25 juillet 2017 - suite (M)

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Mathieu – 18

J'ai, le temps que nous étions dans l'aéroport, agi comme si tout était normal. Comme si le fait que Nathan, l'homme que je vois, avec qui j'ai une relation, ait invité Andy, l'homme avec qui j'ai eu plusieurs relations sexuelles, mon amant en somme, à m'embrasser à ses côtés était normal. Comme si le partage de mes lèvres devait être évident, tout comme ils ont partagé mon corps, ma domination, mon temps.

Nathan a passé son bras dans le creux formé par le mien, tandis que j'avais les mains dans mes poches. Andy marchait à côté, plutôt souriant, mais je le sais décontenancé par ce qui venait de se passer. Quant à Bastien, il est complètement dépassé, à la fois par la présence d'Andy et par le comportement de Nathan.

Il m'avait répété des dizaines de fois que ce n'était pas ce qui comptait pour lui. Qu'il voulait juste m'avoir. Le silence a été de mise durant le trajet, et tant mieux. Chacun était sur son portable, sauf moi. Bastien regardait si le défilé avait attiré du monde. Nathan était concentré sur de la musique pour s'imprégner de l'ambiance du défilé. Andy répondait à ses amis. Moi je fixais le noir du cuir.

Comme maintenant d'ailleurs. Le défilé commence dans quelques dizaines de minutes, et je ne fais rien d'autre que regarder dans le vide. Je suis dans le même état qu'avant-hier. Dans le même état de fatigue. Dans le même état de tristesse. Dans le même état de colère. Tant que je ne saurais pas ce qui vient si souvent brutaliser mon esprit. Peu importe que mon esprit soit quelque peu embrumé. Tant que je comprends. Rien à faire, je ne sais pas.

Même mon café me semble fade. Il n'y a personne dans ces appartements-là, parce qu'ils sont trop éloignés des podiums et de la fête. J'y suis bien. Ils sont sombres, peu éclairés. Les murs, le mobilier, tout y est noir. C'est beau. Tout rentre en concorde avec mon esprit. La musique est douce sans être triste. Il n'y a que moi qui le suis.

Je laisse mon regard se poser un peu partout, parfois dehors, souvent dedans. Je sais que je dois être sous peu des dizaines d'étages en-dessous, pour présider ce défilé. Nathan sera sur le podium, réel roi de la journée. Je suis heureux d'avoir tenu ma promesse. D'être là tout simplement. C'est important d'être là. Pour lui. Pour moi. Pour nous, oui.

J'ai encore changé de costume. J'ai choisi celui d'un gris presque métallique, auquel j'ai associé une chemise blanche aux très fines rayures noires, quasiment invisibles à l'œil nu. C'est parfois si simple d'être observé, si attentivement regardé par les autres. Simple... Ce n'est pas ce que je disais hier à mes acteurs.

Ma soudaine possessivité n'est même plus liée à la propriété du studio. Non, j'ai envie qu'ils soient mes acteurs. Les acteurs de ma vie. On a tous quelque chose à construire ensemble. Un lien à retrouver. A créer avec le plus de personnes possibles. La domination a longtemps été le moyen de créer un lien intangible et invisible avec une majorité.

J'ai envie d'aller toujours plus loin. Que le chaos qui m'habite comme maintenant ne soit plus une tare. Qu'après tout que deux hommes aient aimé m'embrasser en même temps ne soit plus si grave. Que rien ne vienne amocher une vie déjà très compliquée. Qu'on retrouve un peu de sérénité. Qu'on soit tous protégés. 

Suprême Mathieu - S.M. (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant