29 juillet 2017 (M)

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Mathieu – 27

Depuis que nous sommes sortis de l'hôtel que j'ai réservé précipitamment hier, Nathan ne se décolle plus de moi. Il ne cesse de diminuer autant que possible la distance qui nous sépare lors du mouvement naturel de nos pas, de notre marche, de notre trajectoire. Depuis que je lui ai enfin dit combien il comptait pour moi, il a rejoint les hautes sphères. Ce visage rayonnant, c'est assurément ce qui m'avait plu chez lui dès le début, même s'il s'était montré particulièrement insistant.

Alors que nous marchions ainsi depuis une heure environ dans New-York, Nathan a soudainement décidé de passer son bras autour du mien, tandis que ma main était logée dans ma poche. Il n'est plus contre moi, il s'est attaché, littéralement. Cela ne me gêne évidemment pas, au contraire. Je le trouve simplement bien plus entreprenant depuis qu'il a conscience de mes sentiments. Si tenté que ce soit lui qui n'en avait pas conscience. Peut-être était-ce moi. C'est bien plus aisé de se réfugier derrière l'incertitude que d'assumer.

Je crois qu'il n'a pas eu conscience en revanche de ce mouvement d'attache. Il semble avoir agi naturellement, sans réellement choisir. Je suis quasiment sûr qu'automatiquement il a voulu me tenir le bras, m'attirer à lui. Finalement, je ne regarde plus New-York, je le regarde lui. Je suis perdu dans mes pensées, la ville s'efface, elle disparaît pour ne devenir qu'un artifice autour du corps de Nathan. Un corps de mannequin, qui est vu, observé, désiré parfois. Il n'est qu'à moi. Pour moi.

C'est en sentant le bras dudit mannequin me tirer que je sors de ma bulle et tends l'oreille aux sons qui ressemblent étrangement à la voix de Nathan :

« Tu ne m'as absolument pas écouté, n'est-ce pas ?

— J'observais la ville, excuse-moi.

— Et tu ne m'observes même pas à moi, rigole-t-il.

— Si tu savais... soufflai-je sans doute légèrement trop fort, puisque ses joues tendent à s'empourprer.

— Je te disais que j'aimerais que l'on aille dans un restaurant que je connais bien, qui est à quelques pas. J'y allais souvent quand j'avais des shootings.

— On dirait que tu es retraité, me moquai-je.

— Non, j'ai juste récupéré un vieil amant qui me manquait, et je consacre la plupart de mon temps à m'occuper de lui.

— Il en a de la chance, grinçai-je tout en ayant conscience qu'il s'agissait de moi.

— D'ailleurs, il est grincheux parce que j'ai dit qu'il était un amant.

— Ouais, grognai-je.

— Alors que lui-même ne m'a avoué que récemment ses sentiments. Allez, viens-là ».

Il a raison, et c'est ce qui me déprime le plus. Non pas qu'il soit dans le vrai, mais plutôt que ce soit vrai. J'exigeais davantage de Nathan que je ne lui donnais moi-même. Pour un dominant protecteur, c'est pour le moins incongru. Arrêté dans ma réflexion par le serveur qui nous accueille, je complimente vivement Nathan sur ses bonnes adresses. Le lieu est splendide, légèrement sombre pour être intimiste, tout en laissant quelques faisceaux parcourir la salle. J'apprécie sincèrement. D'autant plus lorsque l'homme que j'aime – puisqu'il s'agit bien de cela désormais – prend la parole :

« Crois-moi, le lieu n'est que l'antichambre d'une autre atmosphère ».

Suprême Mathieu - S.M. (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant