4 : Drague ratée

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¤ Castle on the hill de Ed Sheeran ¤

Zea

La première fois que l'on s'était rencontré, Lucas et moi, c'était quand nous étions nés. Ce n'était pas une blague. Attention, gros cliché : nos mères étant déjà les meilleures amies du monde, nous nous étions toujours côtoyés, lui et moi. A vrai dire, je pense que même si nous nous connaissions pas, on serait quand même devenus inséparables à un moment ou à un autre. Ça avait juste accéléré les choses.

Lui est né le 22 février ; moi, le 22 janvier. Coïncidences ?

Malgré notre grande différence de caractères, nous étions et avions toujours été amis. Meilleurs amis pour le meilleur et pour le pire. Bien que le pire soit passé, à vrai dire.

Ouais, lui et moi, ça remonte à tellement longtemps que les phrases cul-cul comme celle-ci étaient monnaie courantes chez nous. Les petits gestes l'un envers l'autre – parfois déplacés, les petits surnoms ridicules, les « je t'aime » dit et répété pour tout et rien, plus pour des moqueries, en fait, nous faisions tout entre nous. Pas de tabous ! Nous avions appris à marcher ensemble, à parler ensemble – son prénom étant l'un de mes tous premiers mots, à faire du vélo ensemble, à écrire ensemble... tout ! Nous avions aussi fait énormément de choses ensembles. Dont des bains. Nus. Et d'après les photos qui nous restaient, il avait une petite bite. Rien qu'y penser, j'ai envie de rire. Ça se trouve, il en a toujours une aussi petite... Si c'est le cas, ça doit pas être facile tous les jours.

Chacun de nous connaissait tous les secrets de l'autre. On se disait tout, on connaissait tout de l'autre.

Nous avions toujours été que tous les deux. Toujours et tout le temps. Personne ne nous intéressait, personne n'était à la hauteur de notre amitié. Les frères siamois. D'ailleurs, durant un temps, en primaire, nos professeurs de primaires nous pensaient frères. Ce à quoi on répondait oui, comme les crétins que nous étions.

Puis il y a eu Ophélie. Grande brune au grand cœur, elle s'était retrouvée être un défi entre nous deux. Le premier qui réussissait à la foutre dans son pieu gagnait ! Mais quand nous avions commencé à la connaître, nous avions abandonné l'idée. Et assez rapidement. Elle ne méritait pas ça de nous. Impossible. Bordel, maintenant, le premier qui s'y essayait, je le défigure jusqu'à ce que sa propre mère ne le reconnaisse plus. Personne ne toucherait à notre Ophélie. Nous l'avions rencontrée en seconde et ça avait été le coup de foudre amical.

Ensuite, vint le tour de Blake. Triste histoire pour ce petit gars. Bien plus petit et fin que nous, il avait toujours été discret et effacé avec nous. La première fois que nous l'avions rencontré, ce fut quand il a été aux mains de Logan et sa clique de crétin. Trop fin et maladroit pour se défendre, voilà deux ans qu'il se faisait martyriser en toute discrétion par cette bande d'enfoirés sans que personne ne le sache. Quand nous l'avions trouvé, blessé de partout et tremblant de froid dans une rue près du lycée, il arrivait à peine à parler tellement il avait été amoché. Je me souviendrais toujours de ce moment.

Ophélie avait poussé une exclamation de dépit et d'aberration en nous contournant pour se rendre dans cette ruelle. D'abord surpris, nous avions échangé un regard avec Lucas avant de nous précipiter à la suite de notre amie. On l'avait alors retrouvé recroquevillé sur lui-même, pleurant et marmonnement des mots incompréhensibles. Au départ, Lucas et moi nous étions juste stoppés devant lui, ahuri de le voir ainsi. Ophélie s'était, quant à elle, précipitée vers lui en le serrant bien fort dans ses bras en lui chuchotant des mots doux.

Finalement, nous l'avions ramené chez Lucas pour le soigner et qu'il nous explique ce qu'il s'était passé. Nous avions d'ailleurs mis un certain temps avant qu'il finisse par nous avouer qu'il se faisait martyriser par ces abrutis de première depuis deux ans.

Lucas ayant été le plus proche de là où nous nous trouvions, nous avions eu de la chance que ses parents ne soient pas là à cet instant, partis au restaurant « en amoureux », comme ils aimaient le dire.

Le lendemain de notre rencontre avec Blake, nous n'avions même pas échangé un regard avec Lucas pour se mettre d'accord avec ce que nous allions faire : aller passer à tabac ces fumiers qui se croyaient meilleurs que tout le monde. Finalement, ils avaient fini par comprendre le message et ne s'étaient plus approchés de Blake. Tout est bien qui finit bien, phrase favorite de Lucas.

Et le meilleur pour la fin ! Cet abruti de Trevor. Il était arrivé peu de temps après que l'on se soit liés d'amitié avec Blake. Venant de Californie, sa peau bronzée et son accent à couper au couteau faisaient tomber toutes les culottes. Nous, ce qui nous a d'abord le plus marqué fut son audace. Ce mec n'avait aucune gêne.

Il s'était ramené à son premier jour avec un tee-shirt proclamant haut et fort « Je suis nouveau et je m'en ballec de toi ». J'avais tout de suite adoré.

D'ailleurs, ce fut pendant la première heure de cours qu'il s'était incrusté avec nous. Ça s'était passé l'année dernière.

Nous étions tous les quatre dans la même classe. Nous étions tous au fond à discuter du style bien particulier du prof alors qu'il arrivait, en retard déjà à ce moment-là. Puis il avait balayé du regard le reste de la classe avant de s'arrêter sur Ophélie. Et le sourire qu'il lui avait offert m'avait fait grogner comme jamais je ne me serais cru capable. D'ailleurs, j'avais été vite imité par mon meilleur ami qui serrait les poings sur la table. S'avançant avec détermination dans notre direction, il s'était finalement assis à côté de Blake, qui s'était mis tout seul, en nous jetant à tous un regard vide d'expression. Puis son visage s'était éclairé avant qu'il ne déclare, tout content :

- Je vous aime, bande de cons !

Ahurissant ce mec. Finalement, après son entrée fracassante dans nos vies, nous avions formés notre petit groupe de cinq, inseparables et toujours à faire des conneries.

- Salut, mesdemoiselles. Je me présente, Lucas.

Passant habilement sa main dans sa touffe brune, il offrit son sourire « à faire tomber les culottes » comme il aimait le dire, aux filles face à lui. Et elles pouffèrent en le déshabillant du regard. En même temps, y avait pas grand-chose à enlever. Exhibant fièrement ses tablettes durement obtenues, il se pavanait comme un paon. C'était trop beau pour ne pas le ridiculiser.

Ce que d'ailleurs je fis :

- Hé, mon cœur, ramènes ta p'tite bite par ici. J'ai pas fini de te mettre ta crème pour les démangeaisons contre les morpions.

De suite, les filles s'arrêtèrent de pouffer pour me jeter un regard incrédule. Elles se détournèrent rapidement avant de se reculer subtilement en lui offrant un sourire faussement désolé.

- Je... euh... on va y aller. Au revoir Lucas.

Et sous son regard mortifié, elles décampèrent fissa en courant presque.

- Fils de pute !, ragea-t-il.

- Tout doux, je te signale que c'est aussi la meilleure amie de ta mère, mon cœur, me moquais-je.

Et pour bien appuyer mon surnom à la con, je lui offris un clin d'œil appuyé.

- Toi, je vais te... commença-t-il.

- Les gars, on y va !, le coupa Ophélie.

- Oui, maman !

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