut te rendre heureuse.

— Permets-moi d'en douter. Il n'est même pas capable de définir ce que représente notre relation pour lui, je rétorque avec une moue excédée.

Hayden plisse les lèvres, les yeux fixés sur l'horizon, semblant réfléchir à mes paroles.

— Laisse-lui du temps, affirme-t-il, d'une voix sérieuse. Tu sais, ce n'est pas simple pour un homme, d'admettre qu'il est amoureux.

Je lève les yeux au ciel devant cette excuse bidon, typique des hommes.

— Pourtant toi, tu l'as avoué sans problème, je lui fais remarquer.

— Parce que je savais qu'on ne finirait pas notre vie ensemble, mon ange, me déclare-t-il sans sourciller.

Je fronce les sourcils, intriguée par sa révélation.

— Comment ça ? je demande incrédule

Il lâche un rire sec, empreint d'amertume, avant de me regarder droit dans les yeux.

— Swan, tu m'as vu ? Sérieusement trésor, t'es bien trop parfaite pour moi, dit-il en secouant la tête. Je n'aurais jamais pu t'offrir la vie que tu mérites, j'en étais conscient depuis le début.

— Tu dis n'importe quoi ! je m'exclame avec véhémence en me relevant pour me positionner devant lui. Tu sais, j'étais à deux doigts d'accepter tout ça, juste pour rester avec toi !

Hayden sourit en coin en secouant légèrement la tête, une lueur de mélancolie dans les yeux.

— Mais tu ne l'as pas fait, murmure-t-il. Et je ne t'en veux pas mon ange. Si tu ne m'avais pas quitté, c'est moi qui l'aurais fait, affirme-t-il. Je t'aimais trop pour te condamner à ce genre de vie, et je t'aimerais toujours d'ailleurs, j'espère que tu le sais.

Je ne peux empêcher les émotions de prendre le dessus face à sa déclaration impromptue. Comme témoin de mon émoi, une larme roule sur ma joue. N'ayant pas les mots pour répondre, je me contente de me blottir dans ses bras. Il resserre son étreinte autour de moi et je me laisse bercer un instant. Une voiture klaxonne soudain, brisant notre moment de complicité. Hayden se recule et colle son front au mien en essuyant mes larmes.

— Arrête de pleurer, mon ange, souffle-t-il les yeux fermés. Tu devrais plutôt être flattée.

— T'es idiot ! je ricane en reculant. Mais merci, merci de m'avoir dit tout ça. Et moi aussi Woody, toujours.

Mon emmerdeur de chauffeur klaxonne de nouveau. Je grogne et finit par lui gueuler que j'arrive. — ça ne lui arrive donc jamais d'être patient dans sa vie? —

Avec un dernier baiser à la commissure de mes lèvres, Hayden s'éloigne de moi, mais se fige rapidement, « Eh, mon ange? ». J'incline la tête, l'incitant à continuer.

— Soit heureuse, tu veux ?

Un faible sourire décore mon visage alors que je lui réponds « Bien sûr, tu me connais ».

— Justement mon ange, justement.

Sur ces dernières paroles, il disparait dans la villa. Alec ne perd pas une seconde pour me rejoindre, et je sens déjà que je vais avoir besoin de toute la force qu'il me reste pour affronter la suite de la nuit.

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant