CHAPITRE 85

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ELLIE
Je scrute du regard l'horloge murale accrochée au mur de l'amphithéâtre, l'aiguille des secondes semble tourner dans le sens contraire.
Je sais que j'aurais dû accompagner Lowell chez son père mais sur le moment je n'ai pensé qu'à une chose, m'enfuir au plus vite après avoir fait preuve d'autant d'audace. Le rouge me monte aux joues lorsque je repense à l'hésitation qui s'est installée au creux de mon ventre en voyant l'expression surprise et perturbée de Lowell. J'étais si frustrée de le voir fuir la cuisine, je n'ai pas réfléchi, je me suis précipitée dans la salle de bain et je lui ai demandé la première chose qui me soit venu en tête. Le soulagement a coulé dans mes veines lorsqu'il m'a attrapé la main pour m'emmener dans la douche.
La situation entre nous est si étrange en ce moment. Je ne suis pas en colère contre lui, c'est comme si je n'étais plus aussi à l'aise avec lui malgré le fait que je viens de prendre une douche avec lui et je perçois que c'est la même chose pour lui.
Je n'aurais aucune explication à vous fournir, c'est peut-être le fait d'avoir partagé notre premier repas avec nos parents respectifs qui a rendu notre relation beaucoup plus sérieuse.
J'extirpe mon téléphone portable de la poche de ma veste et lâche un soupir de frustration en constatant que Lowell ne m'a pas envoyé de messages. De mon côté je n'ai pas pu m'en empêcher, j'ai ressenti le besoin de lui faire savoir que malgré cette situation loin d'être anodine, je suis là pour lui.
C'est très frustrant de dépendre autant d'une personne. Un simple message peut vous rendre fou, ou tout du moins l'absence de message. C'est comme si le simple fait d'en recevoir un donne l'impression que cette personne a pensé à vous, à dédier un peu de son temps à nous parler.
Ça peut paraître ridicule et pourtant c'est la manière dont je ressens les choses.
Je me retiens de lui envoyer un nouveau message mais me contente de ranger mon téléphone portable avant de faire quelque chose de gênant comme ce matin.
C'est très perturbant de se dire que nous n'éprouvons aucune gêne à se doucher ensemble mais la simple idée d'avoir une conversation honnête à cœur ouvert nous fait détaler.

"—Tout va bien ?" Me questionne Gaspard en se penchant vers moi.
J'acquiesce vivement la tête, sachant par la même occasion des images du corps nu de Lowell à côté de moi.
"—C'est juste que Lowell va passer la matinée avec son père." Annoncé-je en omettant les détails importants.
Gaspard hoche la tête comme si cette réponse justifiait mon attitude.
Je me tourne vers lui.
"—Et toi ? Les vacances sont dans une semaine et tu sais aussi bien que moi qu'après cela tout va arriver très vite. Je n'arrive toujours pas à croire que tu vas te marier !" M'exclamé-je d'une voix plus forte.
Un regard de travers de ma voisine de droite me rappelle à l'ordre. Gaspard semble avoir reçu lui aussi le message car il me répond d'une voix plus faible.
"—Oui ! Angeline est devenu insupportable à la maison. Des fois j'ai juste envie de fuir mais je me dis que cela pourra être qu'un bon souvenir à lui ressortir dans quelques années quand on rira de notre mariage." Me répond-t-il un sourire aux lèvres.
Je m'apprête à lui répondre mais mon téléphone se met à sonner.
Je me fige et manque de lever les yeux au ciel lorsque ma voisine me jette un regard assassin qui en dit long sur ses pensées.
Le professeur qui mène le cours magistral secoue sa tête d'un geste réprobateur puis reprend sa phrase.
Je m'empresse de retirer mon téléphone de ma poche, attrape mon sac posé à mes pieds lorsque je constate qu'il s'agit de Lowell en train de m'appeler.
J'enjambe Gaspard qui m'interroge du regard puis quitte l'amphithéâtre en remontant les marchés longeant les sièges rapidement.
Il m'appelle si rarement que je me mets immédiatement à imaginer le pire lorsqu'il le fait.
Je décroche tout en poussant la lourde porte qui me sépare du couloir de la faculté.
Sa voix grave me parvient immédiatement aux oreilles alors que je m'adosse à un mur dans un coin plus isolé et plus silencieux.
"—Je n'étais pas sûr que tu allais répondre." Me dit-il la voix chargée d'émotions.
Je fronce les sourcils.
"—Tout va bien ?" Le questionné-je, l'estomac qui se tord face à l'appréhension.
Je l'entends soupirer à l'autre bout du combiné et je commence à m'imaginer toute sorte de scénario.
Son père l'a planté et il s'est retrouvé à errer dans les rues ? Son père est bien venu mais ils se sont crachés leurs venins à la figure ?
"—Ça fait du bien d'entendre ta voix." Marmonne-t-il d'une voix plus faible. Mon coeur se serre. Je n'aurais jamais dû le laisser...
Je passe une main dans mes cheveux et me redresse pour commencer à marcher en direction de la sortie.
"—Lowell, tu m'inquiètes." Lui répondé-je tout en atteignant le hall d'entrée.
"—Tu ne vas pas être en colère, hein ?" Me demande-t-il d'une voix incertaine.
Je nage dans l'incompréhension totale tout en traversant les portes automatiques qui me permettent d'accéder au monde extérieur.
Je comprends alors.
Il se tient là devant moi à quelques mètres. Je le détaille du regard et mes yeux se figent sur ses yeux rougis.
Il a pleuré...
Mon cœur rate un battement alors que je retire le téléphone collé à mon oreille.
Une douleur s'empare de moi alors que je l'imagine pleurer. Je ne l'ai vu que peu de fois libérer de la sorte ses émotions et c'est à chaque fois déchirant et pénible. Je glisse mon téléphone dans mon sac accroché à mon épaule et m'empresse de traverser le trottoir pour l'atteindre. Il ne bouge pas, mais ses yeux restent plantés dans les miens et me transmettent toute la souffrance qu'il éprouve.

Maladivement SéduisantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant