Maladivement Séduisant

CHAPITRE 1

Le vent fait valser mes cheveux alors que je joue des coudes pour atteindre le plus rapidement possible le taxi qui m'attend depuis un bon quart d'heure. Je croise les doigts pour qu'il ait la gentillesse de patienter deux minutes supplémentaires mais lorsque j'arrive au point de rendez-vous aucun signe de lui.

Je jure entre mes dents puis balaie les alentours du regard en espérant trouver une solution mais rien ne me vient à l'esprit.

Les taxis se font très rares dans la ville où j'habite, il n'y a pas assez de client. La majorité de la population a plus de 80 ans et peine à sortir de son lit sans se briser une côte.

Que fais-je donc dans cette ville au beau milieu de la Pennsylvanie ?

Il s'agit de la seule ville aux appartements à prix abordable qui est proche de Philadelphie où mon petit frère séjourne.

Il est cloitré entre quatre murs blanc et partage son quotidien avec des infirmières, de la nourriture infâme et la même garde-robe depuis 4 ans.

Il a été transféré dans l'hôpital de la région qui était le seul capable de gérer sa maladie : Myopathie de Duchenne.

Le principal symptôme est une faiblesse des muscles. Dès l'âge de 11 ans, mon frère a été obligé de se déplacer en fauteuil roulant et à 13 ans mes parents ont pris la décision de le laisser sous surveillance médicale 24 heures sur 24 après un incident qui nous a tous traumatisés.

Je vous en parlerai si je m'en sens capable.

Mes parents sont restés dans l'Ohio mais ils ont passé la majorité de leur temps au chevet de mon frère. Lorsque je leur ai annoncé que j'avais été accepté dans une université à Philly comme ils aiment l'appeler, je les ai persuadés d'arrêter ces allers-retours incessants.

Depuis ce jour, je passe au moins un jour sur deux à l'hôpital et tiens mes parents au courant.

Pour revenir au présent, je viens juste de manquer le seul moyen que j'avais pour me rendre à l'hôpital.

Exceptionnellement je n'avais pas cours aujourd'hui, je n'étais donc pas à Philadelphie.

Les bus pour se rendre là-bas sont beaucoup moins nombreux en dehors des heures de pointes, voir quasi-inexistant.

Je passe une main dans mes cheveux et plisse les yeux pour sonder la route mais je ne vois aucun taxi.

Je sors mon téléphone de ma poche et essaye de contacter le chauffeur mais il ne répond pas. Il a sûrement trouvé un nouveau client bien plus ponctuel que moi.

Je jette un coup d'œil nerveux à ma montre pour constater que je suis en retard.

Je suis déjà censée être en train de descendre du taxi à cette heure précise.

Alors que je suis sur le point d'abandonner, mon regard se pose sur cette boutique qui fait l'angle. Elle est discrète et légèrement délabrée.

Je passe souvent devant mais n'y entre jamais.

Je traverse la route goudronnée puis entre à l'intérieur dans l'espoir de trouver ma solution.

Un homme est assis avec un air épuisé collé à son visage.

Il a les cheveux gras et je remarque instantanément que la pièce empeste le tabac.

Il lève ses yeux vers moi mais ne bouge pas, il me scrute quelques secondes puis retourne à sa position initiale en abordant une moue pleine d'indifférence.