83 : Chaleur orageuse

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¤ The Score - Oh My Love ¤

Assis dans le canapé, j'observais tout le monde parler entre eux : Blake écoutait attentivement la conversation entre Ophélie et Victor, notre petit intello, et parlaient des études et de comment ils s'en sortaient, Demon dévorait du regard mon amie sans se cacher en prêtant une oreille à peine attentive à la conversation entre Trevor et Clément. Ces deux-là me faisaient très peur : l'un toujours dans la lune et toujours à rendre tout en retard et l'autre à chercher à faire le plus de conneries possibles, ils pouvaient me rendre très nerveux. Zea, de son côté, était assis à ma droite et observait lui aussi tous ceux qui l'entouraient. Bière à la main, il gardait ses distances avec moi tout en essayant d'avoir un petit contact physique entre lui et moi sans que ce soit intrusif : une épaule qui effleurait la mienne, son bras plaqué contre le mien, sa cuisse appuyée contre la mienne. Des petits contacts qui paraissaient sans importance mais qui étaient recherchés. Je m'en amusais parce que je voyais bien qu'il essayait de rester un minimum distant sans que ça ne m'importune et si je faisais mine de rien tout en me moquant gentiment, ça me faisait plaisir de voir qu'il faisait ce genre de sacrifices.

Ma première bière toujours à la main (elle n'était plus très fraîche), j'attrapai sa main dans la mienne et la posai sur ma cuisse, entrelaçant ses doigts aux miens. La surprise sur ses traits me fit échapper un petit rictus amusé mais il se détendit et fit écho à mon sourire. En me détournant, je m'aperçus que si personne ne faisait de commentaires, le geste n'avait échappé à aucun : je remarquai le petit sourire fier d'Ophélie, la surprise chez mes colocataires, le rictus mi-moqueur mi-amusé de Trevor et Blake. Je me crispai et fus à deux doigts de dégager ma main mais l'ombre qui assombrit le visage de mon meilleur ami me stoppa. Déterminé à assumer jusqu'au bout, j'inspirai un grand coup en fermant les yeux pour échapper momentanément aux regards inquisiteurs de mes amis et amenai sa main à ma bouche pour embrasser ses phalanges. Se détournant de ce qu'il pouvait regarder jusque-là, il me jaugea de son regard d'or noir pendant de longues secondes pendant lesquelles je rabaissai sa main sur ma cuisse. Dans son regard, je voyais l'orage de tendresse qu'il tentait tant bien que mal de contenir mais je savais que derrière cette barrière qu'il tentait de poser, l'envie de m'embrasser se faisait violente. Je pinçai les lèvres, parce que si jusqu'à maintenant je faisais des efforts, afficher notre relation (peu importe ce qu'elle pouvait être pour le moment) avec des gestes aussi vindicatifs me mettait bigrement mal à l'aise et il le savait. Je faisais des efforts, il le voyait. Alors, en réponse à la détresse qui montait toujours plus, il laissa échapper un peu de la tendresse doucereuse qu'il ressentait et me rassura sur ses intentions d'un regard : il ne m'embrasserait pas maintenant, pas devant tout le monde, pas ainsi et je laissai échapper un soupir de soulagement. Il y répondit en portant à son tour ma main à ses lèvres et embrassa lui aussi mes phalanges.

J'étais heureux. Non pas parce que j'assumai doucement les sentiments que m'inspiraient mon meilleur ami mais parce que cet échange silencieux que l'on avait eu à l'instant me prouvait que tout n'était pas perdu : notre complicité était toujours présente et peut-être encore plus forte qu'avant. Le regard toujours figé dans le sien, je finis par m'en détourner en me calant plus confortablement dans le canapé sans lâcher sa main en buvant une gorgée de bière.

J'étais presque à la fin de ma bouteille mais j'avais fait de gros progrès : là où je l'aurais descendu en quelques secondes, il m'avait fallu une heure. La fin n'était plus très bonne mais je m'en fichais : l'envie s'était faîte pressante et violente pourtant j'y avais résisté. Et j'étais fier de moi.

La soirée se passa ainsi : calme et conviviale, joueuse et amusée, intime et joviale. Aucun de nous ne finit bourré allongé sur le sol mais on passa une soirée géniale et les sourires qui s'éclairaient le prouvait bien. Pourtant, il fut à un moment où je dus arrêter les festivités.

Je me levai, me dirigeai dans ma chambre et empoignai ma guitare. Je savais que tout le monde m'attendait avec impatience, alertes de la prochaine note de musique. Mais je pris tout mon temps, passai la sangle autour de mon buste, pris le temps de vérifier à nouveau les cordes et tester leur musicalité. En revenant dans le salon, je jetai un coup d'œil à Zea qui gardait la mine impassible comme d'habitude. Personnellement, je n'empêchai pas le sourire fier qui pointait sur mes lèvres. Je me dirigeai à pas lents vers lui sans jamais le lâcher des yeux. Je me délectais de la surprise qui se peignait dans ses iris et de l'excitation sous-jacente. Ses traits ciselés dans la dureté de la pierre ne laissaient échapper aucune émotion mais en total contraste, l'orage strié d'éclairs violents qui s'abattaient dans ses yeux noirs ne me prouvait qu'une chose : il était impatient de savoir ce que j'avais mijoté. Debout devant lui, je commençai finalement ma mélodie. D'abord douce, je répétais continuellement le même air tout en gagnant en intensité. Finalement, quand je me décidais à entamer les paroles, Clément qui était un amateur de batterie, attrapa ce qu'il avait sous la main et me joignit pour faire la percussion en arrière plan. Enfin, la dernière petite touche se rajouta quand nos autres amis se rajoutèrent en tapant dans leur main en m'accompagnant sur certaines onomatopées. Tout cela dans une joyeuse cacophonie, je me jetai à pleine tête dans ma musique, empoignai les paroles pour les faire miennes, les attrapai et les fis réalité. Je gesticulai avec ma guitare dans les mains, grattai les cordes pour dépeindre les notes dans l'air, les rendre tangibles, chantai jusqu'à ce que je me soûle de musique, accompagnai la gaieté de mise qui s'enroulait autour de moi pour nous suivre dans nos pas vers la simplicité de la symphonie.

Et enfin, quand la mélodie s'enroula autour de moi pour se terminer dans un zéphyr chantant, je m'abandonnai dans l'orage d'une intensité palpable qui grondait près de moi.

– Bon anniversaire, Hulk, soufflai-je, le souffle coupé.

PowerlessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant