66 : Ma petite amie, l'alcool

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¤ Don't wanna be - The Score ¤

Dehors, il faisait beau. Ou il pleuvait. Peut-être n'y avait-il que des nuages. Je ne savais pas. Il était 6 heures. Ou peut-être 3 heures. Je ne savais pas non plus. Je m'en fichais un peu. Je papillonnais des yeux et me levai. Je passai un coup d'eau sur mon visage. J'avais l'impression qu'il était figé. Je pris une douche, m'habillai d'un jean et d'un sweat avant de prendre mon manteau, mon téléphone et de partir, sac sur le dos. Je regardai quand-même l'heure. Il était 7 heures. J'avais du temps devant moi. Je rebroussai chemin, pris ma gourde. J'aurais mal dans la journée. J'avais besoin d'un remontant, je ne tiendrais pas sinon.

- Lucas, tu ne prends pas à manger ?

- Je me payerais quelque chose.

- Prend ça.

- Maman...

- Tu prends ça.

Le regard fixe, elle me mettait au défi de refuser. Je jetais un regard au sandwich qu'elle me mit dans les mains et le dédaignais comme s'il pouvait m'empoisonner dans la seconde. Du moins, c'était l'effet qu'il me faisait : juste à regarder la moutarde s'échapper du pain me donnait envie de vomir. Je soupirai, vaincu, et le pris. J'ouvris ma gourde et bus une gorgée. La chaleur qui se répandit dans ma gorge me fit du bien et combla un peu de la froideur qui m'encerclait. Mais de si peu que je frissonnais à nouveau dès que l'effet de chaleur s'estompa pour complètement s'effacer. Je me retins difficilement de reboire devant ma mère sinon elle se douterait de quelque chose mais bon sang, j'avais si froid que je serais près à boire toujours plus pour combler un tant soit peu ce sentiment.

J'empoignai mon déjeuner et le fourrai au fond de mon sac.

- Lucas ?

Je maugréais un vague oui avant de me jeter sur le canapé et de sortir mon téléphone pour naviguer sur mes différents comptes sur les réseaux sociaux.

- Est-ce que tu vas bien ?

Je ne lui portais aucune attention. Je lui répondis un oui là aussi plutôt vague pour lui faire plaisir. Peut-être me lâcherait-elle la grappe ?

- Lucas, s'il te plaît, regarde moi.

Je soupirais longuement pour lui faire comprendre que ça m'emmerdait. Mais je relevai les yeux de bonne grâce et affrontai ses yeux noisettes desquels j'avais hérité. Le regard inquiet qu'elle m'offrit me fit déglutir parce que j'avais senti la boule caractéristique qui me bloquait la gorge à chaque fois que j'allais pleurer. J'avais fini par connaître par cœur les signes avant-coureurs qui précédaient une crise de larmes. Les yeux qui s'humidifiaient, la boule qui s'installait dans ma gorge et grossissait toujours plus, les mains qui tremblaient, le nœud qui se serrait dans mon estomac et les larmes qui s'accumulaient toujours plus dans mes yeux jusqu'à déborder même si je faisais tout pour les retenir de couler. Et finalement, les sanglots qui remplaçaient cette boule de plomb dans ma gorge et l'obstruaient jusqu'à ce que j'ai toujours plus de mal à respirer. Le trou toujours plus gros qui se creusait dans ma poitrine comme s'il n'y avait pas de fond et me faisait tomber toujours plus bas. J'avais si mal.

- Est-ce que tu vas vraiment bien ?

J'acquiesçai parce que je n'étais pas sûr de pouvoir parler sans que ma voix ne déraille.

- Tu sais que tu peux m'en parler, n'est-ce pas ?

J'acquiesçai mollement avant de finalement secouer la tête de droite à gauche, les larmes s'accumulant toujours plus.

- Je ne le mérite pas.

Je secouai à nouveau la tête pour me remettre les idées en place et bus à ma gourde. La chaleur de l'alcool me fit du bien et me remis un peu sur pieds. J'inspirai un bon coup et lui souris doucement pour la rassurer en ajoutant :

- Ne t'en fais pas, tout va bien. Bon, je te laisse, je vais y aller.

