Suprême Mathieu - S.M. (B&B)

4 août 2017 - suite (M)

Mathieu – 40

« Et c'est le cas, Mathieu ? »

La question d'Arthur me tire de mes pensées. Je viens de lui raconter sans discontinuer tous ces moments à deux, la manière dont nous nous sommes rencontrés, dont nous nous sommes épousés... Voici peut-être dix minutes qu'il n'avait rien dit.

« Evidemment, Arthur. J'ai perdu la personne qui me complétait, pour qui j'aurais donné ma vie, à qui je voulais apporter seulement, si ce n'est le bonheur, un peu de bien-être, de bien-vivre, ensemble. J'en ai été incapable. J'ai complètement échoué Arthur. Je m'en voudrai toute ma vie ».

J'ai trop retenu mes larmes. Depuis bien trop longtemps. Alors maintenant, neuf ans après notre mariage, quatre ans après son départ, j'abandonne. Je rends les armes. Et je pleure. Je hurle même. Arthur ne dit rien, il sait que j'en ai besoin. La terreur et le chagrin alertent Andy qui monte doucement les escaliers. Je suis juste au sol, la tête entre les mains, en train de déverser le mal qui me torture depuis des années.

« Je n'ai même pas eu le courage d'aller à son enterrement, criai-je. Je suis un putain de lâche !

— S'il te plaît, Mathieu, lève-toi, viens contre moi.

— Tu vois de quoi je suis capable Andy ?! De ne même pas aller dire au revoir à mon propre mari. Comment veux-tu que je sois capable d'aimer dès lors ! C'est moi qui aurais dû crever devant mes ordinateurs, pas lui. Je l'ai laissé tomber, même pour son dernier voyage. Je ne suis jamais allé le voir ».

Andy récupère le téléphone et enclenche l'appel vidéo avec Arthur. Tous les deux me regardent, avec beaucoup de tendresse. Je me déteste. J'aurais envie de le rejoindre. Mais c'est parce que je ne suis pas sûr que ce soit bien le cas que je ne tente rien. Je garde cependant pour moi ces remarques.

« Mathieu, tu n'as fait que te protéger. Tu as essayé de survivre à cette catastrophe. C'est bien naturel, tente Arthur.

— Et lui je ne l'ai pas protégé. Je savais qu'il était mal.

— Mais tu ne pouvais pas savoir qu'il se tromperait dans ses médicaments ou qu'il quitterait votre logement, continue-t-il. Stéphane est plus que ton mari. Un homme libre, audacieux aussi pour avoir réussi à te séduire d'abord puis te demander en mariage ensuite. Le protéger davantage serait revenu à le contrôler et vous auriez perdu l'essence de votre relation.

— Tout aurait été mieux que son accident. Je pense à lui chaque jour ».

Andy, qui jusqu'à présent était à côté de moi, plutôt fort et fier, s'effondre lui aussi, se réfugiant dans mes bras. Arthur me fait signe qu'il coupe l'appel vidéo, et nous nous retrouvons seuls, sans que je ne sache exactement qui réconforte qui. Mais je me sens légèrement moins mal dans ses bras.

« Mathieu... je suis désolé... Tu te trompes totalement... Peu importent les conventions sociales, l'enterrement ou que sais-je... Il t'a à lui pour toujours, et c'est magnifique... Mais je t'en supplie, ne te laisse pas dévorer par le mal. Stéphane n'aurait sûrement jamais voulu que tu abandonnes. Je suis sûr qu'il t'aimait bien trop pour cela.

— Il m'aurait probablement dit la même chose... Vous vous ressemblez beaucoup...

— Mais moi je ne mérite pas que tu me laisses t'aimer ».