Je l'embrassai sur la joue et m'en allai avant de fondre complètement en larmes dans ses bras comme une loque. Et pour me donner du courage, je bus une nouvelle fois dans ma gourde.

¤¤¤

Je rasai les murs. Toujours plus. J'évitais tout contact et m'effaçai le plus possible comme si je pouvais disparaître. J'essayais de rester concentrer le plus possible parce qu'il ne fallait pas leurrer, mes peines de cœur ne m'empêcheraient pas de passer mon baccalauréat. Alors j'essayais d'oublier la merde que j'étais en me plongeant dans le travail pour essayer d'au moins réussir quelque chose. Cependant, cela allait être difficile aux vues de la note vraiment décevante que je reçus en maths et qui me plomba le moral un peu plus. Le seul réconfort auquel j'avais droit était ma gourde qui ne me quittait pas. J'essayai de rationner pour éviter de la finir trop rapidement et surtout pour ne pas finir complètement déchirer en cours mais ce n'était pas l'envie qui me manquait. Particulièrement quand je croisais au loin Ophélie, Blake et Trevor sans Zea.

Je ne le voyais plus. Il avait disparu de la surface de la Terre. Il n'était pas en cours et n'était jamais avec ceux qui étaient devenus ses amis. Je ne voulais pas me leurrer : comment pourrais-je les considérer comme mes amis après tout ce que j'avais fait à leur ami ? Je ne méritais pas qu'on s'inquiète pour moi alors je les évitais le plus possible. Je les avais plusieurs fois entendus m'appeler pour me retenir mais je ne pouvais pas les affronter encore. J'avais trop peur alors je faisais ce que je savais faire de mieux : je fuyais. Je savais que si je me retrouvais face à eux, je n'attendrais qu'une chose : des nouvelles de Zea. Mais je ne les méritais pas alors je préférais les fuir.

Cela dura plusieurs jours jusqu'au week-end que je passais enfermer dans ma chambre à bosser le plus possible pour oublier la sous-merde que je devenais en buvant. Et ça recommença ainsi pendant un bon moment jusqu'à ce que je vois Zea à nouveau revenir au lycée. Ça me fit un choc. Je les observais de loin en tâchant d'éviter Sacha au mieux. Je ne voulais plus la voir. A cause d'elle, j'avais détruit ma vie. Elle tenta elle aussi de me parler mais je la fuyais tout autant.

- Lucas !

Je ne me retournais pas. J'avançais toujours plus vite pour échapper à la silhouette élancée de celle que je devrais considérer comme ma petite-amie. Ramassis de conneries.

Mais je ne fus apparemment pas assez rapide : on m'agrippa violemment le bras et on m'arrêta sans que je n'ai pas le choix.

- Lucas, bon sang, ça fait plusieurs fois que je t'appelle !

- Oui, je sais, répondis-je sèchement.

Elle me lança un regard noir en reprenant :

- Mais qu'est-ce qu'il te prend, enfin ?! Arrête de faire le bébé et joue ton rôle.

- Toi et moi, c'est terminé, Sacha. Y a jamais rien eu, de toute façon.

J'allais pour me détourner et décamper mais elle me retint. Elle me refit face, un sourire plein de sous-entendus aux lèvres en passant un doigt léger sur mon bras pour le remonter sur mon épaule.

- Oh, allez, ne me dis pas que tu n'as pas passé un bon moment. Tu as kiffé autant que j'ai kiffé. D'ailleurs, je suis ouverte à une nouvelle partie. Ça te dit ? Chez moi, ce soir, à 18h, sois-là, je t'attendrais.

Je déglutis, pétrifié. Elle ne me laissa pas le temps de reprendre mes esprits qu'elle s'en alla, toute guillerette. Plus loin, quand je repris enfin mes esprits et que je compris ce qui venait de se passer, je vis le regard glacial d'Ophélie ainsi que l'hostilité de Blake. Mais ce qui me fit peut-être le plus mal fut le regard absent que me glissa Trevor comme s'il ne me connaissait pas.

Je me crispai et détournai le regard, affligé et honteux. J'empoignai avec désespoir ma gourde avant de boire plusieurs lampées et de déguerpir, la queue entre les jambes. Comme toujours.

PowerlessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant